Maroc

BRAHIM SABBAR ET AHMED SBAI, militants sahraouis, agressés par la police.

Le 17 juin 2006, M. Brahim
Sabbar et M. Ahmed
Sbai, ainsi que deux sympathisants
de l’Association
Sahraouie des Victimes des
Violations Graves des
Droits de l’Homme Commises
par l’Etat du Maroc
(ASVDH, <www.asvdh.net/>),
ont été arrêtés et agressés à l’entrée de la ville de Laâyoune, à
un barrage de police. Plusieurs membres des Groupes
urbains de sécurité (GUS) les ont alors forcés à sortir de leur
véhicule, en les frappant et en les insultant. Tous les cinq
revenaient de la ville de Boujdour où ils avaient supervisé la
création d’une section de l’ASVDH que les autorités marocaines
refusent d’enregistrer légalement.

M. Brahim Sabbar et M. Ahmed Sbai ont ensuite été
conduits brièvement au commissariat Hay Almatar où ils
auraient fait l’objet de mauvais traitements, puis à la
wilaya de sécurité de Laâyoune, où ils ont passé la nuit. Le
lendemain, ils ont été interrogés par la police judiciaire, puis
emmenés de force à la Prison noire de Laâyoune, où ils
auraient été une nouvelle fois victimes de mauvais traitements.
Pendant ces deux jours, M. Ahmed Sbai a dû être hospitalisé
à plusieurs reprises à l’hôpital Hassan Bel Mehdi de
Laâyoune pour des pertes de connaissance, suite à une crise
due à une maladie cardiaque chronique et à des blessures
graves infligées lors de sa détention.
Le 19 juin 2006, M. Brahim Sabbar et M. Ahmed Sbai ont
été inculpés d’« association de malfaiteurs », « incitation à la
violence », « destruction de biens publics et mise d’obstacles
sur la voie publique », « atteinte à fonctionnaire d’État »,
« participation à des groupements armés » et « adhésion à
une association non autorisée ».
Dans la nuit du 30 au 31 octobre 2005, M. Brahim Sabbar
avait été sévèrement battu par des agents des GUS, à l’extérieur
du commissariat central de Laâyoune, où il s’était
rendu pour s’informer du sort de M. Mohamed Salem,
membre de la même association, qui venait d’être arrêté.

Pour plus d’informations, se référer à l’appel urgent du
23-06-2006 de la FIDH, disponible sur :
<http://www.fidh.org/article.php3?id...>

INFORMATIONS GENERALES

Depuis l’Antiquité, les Berbères de l’Atlas marocains ont
résisté contre des puissances occupantes, que ce soient
les Phéniciens (VIIe au Ier siècle avant notre ère ), les
Romains (Ier siècle avant notre ère au Ve siècle de notre ère) ou
les Arabes (du Ve au XIe siècle).
Les conquérants arabes ont finalement réussi, non sans difficultés,
à islamiser les Berbères, mais ces derniers ont conservé
leurs coutumes traditionnelles. Le Maroc reste une province du
Califat Abbasside, jusqu’en 788, lorsque Idris ibn Abdallah, un
arabe chi’ite persécuté, fonde la première dynastie marocaine,
les Idrissides.
C’est sous les dynasties berbères (987-1547) que le Maroc parvient
au sommet de sa puissance, s’étendant sur tout le Maghreb
et sur l’Espagne. Mais la Reconquista, la reconquête de l’Espagne
par les royaumes chrétiens, fragilise les dynasties
berbères et lorsqu’elle se termine en 1492, les Espagnols s’approprient
les rivages méditerranéens et les Portugais, les côtes
atlantiques.
Les Saadiens, une dynastie arabe installée aux confins du
Sahara, lancent un Jihad (Guerre
Sainte) contre les Portugais, qu’ils
chassent d’Agadir en 1541 et prennent
le contrôle du Maroc en
1554. A la mort du Sultan saadien
Ahmad II en 1664, Moulay al-
Rashid, fils du fondateur de la
dynastie alaouite du Tafilelt, est
proclamé roi. Mohamed VI, l’actuel
roi du Maroc, est le 23ième
monarque de la dynastie alaouite.
Pendant la période de colonisation
des puissances occidentales,
au XVIIIème siècle, le Maroc
devient une zone d’intérêt stratégique
convoitée. Dans une déclaration
commune signée à Londres
en 1904, les autorités françaises et
britanniques se mettent d’accord sur leurs zones d’influence
respectives dans le Maghreb : le Maroc revient à la France et
l’Egypte à la Grande-Bretagne. En 1911, les Berbères se révoltent
contre le Moulay Hafiz qui fait appel à la France. En 1912, ce
dernier se résigne à signer le Traité de Fez, qui fait du Maroc
un protectorat français et qui attribue le contrôle du Rif marocain
aux Espagnols.

