Écrire La date de l’exécution d’un condamné approche malgré la rétention de preuves pendant son procès

William Montgomery doit être exécuté dans l’Ohio le 11 avril pour un assassinat perpétré en 1986, qu’il affirme ne pas avoir commis. Six juges fédéraux ont estimé qu’il aurait dû bénéficier d’un nouveau procès, la défense n’ayant pas été informée de l’existence d’un rapport de police qui contredisait la thèse de l’accusation.

Le 8 mars 1986, le corps sans vie de Cynthia Tincher a été découvert dans sa voiture à Toledo (Ohio). Le même jour, Debra Ogle, sa colocataire, a été portée disparue. Son corps a été trouvé le 12 mars dans une zone boisée, à Toledo. Les deux femmes avaient été tuées par balle. William Montgomery et Glover Heard ont tous deux été poursuivis pour ces deux assassinats. Glover Heard a échappé à la peine capitale en plaidant coupable de complicité d’assassinat en contrepartie d’un témoignage à charge contre son coaccusé et d’une peine comprise entre 15 ans de prison et la réclusion à perpétuité. William Montgomery a été jugé en septembre 1986. L’accusation a soutenu qu’il avait tué Debra Ogle le 8 mars pendant qu’il la volait, puis abattu Cynthia Tincher pour l’empêcher de dire qu’il avait été avec Debra Ogle. La défense n’a cité aucun témoin, se contentant soumettre les témoins de l’accusation à un contre-interrogatoire. Le jury a déclaré William Montgomery coupable de l’assassinat avec circonstances aggravantes de Debra Ogle et de l’assassinat de Cynthia Tincher. William Montgomery a été condamné à mort pour l’assassinat de Debra Ogle et à une peine comprise entre 15 ans de prison et la réclusion à perpétuité pour l’assassinat de Cynthia Tincher.

Six ans plus tard, un rapport de police a été mis au jour. Il indiquait que Debra Ogle avait été vue vivante par plusieurs de ses amis tôt dans la matinée du 12 mars 1986, soit quatre jours après la date à laquelle, selon l’accusation, elle avait été tuée par William Montgomery. En 2007, un juge d’une cour fédérale de district a estimé que le rapport de police aurait « fortement remis en cause la crédibilité de Heard et réduit à néant la chronologie de l’affaire établie par l’accusation », ainsi que la « thèse de l’accusation quant aux mobiles de Montgomery pour tuer Tincher ». Il a ordonné au parquet de rejuger William Montgomery. Le ministère public a fait appel. Un collège de trois juges de la cour d’appel du sixième circuit, par deux voix contre une, a confirmé la décision d’ordonner la tenue d’un nouveau procès, au motif que le rapport de police jetait le doute sur le bien-fondé de la déclaration de culpabilité comme de la peine. Le ministère public a de nouveau fait appel. En 2011, la cour d’appel, en séance plénière, a annulé la décision de la cour fédérale de district. Cinq des 15 juges ont émis une opinion dissidente. Si trois juges avaient voté pour, William Montgomery aurait probablement bénéficié d’un nouveau procès. En mai 2012, la Cour suprême des États-Unis, sans faire de commentaire, a refusé d’examiner l’affaire.

Alors que l’accusation a cherché à jeter le doute sur les témoignages figurant dans le rapport de police selon lesquels Debra Ogle avait été vue le 12 mars 1986, les avocats de William Montgomery, en 2012, ont obtenu un rapport d’enquête dans lequel des experts médico-légaux concluaient : « il existe quantité d’éléments tendant à confirmer l’hypothèse selon laquelle la victime, Debra Ogle, est morte aux environs du 12 mars 1986 ».

Un recours en grâce sera examiné par le Comité des libérations conditionnelles de l’Ohio lors d’une audience le 8 mars 2018. Le gouverneur peut accorder la grâce quelle que soit la recommandation du comité. William Montgomery est dans le couloir de la mort depuis plus de 30 ans. La date de son exécution a été fixée au 11 avril 2018.

Les normes internationales relatives à la peine de mort interdisent d’exécuter toute personne dont la culpabilité ne repose pas sur « des preuves claires et convaincantes ne laissant place à aucune autre interprétation des faits ». D’après les éléments de preuve produits lors du procès, William Montgomery a acheté l’arme utilisée pour commettre les homicides environ trois semaines avant les faits, et a conduit la police jusqu’au corps de Debra Ogle dans l’après-midi du 12 mars 1986 (il a affirmé qu’il avait prêté l’arme à Glover Heard et que celui-ci lui avait dit où se trouvait le corps). Dans sa décision de 2007, la cour de district a estimé que le dossier de l’accusation n’était « pas impeccable ». Le « rapport de police aurait pu remettre en cause le témoignage de Heard, qui était au cœur du dossier de l’accusation », et « aurait pu saper la thèse de l’accusation quant à la manière dont les meurtres avaient eu lieu en infirmant complètement la position de l’accusation quant à la chronologie des homicides ainsi que le mobile avancé par l’accusation pour l’assassinat de Tincher par Montgomery ».

