Rwanda

Aloys Habimana, un défenseur des droits humains obligé de quitter son pays pour se
protéger d’une arrestation

Ala fin du génocide, les autorités commencent
à former des tribunaux pour
juger ceux qui étaient accusés des
pires crimes. Habimana offre alors ses services
pour aider en tant qu’interprète une
délégation d’avocats étrangers chargés d’observer
les procès. Comme la délégation est
annulée en raison des mauvaises conditions
de sécurité, Habimana et ses collègues commencent
à faire ce travail eux-mêmes et
créent le Centre de Documentation et
d’Information sur les procès liés aux génocides, sous la
tutelle de la LIPRODHOR (Ligue Rwandaise pour la Promotion
et la Défense des Droits de l’Homme).

Malgré les pressions de l’opinion publique et du gouvernement
pour considérer les accusés comme automatiquement
coupables, Habimana et les autres observateurs réclament
des procès équitables pour tous. Mais ce travail se
complique à cause de la qualité très variable des personnes
formées pour rendre la justice, tant dans les tribunaux classiques
que dans le système « gacaca », une formule de justice
traditionnelle remise au goût du jour par le gouvernement.
Certains jugements sont dictés par un désir de vengeance,
parfois suite à de fausses accusations.
Avec la LIPRODHOR, il publie un rapport critique sur la
façon dont la justice est rendue, tant pour les victimes du
génocide que pour les accusés. Le plus important, pour Habimana,
est de rendre une justice transparente et juste,
pour aider le pays à repartir sur des bases saines. Pour lui, la
vérité peut aider à guérir les traumatismes. Habimana
regrette la situation actuelle au Rwanda, où selon lui le gouvernement
est en train de commettre de nouveaux abus au
nom de la prévention d’un nouveau génocide.
En avril 2004, après la publication d’un rapport parlementaire
accusant les organisations de défense des droits
humains rwandaises de promouvoir une « idéologie génocidaire
 », Habimana et ses collègues sont soumis à des pressions
importantes. Il préfère alors fuir à l’étranger pour
éviter une arrestation.

Source : site de l’Université de Wisconsin-Madison (USA),
http://www.news.wisc.edu/10875.html
Autre témoignage d’Aloys Habimana (en anglais), disponible
sur :
http://www.pbs.org/frontlineworld/f...

INFORMATIONS GENERALES

Le Rwanda a vécu en 1994 un génocide parmi les plus
importants de l’histoire de l’humanité. Les massacres organisés
par les Hutus au pouvoir ont décimé 80 % de la
minorité tutsi ainsi qu’un grand nombre de Hutus suspectés
de sympathie pour les Tutsis ou militants de la société civile. Le
génocide a causé entre 800 000 et un million de morts, sous
les regards passifs de la communauté internationale et de
l’ONU, dont les casques bleus censés maintenir la paix se retirent
fin avril. Les combats provoquent un gigantesque exode.
Par peur des représailles, les populations hutu fuient vers les
pays voisins. D’immenses camps de réfugiés sont installés dans
l’Est du Congo. A la fin 1996, une grande partie de ces réfugiés
retournent au Rwanda, mais beaucoup d’autres (plus de
100 000) meurent durant les combats. Aujourd’hui, le calme est
revenu au Rwanda, mais la population est traumatisée. Le pays
fait face aux efforts de reconstruction mais a aussi dépensé
d’énormes sommes d’argent pour financer la guerre au
Congo. En effet, au nom de la poursuite des anciens génocidaires
réfugiés dans la forêt congolaise, l’armée rwandaise a
occupé une partie de
l’Est du Congo (le Kivu),
où elle a pillé les
richesses naturelles de
la région (coltan, or...).
Les soldats rwandais
envoyés au Congo ont
aussi tué des civils, commis
des actes de torture -
notamment des viols - et
se sont rendus responsables
de « disparitions » ; ils ont en outre systématiquement
harcelé les défenseurs des droits humains. Bien que l’armée
rwandaise se soit à présent retirée du Congo, le Rwanda continuerait
selon certaines sources à soutenir des groupes armés
d’opposition dans l’Est du Congo (voir fiche Congo-RDC).


