II.4.3. Discrimination et pauvreté en Belgique et dans le monde :

Partout dans le monde, les personnes vivant dans la pauvreté sont prises pour cible. Elles sont victimes d’injustices et de discriminations. On profite de leur précarité pour les marginaliser encore davantage et même parfois les tuer, et cela bien souvent en toute impunité.
La pauvreté reste une réalité de notre siècle et ce, sur tous les continents. Aujourd’hui, 1,2 milliards de personnes, selon l’ONU, vivent avec moins d’un dollar par jour.
En Belgique :
La pauvreté a, bien souvent, pour conséquence l’inaccessibilité au marché du travail, au logement, à la santé, à l’école et à la justice. Il existe une forte corrélation entre chacune de ces difficultés rencontrées par les personnes démunies, ce qui tend à développer un cercle vicieux qui est, lui-même, renforcé par le regard que porte la société sur la pauvreté.
« Quand on est pauvre et qu’on doit se lever tous les matins, la première chose qui nous fait peur, ce n’est pas de ne pas boire son café, c’est la crainte du facteur. C’est courant et c’est jour après jour, c’est des mauvaises nouvelles : factures, pro-justicia etc ».119
L’accès au logement
Un grand nombre de personnes pauvres, généralement isolées, est contraint de se réfugier dans ce qu’on appelle parfois le « circuit marginal du logement ». Celui-ci regroupe différentes formes d’hébergement, depuis les studios et les chambres, meublées ou non, jusqu’au séjour dans des centres d’accueil pour personnes sans abri en passant par le logement en caravane. Il s’agit donc très souvent de logements de type marginal qui privent les personnes concernées de pratiquement tous leurs droits. Dans presque tous les cas, ces types de logements sont peu décents et ils entraînent une forme d’isolement social. Sous la forme extrême, au-delà de la frontière de l’exclusion, des gens sont obligés de dormir dans la rue, dans des gares, des galeries commerçantes, des entrées de métro, des chantiers ou des garages... On comprend donc que cette façon de vivre, de passer la nuit et la journée porte atteinte à l’intégrité même de la personne parce que tous les domaines de l’existence sont touchés en même temps : le travail, la vie de famille, la culture, la santé, les relations sociales, la citoyenneté politique.120
Au Zimbabwe, par exemple, des centaines de milliers de personnes ont perdu leur logement et leur gagne-pain, dans le cadre de l’opération « Vidons les ordures », comme en témoigne le journal Le Soir dans son article du 29 juin 2005 intitulé « Nettoyage urbain à la manière forte ».
Selon l’ONU, cette opération débutée mi-mai 2005 touche 200 000 victimes. Des bulldozers ont détruit des milliers de logements jugés « insalubres » et des petits commerces illégaux. « Nos objectifs sont clairs et louables », a déclaré samedi le président Robert Mugabe. « Nous voulons éliminer les repaires du crime, la saleté, et lutter contre le trafic illégal de produits de premières nécessités ». L’opération a entraîné la mort de deux enfants et de 40 000 personnes, qui ont tenté de résister.
Des images tournées en caméra cachée et révélées par Amnesty International montrent le sort dramatiques des personnes expulsées, dont les maisons ont été détruites.
Pour en savoir plus, consultez le communiqué d’Amnesty International sur le site www.amnesty.org et indiquez l’index AFR 46/026/2005.
En France, un SDF (sans domicile fixe) d’une quarantaine d’année a été battu à mort « sans aucun mobile » dans un village de Loire-Atlantique par trois jeunes de dix-sept ans qui ont reconnu les faits en garde à vue. La victime a été « sauvagement tuée à coups de barre de fer ». Ce n’est malheureusement pas le premier meurtre de ce genre.121
L’accès à la santé
Plusieurs facteurs influencent la santé :
n Les conditions de vie, qui sont directement liées au statut social déterminé par le salaire et le niveau d’instruction : la qualité de logement, de l’alimentation, des conditions de travail...
n Les facteurs diminuant la résistance globale aux maladies : le stress, l’angoisse, la perte de confiance en soi, le manque de soutien social...
n Les comportements influencés par les conditions de vie : tabagisme, alcoolisme, grossesses d’adolescentes... La plupart de ces comportements dits « à risques », observés dans des milieux socialement défavorisés, sont en fait une tentative de réponse aux problèmes auxquels les personnes sont confrontées. Plus elles sont pauvres (financièrement, socialement et culturellement), moins elles ont le choix entre différentes possibilités pour soulager leurs souffrances (physiques et psychiques).
n Différents obstacles, comme le financement de médicament ou de frais médicaux, la réglementation des assurances, l’incompréhension de l’information entre le patient et le médecin...
Les personnes vivant dans la pauvreté additionnent ces nombreux facteurs.
En 2001, une enquête de santé menée en Belgique a montré que les frais médicaux des ménages belges s’élevaient environ à 29% du budget. Dans la catégorie de revenus la plus basse, ce pourcentage s’élève à 68%.
