Écrire 42 mois d’emprisonnement pour un militant renvoyé de force

D’après un article paru dans la presse chinoise, Dong Guangping a été condamné à 42 mois d’emprisonnement, près d’un an après son procès, en juillet 2017. Sa famille et son avocat n’ont reçu aucune notification relative à son procès ou à sa condamnation. Détenu au secret depuis son retour forcé de Thaïlande en 2015, il risque toujours de subir des actes de torture.

Dong Guangping a été condamné le 13 juillet 2018 à 42 mois d’emprisonnement, près d’un an après son procès, d’après la section locale de la municipalité de Chongqing (sud-ouest de la Chine) d’un organe de presse de l’État. Ni les proches de Dong Guangping ni l’avocat désigné par sa famille n’ont reçu de notification relative à son procès ou à sa condamnation. L’article indique que plus de 40 représentants de différentes communautés ont assisté au procès, mais ne donne pas la raison pour laquelle ces participants variés ont été rassemblés.

Dong Guangping a été reconnu coupable d’« incitation à la subversion » et de « franchissement illégal de la frontière nationale » le 26 juillet 2017. D’après les médias officiels, il a été reconnu coupable d’« incitation à la subversion » en raison de sa participation à deux rassemblements en Thaïlande, dont le gouvernement chinois a considéré qu’ils avaient pour but d’inciter à la « subversion du pouvoir de l’État » et de « renverser le système socialiste ». Des sources tenues secrètes ont dit à sa famille que Dong Guangping avait plaidé non coupable lors de son procès et avait fait appel.

Dong Guangping a changé trois fois d’avocats désignés par sa famille au cours de sa détention. Le gouvernement a refusé de les reconnaître comme légitimes et leur a de ce fait interdit l’accès aux documents présentés par le gouvernement. Le centre de détention a systématiquement empêché les avocats de Dong Guangping de le rencontrer en personne. À la lumière de ces événements, son avocat actuel a écrit au juge en mai 2018 et au centre de détention en juin 2018. Il n’a toujours pas reçu de réponse des autorités.
Depuis le placement en détention de Dong Guangping il y a 32 mois, sa famille n’a toujours pas reçu de notification officielle des autorités au sujet du lieu où il se trouve, de son arrestation, des accusations portées contre lui, de son procès ou de sa condamnation. Il est maintenu en détention au secret et risque de subir des actes de torture et d’autres formes de mauvais traitements.

Lorsque le gouvernement thaïlandais a renvoyé de force Dong Guangping et Jiang Yefei, un autre militant, en Chine le 13 novembre 2015, ils avaient déjà été reconnus réfugiés par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et acceptés pour une réinstallation rapide dans un pays tiers, et devaient partir le 18 novembre. Le HCR et le bureau du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH) ont exprimé de graves inquiétudes quant au renvoi forcé de Jiang Yefei et Dong Guangping et quant au fait qu’ils risquent d’être victimes d’actes de torture et d’autres mauvais traitements.

Jiang Yefei a « avoué » avoir commis les infractions de « subversion du pouvoir de l’État » et de « franchissement illégal de la frontière » et a été condamné le même jour que Dong Guangping, le 13 juillet 2018, à un total de six ans et six mois d’emprisonnement pour ces deux infractions.

Les deux hommes ont été vus le 26 novembre 2015 dans un enregistrement de l’agence de presse d’État, CCTV, « avouant » avoir commis des infractions liées à la traite d’êtres humains et « reconnaissant » que Jiang Yefei avait aidé Dong Guangping à franchir « illégalement » la frontière thaïlandaise. Après avoir vu la vidéo, leurs proches ont déclaré que les deux hommes avaient peut-être été victimes d’actes de torture et d’autres mauvais traitements. Ils estiment que leur expression faciale et le ton de leur voix étaient différents de l’ordinaire et qu’ils présentaient des signes de douleur et de stress.

Les autorités ont annulé sans fournir aucun motif l’audience prévue en avril 2017 dans l’affaire concernant Dong Guangping. L’avocat désigné par les autorités, qui a remplacé en août 2016 celui que la famille de Dong Guangping avait engagé, s’est dessaisi du dossier le 14 juillet 2017 en raison des difficultés qu’il rencontrait pour traiter l’affaire. L’avocat initialement engagé par la famille de Dong Guangping s’est rendu à de nombreuses reprises au centre de détention de Chongqing. Toutes les demandes qu’il a faites de rencontrer Dong Guangping ont été refusées car les autorités n’ont pas reconnu sa légitimité. Il n’a pas non plus pu examiner les documents présentés par les autorités contre Dong Guangping.

Dong Guangping était policier en Chine. Il a été mis fin à son contrat en 1999, après qu’il a cosigné une lettre publique et distribué des articles dans différentes villes à l’occasion du 10e anniversaire des manifestations de la place Tiananmen, durement réprimées. Dong Guangping a déjà été détenu plusieurs fois en Chine en raison de ses activités militantes, pourtant pacifiques. Emprisonné pendant trois ans en 2001 pour « incitation à la subversion de l’État », il a été détenu entre mai 2014 et février 2015 par les autorités chinoises pour avoir participé à un événement en hommage aux victimes de la répression des manifestations organisées en 1989 sur la place Tiananmen. Il est parti en Thaïlande en septembre 2015 avec sa femme et sa fille pour échapper au harcèlement.

La famille de Dong Guangping, qui est réinstallée dans un pays tiers, pense qu’elle serait harcelée, voire placée en détention, si elle retournait en Chine. Sa femme a même cessé de communiquer avec ses propres parents après que la police s’est rendue à leur domicile en septembre 2016, affirmant que leur fille était en contact avec des « forces hostiles étrangères ». Un inconnu, soupçonné d’avoir des liens avec les autorités, a appelé la femme de Dong Guangping en 2016 pour tenter de la persuader de rentrer en Chine depuis le pays où la famille a été réinstallée. Il l’a menacée, disant que Dong Guangping serait emprisonné pendant plus de 10 ans et qu’il ne reverrait peut-être plus sa femme si elle ne rentrait pas en Chine avec sa fille.

Les pays d’Asie du Sud-Est bafouent de plus en plus souvent le principe de « non-refoulement » en raison des pressions diplomatiques de la Chine. Ce principe interdit le transfert d’une personne dans un pays ou une juridiction où elle risquerait réellement de subir de graves violations des droits humains ou de graves atteintes à ces droits. Il est protégé par de nombreux traités internationaux et fait désormais partie du droit international coutumier qui lie tous les États, que ceux-ci aient ou non ratifié les traités concernés, parmi lesquels figurent la Convention des Nations unies relative au statut des réfugiés, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants.

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