6.5. L’impunité.

6.5. L’impunité

Cherifa Bouteiba, une Algérienne âgée de vingt ans, a été enlevée le 2 juin 2001 par des hommes armés. Ils l’ont contrainte à marcher vers la montagne où, deux jours durant, elle a été violée à plusieurs reprises par plusieurs hommes. Le troisième jour, elle a réussi à s’échapper. Enceinte au moment de son enlèvement, elle a fait par la suite une fausse couche. Estimant qu’elle avait bafoué son honneur, son mari a divorcé. Cherifa Bouteiba craint que ses agresseurs ne reviennent la chercher un jour. Elle pense que certains d’entre eux se sont rendus aux autorités en 2002 en échange de l’exemption de poursuites. Elle dit se cacher derrière son voile dans l’espoir de ne pas être reconnue, car elle a vu certains de ses agresseurs déambuler en liberté non loin de chez elle.

Les violences contre les femmes échappent souvent à tout contrôle et toute sanction. Certains pays n’ont pas de loi du tout, d’autres ont des lois imparfaites punissant certaines formes de violence mais en exemptant d’autres de toute sanction. Même avec une législation adéquate, de nombreux États n’appliquent pas la loi en totalité.

L’impunité dans les cas de violence contre les femmes est un phénomène complexe : de nombreuses femmes ne sont guère disposées à engager des poursuites judiciaires contre leur compagnon, en raison des sentiments d’affection qu’elles éprouvent et de leur peur de perdre la garde des enfants. De plus, les femmes hésitent à recourir aux tribunaux pour réclamer justice car, trop souvent, les appareils de justice pénale les tiennent pour responsables des sévices commis, estimant que la femme a, par son comportement, été l’“incitatrice” ou l’“instigatrice” de cette violence. Les femmes étant souvent privées d’égalité en matière de droits économiques et sociaux, nombreuses sont celles qui n’ont pas les ressources financières permettant de faire appel à la justice. Dans certains pays, la discrimination contre les femmes est inscrite dans la législation. Même quand les lois ne sont pas discriminatoires, les pratiques des administrations, de la police et du ministère public favorisent souvent la discrimination et la violence contre les femmes.

Les femmes qui protestent contre les lois et pratiques discriminatoires sont souvent accusées de trahir leur foi ou leur culture ou d’être les ennemies de l’État. Les militantes qui luttent pour des droits essentiels à l’intégrité, à l’identité et à l’autonomie des femmes, notamment en matière de sexualité et de procréation, courent des risques particulièrement graves.

Lorsque des femmes engagent une action judiciaire, elles sont souvent confrontées à une justice pénale qui leur est hostile et abuse de son pouvoir. Des préjugés profondément enracinés font que les femmes sont méprisées, privées de droits égaux à ceux des hommes et considérées comme des biens ; ils imprègnent nombre de codes pénaux et de la famille, de procédures d’enquêtes pénales, de règles en matière d’administration de la preuve et de systèmes judiciaires coutumiers. Dans de nombreux codes pénaux, par exemple, le viol est considéré comme un “crime d’honneur”, ce qui soumet la moralité de la femme et son comportement sexuel à l’analyse du tribunal, si bien que c’est elle qui est traitée en suspect. S’il s’avère qu’une femme a une vie sexuelle active, il pourra lui être reproché d’avoir donné son “consentement”.
L’impunité règne dans les zones de conflits. En Tchétchénie, par exemple, les forces russes ont violé et tué un grand nombre de femmes et de fillettes. Les enquêtes sur les allégations de violations des droits humains par les soldats russes sont rares. Lorsque des enquêtes sont ouvertes, elles sont généralement incomplètes et ne donnent presque jamais lieu à des poursuites. Loin d’exiger des auteurs qu’ils répondent de leurs actes, les autorités russes auraient prolongé le séjour en Tchétchénie de certaines unités accusées de violations des droits humains.

RECHERCHE

Cherchez des exemples de procès où les femmes se plaignant d’avoir été victimes de violences ont été jugées de façon injuste. Invitez un avocat spécialisé dans les affaires de violence domestique afin de parler de ce problème.

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