Neuf pour cent des ménages belges ont dû reporter une consultation médicale ou l’achat de médicaments au cours de l’année 2000 pour des raisons financières.122
Débat
Peut-on refuser des soins à une personne qui n’a pas d’argent ?
L’accès à la justice
Au niveau juridique, on remarque qu’aux États-Unis, par exemple, la justice est discriminatoire envers les démunis et les marginaux. Ce n’est pas par accident qu’il n’y a pas ou très peu de riches dans les couloirs de la mort ! Selon son statut social et donc selon ses moyens financiers, on pourra ou non se payer un bon avocat expérimenté.
C’est aussi le cas en Europe, même s’il existe le système des avocats « pro deo ».
Débat :
Pensez-vous que O.J Simpson aurait de nouveau été acquitté s’il n’avait été aussi riche et médiatique ?
Trouvez d’autres exemples de système judiciaire discriminatoire envers les plus démunis.
L’accès aux services bancaires
La nécessité de disposer de moyens de paiement, quel que soit le niveau de revenus, a-t-elle été érigée en droit ?
n En France, c’est aux établissements bancaires qu’il appartient d’en décider. Leur pouvoir discriminatoire consiste à sélectionner ceux qui méritent de détenir un compte.
Ces privilégiés pourront régler commodément leur loyer, souscrire des abonnements, s’acquitter d’une caution, échelonner le paiement de leurs impôts... Autrement dit participer à la vie économique et sociale de leur pays.
Les autres, c’est-à-dire, 4 à 5 millions de personnes en France, en situation d’exclusion financière, se voient destitués de leur appartenance de droit à la communauté, parce que les échanges monétaires sont au cœur de notre société.
Cette situation d’exclusion peut être aussi éphémère que durable, traverse toutes les catégories socioprofessionnelles, et touche des personnes de tous les âges et de tous les revenus.
La charte signée en 1992, dans laquelle les établissements financiers s’engageaient à « offrir des services bancaires de base à tous », sans qu’il soit nécessaire de déterminer a priori les particuliers qui relèveraient de ces services, n’a jamais été suivie de faits.
Recherche
Qu ‘en est-il de la situation en Belgique ? est-il possible pour n’importe quel citoyen d’ouvrir un compte en banque ?
L’accès à l’éducation
La revue « Quart-monde », dans son dossier Sortir de l’inactivité forcée, demande de « prendre les plus défavorisés comme partenaires et de créer les conditions pour qu’ils puissent exprimer leur souffrance, leur résistance et leurs aspirations » en vue de lutter efficacement contre la précarité et la grande pauvreté. Cela est indispensable pour que la démocratie ne soit pas réservée aux privilégiés du savoir et de la culture.
« Le savoir des plus défavorisés, issu de leur expérience de la précarité ou de la grande pauvreté, doit entrer en dialogue avec celui des autres citoyens : professionnels de terrain, militants, chercheurs etc. Ce dialogue est toujours laborieux et lent : il faut prendre le temps nécessaire pour susciter la parole de ceux qui n’ont pas l’habitude d’être écoutés, et qui n’ont pas pu se former à bien maîtriser leur langage et leur pensée. Il faut aussi prendre le temps nécessaire pour que ceux qui ont plus de formation apprennent à écouter les plus défavorisés, à se laisser enseigner par eux, et ce n’est pas le plus facile. Peu à peu se révèlent l’intelligence des plus pauvres et l’acuité de leur regard, sans lesquels la connaissance de la société est tronquée. Le dialogue avec eux engendre une nouvelle connaissance, plus féconde pour chacun des partenaires et pour la société tout entière, plus efficace pour faire reculer la misère. Ce dossier voudrait faire écho au cri d’angoisse de tant de parents qui voient grandir leurs enfants sans formation, sans travail et sans avenir, et qui nous disent : « Il faut que ça bouge pour les jeunes, qu’ils trouvent du travail et qu’ils puissent se mettre en ménage ».
Pour aller plus loin dans ce dossier
www.revue-quartmonde.org/article.php3?id_article=22
Le droit à l’éducation a souvent été proclamé durant le XXème siècle. En 1948 d’abord dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme, puis en 1989 dans la Convention relative aux droits de l’enfant et ensuite en 1990 lors de la conférence mondiale sur l’éducation. Malgré cela, près d’un milliard d’habitants ne savent ni lire ni écrire et 121 millions d’enfants ne vont pas à l’école primaire.
En Belgique, en 2004, 10% des adultes ne savaient ni lire ni écrire.
Le sujet de l’accès à l’éducation est également développé dans le chapitre II.8 sur les discriminations selon l’âge.
L’accès à l’emploi
Au cours des dernières années, les pouvoirs publics belges ont surtout mis l’accent sur l’insertion professionnelle, qui fut considérée comme « le » moyen de sauver les personnes de la pauvreté et de la mise à l’écart de la vie sociale et économique. Cette tendance est renforcée encore par les lignes directrices européennes pour l’emploi.
Débat/recherche