Lorsque le sixième circuit, en séance plénière, a annulé la décision de la cour de district, la majorité des juges a convenu que « certains éléments de preuve produits lors du procès tendaient également à impliquer Heard », et que ses « nombreuses versions des faits [...] remettaient certainement en cause la crédibilité de son témoignage ». Cependant, les juges majoritaires ont déclaré que le jury était « conscient de tout cela », et que le rapport de police occulté « exclu[ait] la possibilité que Heard ait tiré sur [Debra] Ogle, car il était incarcéré au moment où elle aurait été vue le 12 mars ». Trois des cinq juges dissidents ont estimé que les preuves à charge contre William Montgomery étaient « tout sauf » solides, indiquant que même sans le rapport occulté, la preuve de sa culpabilité était « au mieux douteuse ». Ils ont soutenu que la position des juges majoritaires, selon laquelle le rapport de police était sans importance parce qu’il remettait en cause la thèse de la défense [selon laquelle Heard était l’auteur des coups de feu], « pass[ait] complètement à côté de l’essentiel », car le rapport « apport[ait] un éclairage utile pour d’autres thèses potentielles sur lesquelles la défense aurait pu s’appuyer » en faveur de William Montgomery, « sapant ainsi davantage la fiabilité d’un verdict déjà discutable ».
Les deux autres juges dissidents ont fait valoir que la décision de la majorité « dissuadait les procureurs de se conformer à la loi », vidant de son effet dissuasif la règle constitutionnelle en vertu de laquelle la rétention de preuves est interdite « dans tous les cas, sauf les plus intolérablement graves ». Dans cette affaire, « personne n’a contesté sérieusement le fait que le procureur avait supprimé la preuve tout simplement parce qu’elle était incompatible avec sa vision de l’affaire [...] Montgomery a droit à un procès devant jury exempt de faute grave de la part du ministère public ». Les juges dissidents ont ajouté que « en dehors du témoignage peu crédible de Heard, l’affaire contre Montgomery était entièrement circonstancielle », et que celui-ci « n’avait absolument aucun mobile ». Ils ont ajouté :« on ne peut que se demander si, dans le cas où son avocat aurait eu connaissance de l’existence de solides éléments à décharge, comme les déclarations des témoins qui ont vu [Debra] Ogle quelques jours après celui où l’accusation a soutenu qu’elle avait été assassinée (et dans le cas où l’avocat les aurait combinés avec d’autres preuves, comme le rapport du coroner indiquant qu’Ogle était morte le jour où elle aurait été vue, et non plusieurs jours auparavant), l’issue de l’affaire aurait pu être différente. Nous ne le saurons jamais, car le ministère public a fait le nécessaire pour que cela ne soit pas le cas ».

Depuis 1973, aux États-Unis, plus de 160 erreurs judiciaires dans des affaires de crimes passibles de la peine capitale ont été découvertes, dont neuf dans l’Ohio. Des fautes de la police et du ministère public, ainsi qu’une défense inadéquate, ont souvent contribué à de telles erreurs. En 2015, dans une opinion dissidente, deux juges de la Cour suprême des États-Unis ont écrit : « les crimes dont il est question dans les affaires où l’accusé encourt la peine de mort » peuvent « donner lieu à une intense pression exercée par la collectivité sur la police, les procureurs et les jurés pour obtenir une condamnation. Du fait de cette pression, le risque de condamner une personne qui n’est pas la bonne est plus élevé ». Les deux juges ont ajouté que la fréquence à laquelle la peine de mort avait été « prononcée à tort » était « frappante », et constituait une des raisons pour lesquelles la Cour devait réexaminer la constitutionnalité de la peine de mort elle-même.

Depuis la reprise des exécutions judiciaires aux États-Unis en 1977, après l’approbation de la nouvelle législation relative à la peine capitale par la Cour suprême en 1976, 1 469 personnes ont été exécutées dans ce pays, dont 55 dans l’État de l’Ohio. Depuis le début de l’année 2018, les autorités américaines ont procédé à 4 exécutions. Amnesty International est opposée à la peine de mort en toutes circonstances. À l’heure actuelle, 142 pays sont abolitionnistes en droit ou en pratique.

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