Écrire Manahel al Otaibi frappée en détention

Le 14 avril 2024, cinq mois après que les autorités saoudiennes ont soumis Manahel al Otaibi, 29 ans, à une disparition forcée, cette jeune femme a contacté sa famille pour la première fois et lui a dit qu’elle était détenue à l’isolement à la prison d’al Malaz avec une jambe cassée après avoir été rouée de coups en détention, et qu’elle n’avait pas accès à des soins médicaux.

Arrêtée le 16 novembre 2022, Manahel al Otaibia a été inculpée d’infraction à la Loi relative à la lutte contre la cybercriminalité, en raison de ses tweets en faveur des droits des femmes et de la publication sur Snapchat de photos d’elle sans abaya (une tunique traditionnelle à manches longues et à la coupe ample) dans un centre commercial.

L’affaire a été renvoyée devant le tribunal pénal spécialisé, instance connue pour ses procès manifestement inéquitables et les peines sévères qu’il prononce, notamment la peine de mort, contre des personnes qui s’expriment pacifiquement en ligne.

Le dossier de Manahel al Otaibi a été traité dans un premier temps par le tribunal pénal de Riyadh. Le 23 janvier 2023, celui-ci a estimé qu’il n’avait pas compétence pour juger cette affaire et l’a renvoyée devant le Tribunal pénal spécial, qui siège également dans la capitale saoudienne. Le Tribunal pénal spécial utilise régulièrement des dispositions floues de la législation sur la cybercriminalité et la lutte contre le terrorisme qui assimilent l’expression pacifique d’opinions à du « terrorisme ». Amnesty International a recueilli des informations attestant que chaque étape de la procédure judiciaire devant le Tribunal pénal spécial est entachée de violations des droits humains.

Depuis 2018, les autorités saoudiennes ont arrêté et détenu arbitrairement des personnes qui faisaient campagne pour mettre fin au système de tutelle masculine et en faveur du droit des femmes de conduire en Arabie saoudite. Des militant·e·s des droits des femmes ont signalé avoir été victimes de harcèlement sexuel, de torture et d’autres formes de mauvais traitements au cours d’interrogatoires. Les personnes libérées font l’objet d’interdictions de voyager et de restrictions de leur liberté d’expression.

Les deux sœurs de Manahel al Otaibi ont également été poursuivies pour des « infractions » découlant de leur mobilisation en faveur des droits des femmes. Dans le dossier d’accusation de Manahel al Otaibi, le procureur du tribunal pénal de Riyadh a accusé sa sœur Fawzia de mener une « campagne de propagande pour inciter les filles saoudiennes à dénoncer les principes religieux et à se rebeller contre les coutumes et traditions de la culture saoudienne », parce qu’elle a utilisé un hashtag qui « promeut la libération et la fin de la tutelle masculine ».

Ce document de procédure examiné par Amnesty International indique qu’une ordonnance distincte sera émise pour l’arrestation de Fawzia al Otaibi. Leur autre sœur, Mariam, une militante bien connue pour ses prises de position contre la tutelle masculine dans le pays, a été inculpée et détenue par le passé pour avoir défendu les droits des femmes, et est actuellement soumise à une interdiction de voyager.

Dans une affaire similaire à celle de Manahel al Otaibi, le 25 janvier 2023, le Tribunal pénal spécial a de nouveau condamné Salma al Shehab, étudiante en doctorat à l’université de Leeds et mère de deux enfants, à 27 ans de réclusion suivis de 27 ans d’interdiction de voyager, en appel. Il l’a déclarée coupable d’infractions liées au terrorisme à l’issue d’un procès d’une iniquité flagrante, pour avoir publié des tweets soutenant les droits des femmes.

À la mi-2021, la quasi-totalité des défenseur·e·s des droits humains, des défenseur·e·s des droits des femmes, des journalistes indépendants, des écrivain·e·s et des militant·e·s du pays étaient détenus arbitrairement, faisaient l’objet de procès iniques prolongés – la plupart du temps devant le Tribunal pénal spécial – ou avaient été libérés sous des conditions comprenant des interdictions de voyager et d’autres restrictions arbitraires de leurs droits fondamentaux, comme le droit de militer pacifiquement.