Le lien entre emploi et bien-être est-il direct pour toutes les personnes, et les nombreuses mesures, parfois très positives, qui ont été prises, ont-elles bénéficié à toutes les catégories de sans-emploi ? Le nombre de pauvres a-t-il diminué et ceux-ci ont-ils le sentiment de mieux participer à la vie de la cité ?
Pour vous aider, vous pouvez consulter le rapport Travail, chômage, sécurité sociale, d’ATD Quart Monde Belgique disponible sur leur site internet : www.atd-quartmonde.org/europe/ be/be_fr/¬grtravail.html
L’accès à la terre : l’exemple du Brésil
Au Brésil la situation agricole est très discriminatoire. Bien que le problème de la terre trouve son origine dans la colonisation, il est aujourd’hui encore d’actualité. La répartition de la propriété foncière demeure l’une des plus inégalitaire du monde. En effet, 1% des propriétaires détiennent à eux seuls 44% des terres cultivables. La concentration des terres, accentuée par la modernisation agricole et par le modèle de développement adopté par le pays, a conduit au démantèlement des petites propriétés et à l’expulsion de milliers de personnes en campagne, provoquant un exode rural désastreux. Entre 1970 et 1990, 30 millions de ruraux ont émigré vers les villes. 12 millions de paysans sont sans terre, c’est-à-dire 5 millions de familles.
En même temps, d’immenses fazendas (grandes propriétés terriennes), laissées à l’abandon ou consacrées à un élevage très extensif, font l’objet de spéculations foncières ou servent de couverture à des détournements de fonds. Selon l’Inscra (Institut national de colonisation et de réforme agraire), 153 millions d’hectares (soit l’équivalent des territoires de France, d’Allemagne, d’Espagne, de Suisse et d’Autriche réunis) sont occupés par des grandes fazendas improductives.
Les limites d’un système agricole basé sur l’exportation apparaissent clairement : alors que le Brésil est l’un des principaux producteurs et exportateurs mondiaux d’aliments - sa récolte de 1996 aurait permis de nourrir 300 millions de personnes - 32 millions de Brésiliens ne mangent pas à leur faim. Les exploitants agricoles fournissent plus de la moitié du marché intérieur, mais ce sont les grands domaines fonciers qui drainent l’essentiel des subventions gouvernementales, censées soutenir leurs activités agro-exportatrices.123
En mai 2005, l2 000 militants du Mouvement des travailleurs ruraux sans terre (MST) ont parcouru à pied 220 kilomètres pendant deux semaines pour venir à Brasilia dans le but de faire pression sur le président Lula pour qu’il accélère la réforme agraire. Le MST a sommé le président Lula de tenir sa promesse de distribuer des terres à 430 000 familles, jusqu’à la fin de son mandat, en 2006. Or, s’il est l’allié historique du MST, depuis son arrivée au pouvoir, en 2003, Lula n’a distribué des terres qu’à 118 000 familles, selon les chiffres officiels (60 000 seulement selon le MST) sur les 175 000 qui devaient en recevoir lors des deux premières années.
Reçus par le président Lula, les leaders du MST lui ont présenté leurs revendications. Parmi elles, la hausse du budget de la réforme agraire, la dotation en infrastructures des terres déjà distribuées et la fin de l’impunité des propriétaires terriens qui font assassiner les sans-terre occupant leurs domaines par leurs milices privées.124
Débat
Peut-on remettre en cause le droit à la propriété pour assurer un partage plus équitable des richesses.
L’éradication de la pauvreté : un défi européen
La réunion extraordinaire du Conseil européen des 23 et 24 mars 2000 à Lisbonne a permis aux chefs d’État et de gouvernement des 15 pays de l’Union européenne de définir un nouvel objectif stratégique dans le but de renforcer l’emploi, la réforme économique et la cohésion sociale. Face au bouleversement induit par la mondialisation et aux défis liés à la nouvelle économie fondée sur la connaissance, le Conseil européen a mis en place une stratégie globale visant à :
n préparer la transition vers une société et une économie fondées sur la connaissance :
n au moyen de politiques répondant mieux aux besoins de la société de l’information et de la recherche/développement ;
n par l’accélération des réformes structurelles pour renforcer la compétitivité et l’innovation ;
n par l’achèvement du marché intérieur.
n moderniser le modèle social européen en investissant dans les ressources humaines et en luttant contre l’exclusion sociale ;
n entretenir les conditions d’une évolution saine de l’économie et les perspectives de croissance favorables en dosant judicieusement les politiques macro-économiques.
En juin 2001, chaque État membre a remis à la Commission européenne un plan national de lutte contre la pauvreté qui sera soumis à la critique constructive des autres États et remis à jour chaque année.
Activité pédagogique
n Le jeu des jetons, disponible chez Iteco125, est un exercice de simulation sur l’inégalité et l’exclusion sociales, sur le pouvoir et le rapport entre les classes.
n Le jeu des chaises, disponible chez Iteco, a pour objectif de visualiser les déséquilibres démographiques, écologiques et économiques entre les continents.

