II.3.2.4. Les conséquences de cette politique d’immigration :

Au moment où l’Europe s’ouvre devant la circulation des capitaux, des biens et des services, les frontières se ferment aux immigrants.

On voit donc se profiler une évolution dans la forme même de l’immigration puisque l’on est passé d’une immigration sur demande des États à une immigration relevant davantage d’une initiative individuelle et passant souvent par des canaux illégaux comme les réseaux mafieux. Des hommes, des femmes et des enfants paient au prix fort l’illusion d’une vie meilleure, ils se voient exploités et malmenés dans leur dignité.
Extrait de l’interview de Khalil Jemmah, président de l’Association des familles des victimes de l’immigration clandestine (AFVIC, Maroc). 19 juin 2005 :
Est-ce que vous pouvez nous raconter le périple que suivent à partir du Maroc les candidats à l’exil ?
« Il convient de noter qu’au Maroc, nous n’avons pas de vraie mafia comme la mafia russe ou la mafia italienne. Nous avons des groupes de personnes qui travaillent d’une façon indépendante et qui essaient de faciliter le passage. Il y a d’abord le recruteur. C’est quelqu’un qui est du village et qui fait le recrutement des personnes qui veulent partir. Après, il y a le transporteur qui conduit les jeunes du village vers la côte. Et puis nous avons l’hébergeant, qui assure l’hébergement en attendant le moment propice pour partir. Et là, on assiste à une exploitation incroyable. Ainsi, une baguette de pain qui coûte un dirham peut atteindre 6 dirhams. Les sandwichs sont vendus quatre ou cinq fois plus cher. C’est tout un business qui fleurit autour de ça ».
Comment se passe la traversée ?
« Avant, le trajet s’étalait sur 30 à 60 kilomètres. Les côtes marocaines s’étendent sur 3 500 km et sont, de ce fait, difficiles à contrôler. Aujourd’hui, avec l’approche sécuritaire instaurée par les Européens, les clandestins prennent plus de risques. Ils doivent faire 200, voire 500 km de traversée en haute mer, dans des conditions très difficiles à bord de pateras de fortune, pour atteindre Tarifa, dans le sud de l’Espagne. Nous ne cessons de dire que l’approche sécuritaire n’a fait qu’aggraver le risque pour nos enfants et enrichir les mafias de trafic humain ».
Combien coûte le voyage ?
« Cela va de 400 euros jusqu’à un voyage de luxe par avion à 7 000 euros. Les mafias du trafic humain, malgré toutes les méthodes sécuritaires utilisées, ont leur stratégie. Il faut savoir que le flux migratoire qui arrive par pateras ne représente absolument rien par rapport au flux migratoire qui arrive par avion. Les passeurs procèdent en trafiquant les documents ou en pratiquant ce qu’on appelle le via-via, avec des complicités à l’aéroport de Madrid par exemple, en passant par Damas »
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TEMOIGNAGES
« Pour me faire venir, ma famille a payé 10 000 dollars en 1999 à une organisation de passeurs, des « têtes de serpent ». Je suis arrivé en Grèce par avion, puis en train jusqu’à Milan et, enfin, Paris », se souvient Dong Liwen responsable du collectif des sans-papiers Multitude ».
« Les clandestins chinois travaillent comme des bêtes de somme pour rembourser, en trois ou cinq ans, l’argent qui a été avancé pour leur passage », souligne Marc Paul, président de l’Association de soutien linguistique et culturel (ASLC), qui fait également office d’adresse postale pour 6 000 Chinois de Paris. « Car ne pas honorer sa dette, poursuit-il, c’est exposer sa famille restée en Chine à de violentes représailles. » C’est aussi la crainte - suprême avanie - de « perdre la face », d’abandonner son honneur...109
L’impossibilité, pour les personnes souffrant de la misère ou des conséquences de la guerre, d’émigrer légalement les pousse souvent à tenter la procédure d’asile prévue pour les « réfugiés politiques ». Avec pour conséquence d’encombrer la procédure d’asile et de la détourner de sa vocation première, celle d’aider les personnes persécutées pour des raisons politiques ou d’identités.
Belgique : régulariser ou refouler ?
Même s’ils ne sont pas considérés comme demandeurs d’asile, les Sans-Papiers, ou clandestins, ont été régularisés dans beaucoup de pays comme l’Italie, la France ou l’Allemagne. Ces personnes, parfois installées depuis plusieurs années, n’avaient en effet aucun droit et étaient à la merci des trafiquants de main-d’œuvre, sans parler des nombreux problèmes administratifs auxquels ils devaient faire face (achat ou location d’un logement, accès aux soins de santé, etc).

Première vague :
En 1999, les Sans-Papiers de Belgique, inspirés par le mouvement français, sont sortis de la clandestinité pour réclamer une reconnaissance de leur droit à séjourner en Belgique. Ils ont occupé des églises, entamé une grève de la faim. Le secteur associatif a soutenu leur cause en créant le Mouvement national pour la régularisation des Sans-Papiers. Cela a débouché sur une campagne de régularisation qui a été ouverte en janvier 2000 ; environ 32 000 demandes, concernant à peu près 50 000 personnes, ont ainsi pu être déposées. Les candidats entrant dans l’un des quatre critères fixés par la loi peuvent être régularisés. Cette opération a pris beaucoup de temps. En attendant, beaucoup de clandestins qui ont quitté un emploi non déclaré espérant obtenir rapidement un titre de séjour, doivent aujourd’hui se débrouiller sans aucune aide sociale.110

Seconde vague :
Le 20 décembre 2004, les conseillers du ministre de l’Intérieur, Patrick Dewael, ont informé le Forum Asile et Migrations de la politique de régularisation que le ministre suit depuis peu, en ce qui concerne les longues procédures d’asile. Cette politique renouvelée est exécutée par l’office des étrangers.
Qui a droit à la régularisation ?
1) Les demandeurs d’asile dont la procédure a débuté avant janvier 2001 et n’ont pas reçu de décision exécutoire.
2) Les déboutés de la procédure d’asile qui ont attendu une réponse plus de trois ans pour les familles avec enfants scolarisés ou quatre ans pour les autres et qui sont toujours sur le territoire.
3) Les demandeurs d’asile en longue procédure dont la demande a été introduite après janvier 2001.
4) Les demandeurs d’asile qui ont reçu une réponse négative lors de l’opération de régularisation de 2000 car leur procédure n’était pas assez longue mais qui, depuis, entrent dans les critères de régularisation pour longue procédure.
Pour plus d’informationS
Consultez le site du Cire : www.cire.be/appuis/regul/longues-procedures.html

« Le racisme va toujours de pair avec la connerie, mais la connerie devient racisme quand elle essaye de s’imposer. Parce qu’alors, ce sont les lois et les règlements qui causent et ils te collent à la peau pire qu’un tatouage indélébile : « Vous ne pouvez occuper ce poste parce que vous n’êtes pas de nationalité belge ! », « Les étrangers ne peuvent faire de la politique et doivent avoir un permis de travail ! » , disent les lois et les gens répètent et finissent par admettre, par trouver cela normal ; et toi, pauvre con, t’as beau être là depuis trente ans, parler le wallon mieux qu’un joueur de balle pelote, connaître les us et coutumes, les arrêts du tram, les prénoms des employés du syndicat par cœur ; la loi a décidé que ce serait ainsi, un point c’est tout... »111

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