II.1.4. Les minorités ethniques :

1) Les Roms, la plus grande minorité «transeuropéenne» 

L’élargissement programmé de l’Union européenne à la Roumanie et la Bulgarie, prévu pour 2007, pose à nouveau la « question rom », un problème déjà présent avec l’élargissement précédent aux pays de l’Est le 1er mai 2004. En effet, les deux tiers des Roms européens se concentrent en Europe centrale et orientale, et la Roumanie comme la Bulgarie abritent d’importantes populations roms. L’Union ne pourra donc ignorer plus longtemps les difficultés inhérentes au mode de vie et à l’intégration de la plus grande de ses minorités.
Les amalgames, accentués par l’utilisation de termes péjoratifs, sont pourtant loin d’avoir disparu et les contours de l’identité rom tendent à se brouiller parmi la variété des mots. « Tsigane » est couramment utilisé en Europe, mais on entend aussi très souvent, sans toujours les différencier, les termes « gitan », « romanichel » ou « manouche »... Ces imprécisions rendent les traductions incertaines, brouillent les nuances et invitent aux idées reçues. Il est d’autant plus difficile de s’y retrouver que tous les gens du voyage ne sont pas nécessairement des Roms ; inversement, beaucoup de Roms ont adopté un mode de vie sédentaire. C’est souvent la recherche de moyens de subsistance ou d’une forme d’épanouissement qui pousse certains groupes à choisir un mode de vie nomade.
Les médias rapportent régulièrement des nouvelles impliquant des Roms, stigmatisés et souvent perçus comme des étrangers au sein des populations nationales.
En janvier 2005, un drame en Espagne - le pays d’Europe occidentale qui compte le plus de gitanos - est révélateur de la persistance des tensions. À Cartagena, en Andalousie, un Rom est le principal suspect dans l’assassinat d’un habitant. La manifestation de protestation contre ce meurtre a dégénéré et le « quartier gitan » a été mis à sac. Plusieurs manifestants ont mis le feu à des granges, retourné des voitures et même jeté des pierres sur les fenêtres des habitations en guise de vengeance. La haine à l’encontre de la communauté « gitane », étouffée depuis longtemps, a resurgi après des décennies de cohabitation.
Au Royaume-Uni, même si l’appellation de travellers (gens du voyage) recouvre une réalité bien plus large que les quelques Roms qui vivent sur l’île, des candidats aux dernières élections législatives de mai 2005, prennent les Gypsies pour cible dans leur campagne électorale. À propos des campements illégaux, le conservateur Michael Howard a laissé entendre que le Human Rights Act, qui renforce au Royaume-Uni l’application de la Convention européenne des droits de l’homme, profitait aux gens du voyage qui pouvaient ainsi enfreindre impunément les lois.
Le dernier fait divers concernant les Roms en Allemagne a eu lieu dans la ville de Ravensburg. Lors de la parade de carnaval, en mars dernier, un citoyen a affiché sur un char une banderole « Zack, zack, Zigeunerpack » (« Vite, vite, sales Tsiganes »). Le Conseil national des Sintés et Roms a bien sûr réagi et demandé une enquête, que le procureur de la ville a ouverte... avant de la refermer presque tout de suite ! Le Conseil affirme donc que l’Administration a sa part de responsabilité dans les actes racistes contre ses compatriotes.
En Europe centrale et orientale, l’ethnie rom est mieux connue. Les Roms sont plus nombreux sur ces territoires, où ils sont arrivés deux siècles avant leur migration à l’ouest : un demi million d’entre eux vivent en Hongrie, presque autant en Slovaquie, environ 250 000 se trouvent en République tchèque alors que la Roumanie et la Bulgarie, futurs membres de l’Union en 2007, rassemblent entre 2 millions et 3 millions de Roms.
Suite aux multiples discriminations dont ils sont victimes dans ces régions, les Roms constituent désormais un groupe cible des politiques européennes d’intégration. En effet, la législation européenne les désigne comme une minorité à prendre en considération par les nouveaux et futurs États membres s’ils souhaitent mettre toutes les chances de leur côté dans le processus d’adhésion.83

