Écrire Peine d’emprisonnement maximale pour un militant anti-Formosa

Hoàng Đức Bình, militant écologiste, a été condamné à 14 ans d’emprisonnement pour avoir critiqué la catastrophe provoquée par Formosa et pour avoir critiqué le gouvernement sur son blog ; c’est une des peines les plus dures à avoir jamais été prononcées contre un militant vietnamien. Il est détenu depuis son arrestation, le 15 mai 2017.

Le 6 février 2018, Hoàng Đức Bình a été reconnu coupable d’« actes d’opposition commis à l’encontre d’une personne exerçant une fonction publique » et d’« utilisation abusive des libertés démocratiques pour porter atteinte aux intérêts de l’État et aux droits et intérêts légitimes des organisations ou des citoyens » par le tribunal populaire du district de Diễn Châu, dans la province de Nghệ An (centre-nord du Viêt-Nam). Condamné à 14 ans d’emprisonnement, Hoàng Đức Bình a reçu la peine d’emprisonnement maximale pour chacun de ces chefs d’inculpation (articles 330 et 331 du Code pénal de 2015 du Viêt-Nam respectivement). Le jour de l’audience, les autorités de la province de Nghệ An ont ordonné que toutes les routes menant au tribunal soient bloquées par la police et ont arrêté plusieurs proches de Hoàng Đức Bình alors qu’ils se rendaient au tribunal ; seuls ses parents ont été autorisés à se rendre dans la salle d’audience.

Hoàng Đức Bình, vice-président du Mouvement des travailleurs vietnamiens, militant et blogueur, avait à plusieurs reprises diffusé en direct et commenté de manière critique la brutalité de la police lors des manifestations pacifiques contre l’entreprise taïwanaise Formosa, l’accusant d’être responsable d’une catastrophe écologique qui a eu lieu dans la région côtière centrale en avril 2016. La catastrophe provoquée par Formosa en 2016 ayant détruit les moyens de subsistance et l’environnement, Hoàng Đức Bình a aidé les pêcheurs touchés à chercher à obtenir justice en demandant que Formosa verse une indemnisation adéquate et nettoie le déversement de produits chimiques.

Hoàng Đức Bình a été arrêté par la force par la police le 15 mai 2017 alors qu’il voyageait avec le père Nguyễn Đình Thục, prêtre catholique et sympathisant actif des victimes de la catastrophe provoquée par Formosa. Lors de sa détention dans la province de Nghệ An, Hoàng Đức Bình aurait été contraint de signer des « aveux » par les autorités.

Les autorités vietnamiennes continuent de harceler un grand nombre de militants qui expriment pacifiquement des opinions critiques au sujet de la catastrophe provoquée par Formosa ; la peine d’emprisonnement de 14 ans de Hoàng Đức Bình fait partie des peines les plus dures prononcées contre un militant à ce jour.

La catastrophe due à l’entreprise Formosa est devenue un problème d’ampleur nationale au Viêt-Nam. Des manifestations d’une ampleur inégalée, aussi bien en ce qui concerne leur fréquence que le nombre de participants, ont eu lieu dans le pays. Les autorités ont réagi en réprimant fortement la série de manifestations qui ont eu lieu à travers le pays en mai 2016 et, en octobre 2016, une manifestation dans la province de Hà Tĩnh, sur la côte centrale du Nord, qui aurait rassemblé quelque 20 000 participants dans la province de Hà Tĩnh. Des dispositifs policiers très étendus, visant à prévenir et sanctionner la participation à des manifestations, ont donné lieu à toutes sortes de violations des droits humains, notamment à des actes de torture et d’autres traitements et châtiments cruels, inhumains ou dégradants, ainsi qu’à des atteintes aux libertés de réunion pacifique et d’expression et au droit de circuler librement.

