Écrire Un syndicaliste iranien risque de devoir purger une peine de 16 ans d’emprisonnement

Ismail Abdi, prisonnier d’opinion et secrétaire général du Syndicat des enseignants iraniens (ITTA), a été condamné pour des infractions liées à ses activités syndicales pacifiques. Il est dans l’attente d’une date pour une audience d’appel et a annoncé qu’il commencera une grève de la faim le 1er mai, à l’occasion de la Journée internationale des travailleurs, afin de protester contre la répression exercée contre les syndicalistes.

Ismail (Esmail) Abdi a été informé en février qu’il avait été condamné par la 15e chambre du tribunal révolutionnaire de Téhéran à six ans d’emprisonnement pour « propagande contre le régime » et « rassemblement et collusion en vue de porter atteinte à la sécurité de l’État ». Ces accusations découlent de ses activités syndicales, y compris de manifestations pacifiques menées par des enseignants et des membres de l’ITTA devant le Parlement iranien en mai 2015 pour protester contre la faiblesse des salaires et du budget de l’éducation, et contre l’emprisonnement d’enseignants syndicalistes. Ismail Abdi a fait appel de sa condamnation et il est dans l’attente d’une date pour l’audience d’appel.

Son procès a enfreint les normes internationales en matière de procès équitable ; il a en particulier été privé d’accès à un avocat de son choix durant toute la phase d’enquête, et ensuite son avocat n’a pas été autorisé à obtenir et examiner le dossier avant le procès. D’après les informations dont dispose Amnesty International, Ismail Abdi a été privé d’accès à un avocat de son choix en raison d’une disposition du nouveau Code de procédure pénale iranien de 2015, qui restreint l’accès à un avocat pendant la phase d’enquête pour les personnes inculpées de certaines infractions, notamment d’infractions relatives à la sécurité de l’État. Cette disposition prévoit que les inculpés ne peuvent choisir leur avocat que sur une liste approuvée par le responsable du pouvoir judiciaire.

En avril, Ismail Abdi a écrit une lettre ouverte dans laquelle il disait vouloir mener une grève de la faim à compter du 1er mai, déclarant : « [A]u vu des éléments utilisés pour rendre ce verdict contre [moi], on pourrait penser que toutes les mesures [prises] pour améliorer la vie et les moyens d’existence des enseignants et des travailleurs en Iran sont considérées comme des actes portant atteinte à la sécurité nationale. »

Ismail Abdi a été arrêté le 27 juin 2015 et placé au régime cellulaire dans la Section 2A de la prison d’Evin, qui est gérée par les gardiens de la révolution ; il a été interrogé pendant au moins 17 jours, sans qu’il puisse communiquer avec sa famille ou un avocat. Il risque de devoir purger un total de 16 ans d’emprisonnement si sa nouvelle peine est confirmée. Et ce, en raison d’une peine de 10 d’emprisonnement avec sursis prononcée contre lui après sa condamnation en 2011 sur la base d’accusations forgées de toutes pièces relatives à la sécurité nationale, qui étaient liées à ses activités syndicales pacifiques.

Ismail Abdi a écrit, avec un autre syndicaliste, Jafar Azimzadeh, une lettre ouverte en avril 2016 faisant état de son intention de commencer une grève de la faim le 1er mai, à l’occasion de la Journée internationale des travailleurs, afin de protester contre la répression des mouvements de protestation menés par des enseignants et des syndicalistes. Les deux hommes demandaient aux autorités d’abandonner les charges de « rassemblement et collusion en vue de porter atteinte à la sécurité de l’État » ainsi que les autres accusations liées à la sécurité nationale retenues à leur encontre. Dans leur lettre, ils expliquaient : « [A]u vu des éléments utilisés pour rendre ce verdict contre nous, on pourrait penser que toutes les mesures [prises] pour améliorer la vie et les moyens d’existence des enseignants et des travailleurs en Iran sont considérées comme des actes portant atteinte à la sécurité nationale. »

