Selon ses avocats, Ahmed Abdullah est sous le coup de plusieurs chefs d’accusation, notamment des accusations de tentative de renverser l’État par la force, d’incitation à des attaques « terroristes » visant des postes de police, de recours à la violence et à l’intimidation pour empêcher le président d’exercer ses devoirs et ses pouvoirs, d’appartenance à un « groupe terroriste », de promotion du « terrorisme » en ligne, d’incitation à des rassemblements publics mettant en péril la sécurité publique à des fins « terroristes », de diffusion de nouvelles, d’informations et de « fausses rumeurs » et de possession de dépliants appelant à la chute du gouvernement et à la modification de la Constitution égyptienne.
L’arrestation d’Ahmed Abdullah représente une nouvelle attaque contre la liberté d’expression et d’association en Égypte et intervient dans un contexte de répression des défenseurs des droits humains égyptiens, qui font de plus en plus l’objet d’interrogatoires, d’interdictions de voyager et de gels de leurs avoirs.
La détention d’Ahmed Abdullah a été renouvelée pendant 15 jours le 7 mai. Il est inculpé avec 46 autres accusés, dont quatre ont vu leur détention renouvelée, tandis que 14 autres ont été libérés sous caution : 11 pour une caution de 10 000 Livres égyptiennes (environ 1 000 euros) et trois pour une caution de 20 000 Livres égyptiennes (environ 2 000 euros). Le ministère public a fait appel de la décision de libérer ces 14 accusés, recours qui a été rejeté le 9 mai par une cour d’appel. Par ailleurs, Ahmed Abdullah et quatre co-accusés ont fait appel de la décision de renouveler leur détention et la date d’audience a été fixée au 12 mai.
L’arrestation d’Ahmed Abdullah s’inscrit dans le cadre d’une répression de grande échelle menée à l’approche des manifestations du 25 avril 2016, lorsque des manifestants sont descendus dans la rue pour protester contre la décision de l’Égypte prise début avril de céder deux îles inhabitées de la mer Rouge à l’Arabie saoudite (voir l’AU 98/16 : https://www.amnesty.org/fr/documents/MDE12/3910/2016/fr/). Plus de 90 personnes ont été arrêtées dans les jours précédant les manifestations, et au moins 238 autres le 25 avril, selon des groupes et militants égyptiens de défense des droits humains. Les manifestations prévues ont été réprimées par une présence massive des forces de sécurité dans tout Le Caire et des vagues d’arrestations, dont celle d’Ahmed Abdullah. Les avocats d’Ahmed Abdullah ont déclaré à Amnesty International que le procureur de l’est du Caire avait émis un mandat pour son arrestation et celle de plusieurs dizaines d’autres personnes en vue des manifestations. L’arrestation d’Ahmed Abdullah a été menée par des agents des forces de sécurité lourdement armés et encagoulés. Son avocat a indiqué à Amnesty International que lors de son arrestation, l’un des agents a frappé Ahmed Abdullah avec la crosse de son arme à plusieurs reprises.
En tant que directeur du conseil d’administration de la Commission égyptienne pour les droits et les libertés, Ahmed Abdullah a dirigé les travaux de l’organisation sur les disparitions forcées dans le pays. À ce titre, il a fourni une aide juridique à la famille de l’étudiant en doctorat italien de 28 ans, Giulio Regeni, qui a disparu au Caire le 25 janvier 2016 et dont le corps a été retrouvé aux abords de la ville le 3 février. Les proches de Giulio Regeni ont publié une déclaration le 26 avril condamnant l’arrestation d’Ahmed Abdullah et réaffirmant la volonté de la Commission égyptienne pour les droits et les libertés de découvrir la vérité quant à l’enlèvement, la torture et la mort de leur fils.
Les autorités égyptiennes ont harcelé et intimidé Ahmed Abdullah de manière persistante en raison de son travail de défense des droits humains et de ses liens avec la Commission. Le 9 janvier 2016, trois agents en civil des services de la sécurité nationale ont effectué une descente dans un café d’El Agouza, au Caire, qu’Ahmed Abdullah fréquente. Sans produire de mandat d’arrêt ni d’autorisation de perquisition, ils ont fouillé l’établissement et demandé aux employés où il se trouvait.
Celui-ci était déjà une personnalité connue du « Mouvement de la jeunesse du 6 avril », un mouvement citoyen de jeunes militants qui avaient protesté contre les autorités égyptiennes lors du soulèvement de 2011 et les années suivantes. Un tribunal égyptien a interdit le groupe en 2014, une décision qu’Amnesty International considère comme étant motivée par des considérations politiques.