La bibliothécaire Natalia Charina se trouve en résidence surveillée depuis le 30 octobre 2015, lorsque des « ouvrages extrémistes » ont été retrouvés dans la bibliothèque où elle travaille. Elle a été inculpée d’une nouvelle infraction le 5 avril, ce qui permet aux autorités de prolonger son placement en résidence surveillée pendant un an. Amnesty International la considère comme une prisonnière d’opinion.
Natalia Charina, directrice de la Bibliothèque de littérature ukrainienne, un organisme public situé à Moscou, a été placée en résidence surveillée le 30 octobre 2015. Elle avait été initialement inculpée au titre de la législation russe relative à la lutte contre l’extrémisme pour avoir distribué des documents imprimés diffusant une « propagande anti-russe et anti-Russie » : les enquêteurs auraient trouvé des œuvres du nationaliste ukrainien Dimitri Kortchinski, dans une pile de livres qui n’avaient pas encore été indexés ni mis à la disposition des personnes inscrites à la bibliothèque. Natalia Charina a nié que ces livres appartenaient à la bibliothèque et a affirmé qu’ils avaient été placés là en secret par des responsables de l’application des lois. Cette inculpation permettait de la maintenir en détention provisoire pendant six mois maximum ; son placement en résidence surveillée devait donc expirer fin avril.
Toutefois, le 5 avril, Natalia Charina a été accusée de détournement de fonds : elle aurait détourné des fonds de la bibliothèque afin de payer un avocat pour la défendre dans le cadre de poursuites infondées engagées à son encontre en 2011 et 2013. En 2010, Natalia Charina a été accusée de diffusion d’ouvrages extrémistes d’un auteur ukrainien, mais les charges ont finalement été abandonnées, car l’œuvre de cet auteur n’a été déclarée extrémiste qu’en 2013, et la bibliothèque avait retiré ses livres du prêt en 2011. Les fonds qu’elle aurait utilisés étaient ceux que la bibliothèque verse comme salaires à ses juristes. Son avocat actuel affirme que cette inculpation est dénuée de tout fondement, d’une part parce qu’elle a réglé ses dépenses judiciaires avec son propre argent, et d’autre part parce que les avocats de la bibliothèque n’avaient pas de licence pour exercer en tant qu’avocats pénalistes – advokaty – et la représenter au tribunal.
Cette nouvelle infraction emporte une peine de prison maximale de 10 ans et entre dans la catégorie des crimes graves, ce qui signifie qu’au titre de la législation russe Natalia Charina peut être placée en résidence surveillée ou dans un centre de détention provisoire pendant 18 mois. Elle a passé plus de deux jours en garde à vue en octobre 2015, avant d’être placée en résidence surveillée. Elle ne peut communiquer qu’avec son avocat et les parents proches avec lesquels elle vit. Elle ne peut utiliser ni Internet ni son téléphone, sauf pour appeler une ambulance. Si elle souhaite quitter son domicile, pour tout autre motif qu’une urgence médicale, elle doit obtenir la permission des enquêteurs. Elle a demandé l’autorisation de sortir marcher, qui lui a été refusée.