Les Berbères s’opposent farouchement à ce que les Occidentaux
s’installent sur leurs territoires et résistent aux incursions
espagnoles et françaises dans le désert. Un soulèvement a lieu
en 1912, mais se solde par un échec probablement dû aux divisions
internes des mouvements nationalistes. En 1923, le chef
de guerre berbère Mohamed Abd El-Krim proclame la création
et l’indépendance de la République du Rif, qui n’aura qu’une
courte durée de vie. Les Espagnols et les Français s’allient
et envoient un contingent de 500 000 hommes en
1925. La République du Rif tombe en 1926.
Les mouvements nationalistes marocains sortent
renforcés des deux guerres mondiales. En 1944, l’Istiqlal
(le Parti de l’Indépendance) publie un manifeste pour l’indépendance
et la réunification nationale. Le Sultan Mohamed
Ben Youssef soutient l’initiative de l’Istiqlal, mais les autorités
françaises au Maroc ne veulent rien entendre. Au début des
années 50, le Sultan revendique clairement l’indépendance du
Maroc, suite à quoi il doit s’exiler à Madagascar en 1953.

La France ne parvenant pas à contenir les mouvements nationalistes
et étant déjà en difficulté en Indochine, en Algérie et en
Tunisie, s’oriente alors vers une solution plus politique et rappelle
le Sultan. Les négociations entre les deux parties aboutissent
à l’indépendance du Maroc en mars 1956. Parallèlement,
l’Espagne reconnaît le nouvel Etat du Maroc et l’indépendance
des territoires sous contrôle espagnol en avril 1956. Le Sultan
Mohamed Ben Youssef devient le roi Mohamed V en 1957 et son
fils, Hassan II, lui succède en 1961.

L’année suivante il fait adopter une nouvelle constitution qui
assure la séparation des pouvoirs exécutif (attribué au roi et au
gouvernement), législatif (exercé par un parlement bicaméral) et
judicaire. Mais, en 1965, suite à des émeutes populaires sévèrement
réprimées, le Roi suspend le Parlement, assume les pleins
pouvoirs et décrète l’Etat d’Urgence. Celui-ci n’a été levé qu’en
1970. Durant les « années de plomb », qui caractérisent le
règne d’Hassan II, les opposants au régime sont durement punis
tout comme les militants pro-Berbères, le Roi considérant qu’ils
menacent l’unité du pays. étroitement lié à la structure féodale
de l’Etat marocain… Le pays est alors organisé en une structure
pyramidale et hiérarchisée à l’extrême : rien ne se décide sans
l’aval du sommet, ce qui entraîne fatalement une paralysie institutionnelle.
Par « années de plomb », on entend aussi et surtout le
poids de la terreur qui pesait sur la population… une terreur
non dissimulée et même officialisée en tant qu’outil de gouvernement
pour empêcher toute velléité de critique.
En 1975, Hassan II lance la « Marche Verte » sur le Sahara
Occidental. La région est annexée par le Maroc et la Mauritanie
et avec l’accord de l’Espagne, au mépris de la volonté d’autodétermination
des populations locales. La communauté internationale
et les Nations Unies condamnent cette annexion.

Le Conseil de sécurité vote même des résolutions demandant
l’organisation d’un référendum sur l’indépendance, mais il n’a
jamais eu lieu. Face à la résistance du Front Polisario, la résitance
armée soutenue par l’Algérie, la Mauritanie se retire du
conflit en 1979. Outre les graves violations commises par chacune
des parties, ce conflit entraîne aussi un retard économique
en raison du très lourd budget militaire que nécessite l’occupation.
En 1999, à la mort d’Hassan II, son fils Sidi Mohamad est
couronné roi du Maroc et se fait appeler Mohamed VI. De tendance
plus libérale, il s’attache à moderniser et démocratiser le
Maroc ainsi qu’à multiplier les échanges commerciaux avec
l’Union Européenne. Il met en place une Instance d’Equité et
de Réconciliation, la première du genre au Moyen Orient et en
Afrique du Nord. Celle-ci est chargée d’enquêter sur les crimes
commis par les autorités marocaines pendant les « années de
plomb ».
Toutefois, le problème du statut du Sahara Occidental reste
posé. Les protestations de populations locales se multiplient,
malgré le renforcement des forces militaires et policières marocaines
dans la région. Une autre réforme mise en place par le
nouveau roi concerne les droits des femmes, avec la réforme de
la « Moudawana », ou code de statut personnel, donnant à la
femme un statut égal au mari. Il reste toutefois beaucoup à faire
pour changer les mentalités et faire appliquer cette réforme.