DROITS HUMAINS

Le gouvernement du Rwanda, de plus en plus autoritaire, a
arrêté des adversaires politiques, réprimé des journalistes
indépendants, ciblé des défenseurs des droits humains,
omis d’enquêter sur des disparitions et restreint les
marges de manoeuvre de la société civile indépendante. Il
existe un lien direct entre l’agression externe du Rwanda en
République démocratique du Congo (RDC) et la répression
interne des acteurs de société civile et des défenseurs des droits
humains accusés de promouvoir une « idéologie génocidaire ».
Le gouvernement du Rwanda a justifié ces actions afin de
prévenir le « divisionnisme ethnique » et une éventuelle résurgence
du génocide. En avril 2004, une Commission parlementaire
a porté des accusations d’idéologie génocidaire contre
de nombreuses ONG de la société civile et ONGs internationales
(dont 11.11.11). Dans son rapport, la Commission
n’a pas défini le terme « idéologie génocidaire » ; elle a cependant associé l’observation du respect des
droits humains, l’éducation civique, le développement
fondé sur les droits, ainsi que toute critique contre la
politique du gouvernement à l’idéologie génocidaire.

En plus de banaliser le génocide, cette attitude du gouvernement sape les
efforts d’une réconciliation à long terme.
Suite à la publication du rapport du gouvernement, dix
défenseurs des droits humains de LIPRODHOR ont fui le pays et
le nouveau dirigeant de LIPRODHOR s’est publiquement excusé
auprès du gouvernement et du peuple rwandais. Le gouvernement
a ordonné au procureur et à la justice d’enquêter sur les
individus et les organisations identifiés dans le rapport : depuis,
ils vivent sous la menace d’une arrestation. Les ONG proches
du gouvernement ont établi une plate-forme de la société civile
afin de parler d’une seule voix, laquelle est vraisemblablement
pro-gouvernementale. Le gouvernement a par ailleurs proposé
l’adoption d’une nouvelle loi qui limiterait l’indépendance et les
activités des ONGs internationales.
Les militants des droits humains qui font entendre leur voix
s’exposent à des agressions, physiques et verbales, et certains
ont reçu des appels téléphoniques anonymes les accusant de trahison.
Ces manoeuvres d’intimidation réduisent au silence un
nombre croissant de militants.

Pour plus d’informations, voir le rapport de Front Line
« Rwanda : Disparitions, arrestations, menaces, intimidation et
cooptation des défenseurs des droits humains 2001-2004 » (disponible
sur http://www.frontlinedefenders.org/f... ou le rapport annuel Amnesty 2006, disponible sur
http://web.amnesty.org/report2006/r...

LA JUSTICE, UN DÉFI DE TAILLE

La tâche du système judiciaire après le génocide s’est avérée trop
lourde. Beaucoup d’avocats et de juges ont été tués lors des massacres.
Des milliers de personnes ont été arrêtées et mises en prisons
sur simple dénonciation, souvent sans la moindre preuve et
sans jugement, dans des conditions de détention insalubres. Certains
ont été condamnés à mort, lors de jugements inéquitables.
Moins de 6% des détenus soupçonnés d’infractions liées au génocide
ont été jugés. On comprend dès lors pourquoi les autorités
ont décidé de libérer un grand nombre de prisonniers et de
mettre en place un nouveau système de justice traditionnel, la
gacaca, dont le but est à la fois la justice et la réconciliation. Les
personnes soupçonnées de génocide sont aussi jugées devant le
Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR).

