Écrire Les membres d’une communauté indigène menacés et déplacés

Plus de 200 membres de la communauté indigène nasa embera chamí de la réserve de La Delfina à Buenaventura (ouest), en Colombie, sont actuellement déplacés à la suite de l’attaque armée qui a visé un membre de leur communauté le 8 juin. Ils ont besoin de mesures de sécurité énergiques pour leur protection et d’un accès à l’aide humanitaire, notamment à de la nourriture, des services de santé et des abris.
Très tôt le 8 juin 2018, l’instituteur et chef de cette communauté, Gonzalo Hilamo Mesa, a fait l’objet d’une attaque armée à son domicile ; deux balles ont été tirées en direction de sa maison par des hommes non identifiés. M. Mesa n’a pas été blessé, mais cette attaque a provoqué un sentiment de peur et de terreur au sein de la communauté, qui a massivement abandonné les lieux et qui est actuellement cantonnée et confinée dans une école proche, l’Institution d’enseignement technique agropastoral (Institución Educativa Técnico Agropecuaria, NACHASIN).

L’Organisation nationale indigène (Organización Nacional Indígena, ONIC) a signalé que se trouvent actuellement entassés dans cet établissement d’enseignement 80 femmes, dont cinq sont enceintes, 90 hommes et 80 enfants, soit au total 250 membres de la communauté indigène. Ils ont besoin de nourriture, de médicaments et d’un accès à des services de santé, ainsi que de tentes, de couvertures et de vêtements.

L’attaque visant Gonzalo Hilamo Mesa a eu lieu à la suite d’autres attaques menées, semble-t-il, par des groupes armés illégaux sur le territoire des Nasa Embera Chamí au cours des dernières semaines. Le 27 mai, l’ONIC a signalé que Pablo Emilio Dagua et Adriana Montero, membres de la communauté indigène, ont été retrouvés morts ; leur disparition a avait été enregistrée le 26 mai. La cause de leur mort et l’identité des éventuels meurtriers ne sont toujours pas connues, mais l’ONIC a indiqué que leurs corps présentaient des traces manifestes de torture.

Les membres de la communauté indigène vivant dans la réserve de La Delfina ont quitté la région du nord du Cauca pour s’installer dans le district de Buenaventura en 1952, car ils cherchaient des terres propices à l’agriculture et voulaient échapper aux violences commises sur leur territoire. En 2007, une réserve a été légalement créée, baptisée Réserve indigène Nasa Embera Chami La Delfina / Conseil indigène de la communauté nasa kiwe (Resguardo Indígena Nasa Embera Chamí La Delfina / Cabildo Indígena de la Comunidad Nasa Kiwe). La réserve occupe un espace de 2 706 hectares. Elle a également accueilli les membres de communautés indigènes déplacées des groupes ethniques Nasa Kiwe et Embera Chamí venant de toute la région du Pacifique.

Les membres de cette communauté ont activement participé à la grève civile de Buenaventura en 2017, et Amnesty International a fait état de troubles dans ce secteur, signalant un recours excessif à la force de la part de l’armée et de la police (AMR 23/6325/2017).

Deux problèmes majeurs sont à l’origine des troubles civils à Buenaventura, peuplée majoritairement de communautés afro-colombiennes et indigènes : la ville est depuis longtemps systématiquement abandonnée par l’État (ce qui a pour conséquence que 80 % de la population vit dans la pauvreté, et qu’il y a un manque généralisé d’accès aux droits humains fondamentaux), et le niveau de violence est élevé en raison de la présence de plusieurs acteurs rivaux (trafiquants de drogue, bandes criminelles et autres groupes armés, notamment des guérilleros).

Les déplacements forcés font partie des plus graves violations des droits humains commises dans le contexte du conflit armé. D’après les chiffres officiels publiés par l’Unité d’aide et pour des réparations complètes pour les victimes (Unidad para la Atención y Reparación Integral de Víctimas, UARIV), le nombre total de victimes du conflit s’élève à 8 532 636, dont 7 265 072 victimes de déplacement forcé.

En 2004, la Cour constitutionnelle a publié un « état d’inconstitutionnalité » (« Estado de Cosas Inconstitucional », ECI), faisant état des violations massives et systématiques des droits fondamentaux des personnes déplacées dans le pays et de la faiblesse de la réaction des institutions concernant l’aide et les réparations complètes à apporter aux victimes de déplacement forcé (http://www.corteconstitucional.gov.co/relatoria/2004/t- 025-04.htm). Or, 13 années se sont depuis écoulées et la situation n’a manifestement pas évolué. Au contraire, les institutions n’ont guère réagi face à la situation dramatique dans laquelle se retrouvent les personnes et les communautés qui fuient leurs terres pour échapper au conflit armé.

La Cour constitutionnelle a à plusieurs reprises reconnu les conséquences particulières du déplacement forcé pour les communautés indigènes et les facteurs qui aggravent la victimisation. Le déplacement forcé nuit à l’intégrité physique et à la liberté de circulation des personnes concernées, et met en péril la pérennité de leurs coutumes et de leur culture.

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