DROITS HUMAINS

Disparitions

Un grand nombre d’opposants ont « disparus » sous le régime
d’Hassan II. Le cas de Mehdi Ben Barca est révélateur, parmi
d’autres cas, toujours non élucidés.

Violences policières

La police a recouru à la force de manière excessive pour disperser
les manifestations qui ont secoué le Sahara occidental entre
mai et décembre 2005. De très nombreuses personnes, surtout
des manifestants mais aussi des policiers, ont été blessées. Plusieurs
centaines de personnes ont été arrêtées ; deux hommes
seraient morts après avoir été violemment frappés lors de leur
interpellation.

Ceuta et Melilla

Des milliers de migrants, dont beaucoup étaient originaires
d’Afrique centrale et d’Afrique de l’Ouest, tentent de pénétrer
dans des pays de l’Union européenne à partir du Maroc. Un certain
nombre d’entre eux sont des réfugiés ou des demandeurs
d’asile. Beaucoup se sont regroupés à proximité des enclaves
espagnoles de Ceuta et Melilla et ont cherché à s’y introduire
par divers moyens, notamment en escaladant les clôtures marquant
la frontière. La situation est devenue critique entre la fin
d’août et le début d’octobre 2005, car les forces de sécurité
marocaines et espagnoles ont alors cherché à repousser les
migrants en ayant recours à une force excessive et, dans certains
cas, meurtrière. Au moins 13 personnes ont trouvé la mort dans
ces circonstances ; certaines ont été abattues alors qu’elles escaladaient
les barrières sans mettre en danger la vie des membres
des forces de sécurité ou de quiconque. Des centaines de
migrants et de demandeurs d’asile ont été détenus dans des
bases de l’armée sans bénéficier d’une assistance juridique ni
d’autres droits garantis par la législation marocaine, comme le
droit d’interjeter appel de leur placement en détention. De nombreux
migrants ont été renvoyés dans leur pays, tandis que les
demandeurs d’asile ont finalement bénéficié d’un examen de
leur requête par des représentants du Haut-Commissariat des
Nations unies pour les réfugiés, après s’être vu refuser pendant
plusieurs semaines la possibilité de les rencontrer.

Pour plus d’informations, se référer au Rapport 2006 d’Amnesty
International, disponible sur :
<http://web.amnesty.org/report2006/m...>


PISTES PÉDAGOGIQUES

 Présenter plus précisément la situation dans le Sahara
Occidental. Retracer l’historique du conflit (« marche verte »,
négociations avec l’Espagne et la Mauritanie, politique de
l’ONU, etc.). A partir de ce cas, faire une recherche sur la
notion du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

 Faire le portrait de Hassan II à partir du livre « Notre ami
le roi » de Gilles Perrault (Gallimard, 1990).

 Étudier le rôle qu’a joué le Général Lyautey pendant la
colonisation du Maroc. Se référer à :

. Daniel Rivet, Lyautey au Maroc, L’Histoire, décembre 1980,
n°29, p. 16-24

. Daniel Rivet, Lyautey et l’institution du protectorat français au
Maroc 1912-1925, Thèse de doctorat d’Etat, Université de Paris
XII-Créteil, 1985.

 Faire un exposé sur la Guerre du Rif. Se référer à :

. Zakya Daoud, Abdelkrim : une épopée d’or et de sang, Séguier,
1999

. Germain Ayache, Les origines de la Guerre du Rif, L’Harmattan,
1996

. Germain Ayache, La Guerre du Rif, SMER, 1981

 Littérature : lire et étudier des ouvrages de Tahar Ben
Jelloun
comme Moha le fou Moha le sage (Seuil, 1978), Harrouda
(Gallimard, 1988), La nuit sacrée (Seuil, 1995).

 Cinéma : projeter et étudier :

. Casablanca, Michael Curtiz (1942), avec comme décor le
Maroc sous le Gouvernement de Vichy.

. J’ai vu tuer Ben Barka, Serge Le Péron (2005), sur l’assassinat
de Ben Barka, farouche opposant d’Hassan II.

. Milles mois, Faouzi Bensaïdi (2003).

. Les pierres bleues du désert, Nabil Ayouch (1993).

. Une porte sur le ciel, Farida Belyazid (1988), aborde les
thèmes de l’immigration, des femmes et de l’islamisme.

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