ACTION POSITIVE
n La Journée Mondiale du Refus de la Misère est célèbrée chaque 17 octobre. Née de l’initiatite de plusieurs milliers de personnes de tous milieux qui se sont rassemblées sur le Parvis des droits de l’Homme à Paris en 1987, cette journée est officiellement reconnue par les Nations Unies depuis 1992.
n Dans plusieurs pays se dressent des « murs du courage » faits de carreaux de terre. Oeuvres d’adultes et d’enfants de tous milieux, expressions de dizaines de mains, de coeurs et d’esprits, nés de la terre, de l’eau, du feu et de l’air, ils disent « le courage et l’inestimable dignité » de ceux qui luttent pour en finir avec la misère.
« Toutes les mains sont utiles pour bâtir la terre » avait lancé père Joseph Wresinski, créateur de cette journée du refus de la misère. L’expression d’artistes, tout autant que celle de familles qui ont à subir des situations d’extrême pauvreté, sont des contributions importantes, non seulement elle-même mais aussi à l’éradication de la misère de par le monde.

n Le live 8 : A l’initiative de Bob Geldof (musicien et fondateur de Live Aid, Irlande), des concerts ont eu lieu le 2 juillet 2005 sur toute la planète pour pousser le G8 (Groupe des 8 pays les plus industrialisés) à tenir ses promesses envers les pays pauvres (suppression par le G8 de la dette des 18 pays les plus pauvres).

POUR EN SAVOIR PLUS


n A. BAZOT, L’exclusion bancaire, un bannissement social de plus, Le Monde, 06/08/2005
n Voir articles du Soir : Le blues du contrôleur Onem (14/06/05) et F., seule, 2 enfants à charge, exclue du chômage (16/06/05)

Films/Documentaires
n Droit de Cité, RTBF, 08/03/00, Les naufragés de la ville
Un documentaire de Anne Schiffman et Jacques Smal. : À l’instar du SAMU médical qui vient en aide aux blessés physiques, le SAMU Social va à la rencontre des accidentés de la vie en les considérant comme des victimes qu’il faut traiter en urgence.
n La Cité de la Joie, de Roland Joffé, 1992 : documentaire sur les bidonvilles de Bombay, inspiré du livre de Dominique Lapierre.
n Vas, vis et deviens, de Radu Milaileanu, 2005

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