Ismail Abdi avait été arrêté le 27 juin 2015 après une visite au bureau du procureur de la prison d’Evin, où il s’était rendu pour obtenir des informations sur l’interdiction de voyager prononcée contre lui. Il s’était vu refuser le droit de se rendre en Arménie pour faire une demande de visa afin de pouvoir assister au 7e Congrès mondial de l’Internationale de l’éducation, organisé au Canada en juillet 2015. Avant son arrestation, des agents du service des renseignements avaient convoqué Ismail Abdi plusieurs fois pour l’interroger et avaient exercé des pressions sur lui pour qu’il démissionne de son poste de secrétaire général de l’ITTA et pour qu’il annule les manifestations que l’ITTA, entité légalement constituée en Iran, avait aidé à organiser dans tout le pays. Pendant les interrogatoires, les agents des renseignements avaient également mis Ismail Abdi en garde contre son association avec des syndicats internationaux d’enseignants, notamment l’Internationale de l’éducation, et avaient déclaré que sa participation à des rassemblements internationaux organisés par ces organisations représentait une « ligne rouge ».

Le 3 mai 2015, le lendemain de la Journée nationale des enseignants en Iran, et quatre jours avant la date prévue pour des manifestations dans tout le pays, des agents des renseignements ont convoqué Ismail Abdi. Ils l’ont alors menacé d’exécuter immédiatement une peine de dix ans de prison avec sursis à laquelle il avait été condamné en 2011, s’il ne publiait pas une déclaration officielle sur Facebook annonçant qu’il démissionnait de ses fonctions au sein de l’ITTA et qu’il ne participerait à aucune des manifestations prévues. Ismail Abdi a publié la déclaration sous la pression, mais l’ITTA n’a pas accepté sa démission. La manifestation a eu lieu comme prévu et a rassemblé des milliers d’enseignants devant le Parlement à Téhéran, et devant les bureaux du ministère de l’Éducation dans plusieurs villes.

Lors d’une réunion entre le ministre de l’Éducation et des enseignants le 6 mai 2015, le guide suprême de l’Iran, l’ayatollah Sayed Ali Khamenei, a déclaré : « Les enseignants sont des personnes pieuses, nobles et intelligentes et ils font attention aux complots [ourdis] par des ennemis et ceux qui en veulent à l’ordre islamique et visent à fabriquer des slogans séditieux, diviseurs et politiques en prenant prétexte des moyens d’existence des enseignants, et qui troublent l’ordre [islamique]. »

Le 22 juillet 2015, des milliers d’enseignants ont essayé de se réunir devant le Parlement à Téhéran pour protester contre le harcèlement et les pratiques abusives dont sont victimes les enseignants syndicalistes, et pour demander la libération d’Ismail Abdi. Cependant, les forces de sécurité postées autour du Parlement depuis le petit matin ont perturbé le rassemblement et ont arrêté de nombreux enseignants qui manifestaient. Selon une déclaration du ministre iranien de l’Éducation diffusée le 27 juillet 2015, les enseignants arrêtés ont par la suite été libérés. Au moins trois autres enseignants, notamment Ali Akbar Baghani, Alireza Hashemi et Rasoul Bodaghi, purgent des peines d’emprisonnement liées à leurs activités syndicales pourtant légitimes.

L’article 22-1 du PIDCP dispose : « toute personne a le droit de s’associer librement avec d’autres, y compris le droit de constituer des syndicats et d’y adhérer pour la protection de ses intérêts ». Et l’article 8 du PIDESC garantit tant « le droit qu’a toute personne de former avec d’autres des syndicats et de s’affilier au syndicat de son choix » que « le droit qu’ont les syndicats d’exercer librement leur activité, sans limitations autres que celles qui sont prévues par la loi et qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, dans l’intérêt de la sécurité nationale ou de l’ordre public, ou pour protéger les droits et les libertés d’autrui ».

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