Débat
Les Roms ne représentent-ils pas le mieux l’« européanité » visée par l’intégration européenne ?
Qu’ils pratiquent ou non le nomadisme, la valeur de la liberté prime sur toutes les autres et ils ne considèrent pas les frontières comme des limites à leurs voyages. Ils se définissent comme « nation sans territoire » et « peuple européen », et revendiquent d’être chez eux partout en Europe.
2) En Russie, sous prétexte de lutter contre l’immigration, le gouverneur de la région de Krasnodar (sud de la Russie) s’attaque à tous ceux dont le nom n’a pas de résonance slave, c’est-à-dire qu’il part en guerre contre les Géorgiens, les Arméniens et surtout les Turcs meskhètes. Les autorités de Krasnodar mènent une politique discriminatoire car ils ne veulent pas accorder la citoyenneté russe à ces populations. Le gouverneur prône des mesures de déportations, les enfants sont refusés dans les écoles et ils n’ont pas accès aux soins de santé.
Nous retrouvons ici l’image de l’étranger responsable de tous les problèmes.84
3) En Chine, les Ouïghours de la région autonome du Xinjiang font l’objet de graves violations des droits humains de la part d’un gouvernement qui cherche à étouffer les troubles ethniques et à venir à bout de la résistance que rencontre sa politique, qui vise à assurer la domination chinoise dans la région. L’accroissement du chômage, les pratiques discriminatoires en matières d’enseignement, de santé et d’emploi et les restrictions de plus en plus draconiennes qui pèsent sur les libertés culturelles et religieuses ont alimenté la révolte ouïghoure. Et le fait de n’avoir aucun moyen d’expression permettant de faire connaître leur mécontentement a poussé certains à avoir recours à la violence.
Les Ouïghours, tout comme les Tibétains et d’autres minorités ethniques de Chine, n’ont pas pleinement bénéficié des progrès sociaux et économiques enregistrés par la Chine ces dix dernières années. A la place, ils ont assisté à l’érosion de leurs droits.
Débat
Dans un contexte de discrimination est-il acceptable d’user de la violence pour revendiquer ses droits ?
Prenez notamment les exemples de la révolte des esclaves ou des Black Panters, mouvement de lutte contre le racisme aux États-Unis.
Autres exemples pour aller plus loin
Concept d’ivoirité :
Ce concept en vigueur en Côte d’Ivoire a été mis en place pour manipuler les foules de manière xénophobe pour un but précis : éliminer un candidat à la présidence.
On a pu voir après les dégâts provoqués par ce genre de concept : une guerre civile, des milliers de morts, des attaques racistes, une crise économique sans précédent dans ce pays réputé pour sa stabilité.
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La Russie aux Russes, un slogan qui a le vent en poupe :
Les sondages montrent que 30 % des Russes seraient favorables à une réduction des droits des minorités étrangères. Et que les jeunes sont particulièrement réceptifs aux idées extrémistes.
Courrier international n°732 - 10 nov 2004

Tibet :
Wang Lixiong, écrivain chinois qui s’oppose à la politique impérialiste culturelle de son pays au Tibet.
Courrier international n°745 - 10 fev 2005

Bangladesh - Les Garos, une minorité étranglée :
Cette ethnie chrétienne d’origine tibéto-birmane vit de la nature et constitue un exemple de développement équilibré. Le gouvernement a pourtant projeté de les exproprier et de construire un mur autour de leur forêt.
Courrier international n°745 - 10 fev 2005

Cambodge - Un refuge précaire pour les montagnards du Vietnam :
En raison des persécutions dont elles sont victimes, des centaines de personnes appartenant à des minorités s’enfuient chez leurs voisins cambodgiens. Mais, de nouveau pourchassées, elles sont renvoyées chez elles.
Cette situation inquiète les organisations internationales et certaines autorités locales.
Courrier international n°676 - 16 oct 2003

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