Au 31 janvier 2024, Amnesty International avait rassemblé des informations sur les cas d’au moins 69 personnes poursuivies pour avoir exercé leurs droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique, parmi lesquelles des défenseur·e·s des droits humains, des militant·e·s politiques pacifiques, des journalistes, des poètes et des dignitaires religieux, dont 32 pour avoir exprimé pacifiquement leurs opinions sur les réseaux sociaux. Le nombre réel des procédures engagées à ce titre est probablement beaucoup plus élevé.

J'agis

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Monsieur le Ministre,

Le 14 avril 2024, cinq mois après que les autorités saoudiennes ont soumis Manahel al Otaibi, 29 ans, à une disparition forcée, cette jeune femme a contacté sa famille pour la première fois et lui a dit qu’elle était détenue à l’isolement à la prison d’al Malaz, avec une jambe cassée après avoir été rouée de coups en détention, et qu’elle n’avait pas accès à des soins médicaux. Les autorités saoudiennes ont fait subir une disparition forcée à cette professeure de fitness entre le 5 novembre 2023 et le 14 avril 2024.

Avant sa disparition forcée, elle se trouvait déjà en détention depuis le 16 novembre 2022, soit un an, accusée d’avoir enfreint la Loi relative à la lutte contre la cybercriminalité parce qu’elle a publié des tweets comportant des hashtags en faveur des droits des femmes et diffusé sur Snapchat des photos d’elle vêtue d’une tenue « indécente » dans un centre commercial. Elle attend son procès devant le Tribunal pénal spécial, qui a été créé pour juger des affaires de terrorisme.

Peu avant que ses proches ne perdent contact avec elle le 5 novembre 2023, Manahel al Otaibil leur a dit qu’elle avait été violemment frappée par une autre prisonnière. Le 14 avril, Manahel al-Otaibi a déclaré à sa famille, lors d’un bref appel téléphonique durant lequel elle semblait bouleversée, qu’elle avait de nouveau été rouée de coups par une autre personne, et qu’elle n’a pas pu déterminer s’il s’agissait d’une prisonnière ou d’un gardienne. Elle pense que son placement à l’isolement est une mesure de représailles contre la campagne menée par sa sœur Fawzia al Otaibi afin de la faire libérer. Fawzia al Otaibi a déclaré à Amnesty International qu’elle pensait que la seule raison pour laquelle Manahel al Otaibi avait finalement été autorisée à téléphoner était de faire passer un message à sa famille pour qu’elle cesse de s’exprimer publiquement au sujet de son incarcération.

Sa famille a affirmé que Manahel al Otaibi avait passé « des mois » à l’isolement, sur la base d’informations fournies par des personnes qui avaient été incarcérés dans la même prison. Un maintien prolongé en détention à l’isolement pendant plus de 15 jours constitue une violation de l’interdiction absolue de la torture et d’autres traitements cruels, inhumains et dégradants.

Selon des documents de procédure qu’Amnesty International a pu consulter, Manahel al Otaibi est poursuivie pour « publication et diffusion de contenu comportant la commission de péchés en public et incitant des personnes et des filles dans la société à renoncer aux principes religieux et aux valeurs sociales ainsi qu’à porter atteinte à l’ordre public et aux bonnes mœurs sur son compte Twitter », en violation de la Loi relative à la lutte contre la cybercriminalité. Les charges retenues contre elle reposent sur ses publications de réseaux sociaux jugées « contraires aux règles et aux lois relatives aux femmes », notamment par l’utilisation du hashtag #EndMaleGuardianship.

Le procureur a également fait référence à des procès-verbaux dressés en 2018 et 2019 par le Comité pour la propagation de la vertu et la prévention du vice, la police religieuse, qui l’a accusée de ternir la réputation du royaume et de s’être rendue au centre commercial sans porter d’abaya, en prônant le retrait du hidjab et en publiant des photos de cette sortie sur Snapchat.

Je vous appelle à ordonner la libération immédiate et sans condition de Manahel al Otaibi, car elle est détenue uniquement pour avoir exercé pacifiquement son droit à la liberté d’expression. En attendant sa libération, elle doit pouvoir bénéficier d’un accès immédiat à des soins médicaux, et ses allégations de torture et d’autres mauvais traitements doivent donner lieu à une enquête efficace et impartiale.

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de ma haute considération.

VOS APPELS : arabe et anglais.. Vous pouvez également écrire dans votre propre langue.


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