Les premiers signes de la catastrophe écologique sont apparus en avril 2016 lors du test d’un complexe sidérurgique : des bancs entiers de poissons ont été retrouvés morts dans les eaux bordant les côtes des provinces de Hà Tĩnh, Quảng Bình, Quảng Trị, Thừa Thiên-Huế et Nghệ An. Quelque 270 000 personnes, parmi lesquelles des pêcheurs et d’autres personnes vivant des activités de la pêche, ainsi que leurs proches, ont subi les répercussions de la mort de millions de poissons. À l’issue d’une enquête de deux mois sur cette catastrophe, le gouvernement a confirmé qu’une aciérie de l’entreprise Formosa Plastics Group, basée dans la province de Hà Tĩnh, avait rejeté des déchets toxiques dans les eaux côtières. Fin juin 2016, Formosa s’est excusée publiquement et a annoncé qu’elle verserait 500 millions de dollars des États-Unis à titre d’indemnisation. Cependant, les personnes affectées par la catastrophe estiment que cette somme est insuffisante au vu de l’impact subi.

Le 29 septembre 2016, le Premier ministre Nguyễn Xuân Phúc a décidé (Décision 1880) de la répartition de l’indemnisation. Aux termes de cette décision, seules les victimes des quatre provinces de Hà Tĩnh, Quảng Bình, Quảng Trị, et Thừa Thiên-Huế seraient bénéficiaires de cette indemnité. Cette décision a été prise plusieurs jours après le dépôt de 506 plaintes auprès du tribunal populaire de la province de Hà Tĩnh par des personnes affirmant avoir subi des préjudices à cause de cette catastrophe. Le 5 octobre 2016, les 506 plaintes ont été rejetées au motif, semble-t-il, que les plaignants n’avaient pas fourni la preuve de leurs préjudices matériels et, sur le plan procédural, que le tribunal ne pouvait pas rendre de décision pour une affaire au sujet de laquelle une décision contraignante avait déjà été prise par un organe gouvernemental. Le 14 février 2017, environ 700 habitants de la province de Nghệ An se sont heurtés à la violence policière alors qu’ils se rendaient au tribunal populaire de la province de Hà Tĩnh pour y déposer 619 autres plaintes. Leur province est exclue du plan d’indemnisation fixé par la Décision 1 880.

Le 6 février 2018, le tribunal populaire du district de Diễn Châu a condamné Nguyễn Nam Phong, chauffeur du prêtre catholique Nguyễn Đình Thục, à deux ans d’emprisonnement parce qu’il aurait commis des « actes d’opposition à l’encontre d’une personne exerçant une fonction publique », au titre de l’article 330 du Code pénal. Il a été arrêté par la police le 28 novembre 2017 dans la province de Nghệ An. Il est accusé d’avoir désobéi aux ordres de la police d’ouvrir sa voiture afin de permettre à des policiers d’arrêter Hoàng Đức Binh.

Un autre militant et blogueur vietnamien anti-Formosa, Bạch Hồng Quyền, membre du Mouvement du sentier vietnamien, un groupe réformiste pacifique non autorisé, fait toujours l’objet de poursuites après qu’un mandat d’arrêt a été décerné à son encontre le 12 mai 2017. Il est toujours dans la clandestinité et doit répondre d’accusations de « troubles à l’ordre public » pour son rôle présumé dans l’organisation d’une manifestation, tenue le 3 avril 2017, réclamant que la lumière soit faite sur la catastrophe écologique provoquée par Formosa et que les responsables présumés soient soumis à l’obligation de rendre des comptes. Les autorités ont rendu visite et à son épouse, et à ses parents, afin de tenter de l’arrêter.

Alors que les manifestations et les appels à la transparence et à la reddition de comptes se poursuivent en 2018, les autorités répondent par des menaces, des actes de harcèlement, de poursuites et d’intimidation et des violences physiques à l’encontre des personnes qui participent à des manifestations et à la coordination et au dépôt des plaintes. Les défenseurs des droits humains et les militants engagés dans l’organisation des manifestations sont de plus en plus souvent pris pour cibles.

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