Les conséquences du génocide

Un carnage organisé, qui fait 800 000 morts et un million
de réfugiés en trois mois, sans que la Communauté Internationale
ne réagisse. Les tueurs se cachent souvent parmi les réfugiés
entassés dans des camps au Congo et en Tanzanie. Selon
Amnesty International, le génocide, la guerre et le sida ont
contribué à l’apparition au Rwanda d’une génération d’enfants
orphelins vivant dans la plus grande pauvreté et vulnérables
à toutes formes d’abus et d’exploitation.
Dans son rapport Rwanda : Vouées à la mort, les victimes de viol
atteintes par le VIH/SIDA (index AI : AFR 47/007/2004), Amnesty
International décrit à quel point les survivants du génocide et
du conflit de 1994 sont restés marqués et traumatisés par ce qui
s’est passé ; souvent marginalisés, ils ont peu accès aux soins
médicaux.

Les femmes ayant été victimes de viol restent les
plus marquées par le génocide. Les Nations-unies estiment
qu’entre 250 000 et 500 000 viols ont été commis. Beaucoup
de femmes vivent aujourd’hui après avoir été contaminées par
des maladies sexuellement transmissibles, notamment par
le virus du sida ; elles n’ont que très peu d’espoir de pouvoir
recevoir des soins médicaux ou d’obtenir une quelconque réparation.
80% de ces femmes ayant survécu à des viols souffriraient
toujours de traumatismes graves. Bien que l’accès aux soins
médicaux se soit amélioré, la grande majorité de ces femmes ne
peut qu’espérer en la prise en charge de leurs enfants après leur
mort. Dans ce rapport, Amnesty International lance un appel au
gouvernement rwandais pour qu’avec l’aide de donateurs internationaux,
il favorise l’accès aux soins médicaux de toutes les
personnes ayant subi des violences sexuelles ou autres.

PISTES PÉDAGOGIQUES

 Comparer le génocide rwandais et la shoah (génocide
contre les Juifs et les Tziganes durant la seconde guerre
mondiale) : quelles sont les points communs et les différences ?

 Ecouter les chansons « Seul au monde », « Terre » ou
« Parce qu’on vient de loin » de Corneille, lui-même un survivant
du génocide rwandais. Inviter les élèves à prendre la
parole
et à commenter ces chansons, en décrivant le
message et les sentiments qu’elles veulent faire passer.

Cinéma : projeter et étudier :

• Hotel Rwanda de Terry George (2005), raconte l’histoire d’un
directeur d’hôtel qui sauve des centaines de Tutsis poursuivis
par les génocidaires. Un très beau film qui permet également
d’aborder les thèmes de la résistance et de la désobéissance.

• Shooting dogs, de Michael Caton-Jones (2005) : un autre film
récent pour dire l’horreur du génocide rwandais et pour
dénoncer l’attitude passive de la communauté
internationale : les forces de l’ONU n’ont pas l’autorisation
de défendre les populations civiles massacrées par des extrémistes
Hutus, mais tirent sur les chiens qui dévorent les
cadavres gisant sur les trottoirs...

Autres films :
• Sometimes in April de Raoul Peck, 2005.
• 100 days de Nick Hughes, 2001.

Théâtre : la pièce Rwanda 1994 du Groupov, mise en scène
par Jacques Delcuvellerie, apporte un éclairage émouvant et
interpellant sur le génocide. Voir interview du metteur en
scène sur http://www.peripheries.net/f-rwd.htm

Documentaires

• Après, un voyage dans le Rwanda (2005 - Denis Gheerbrant,
France)

• Loin du Rwanda, de Hubert Sauper : raconte la fuite par
crainte de représailles des réfugiés rwandais hutus au Congo,
après le génocide de 1994. Après trois ans d’exode, ils sont
retrouvés, par hasard, par les Nations Unies en pleine forêt
vierge congolaise. Harassés de fatigue, décimés par la maladie
et la famine, cibles des différents groupes armés de la
région, parmi lesquels les ex-Forces armées rwandaises, les
milices Interahamwe ou banyamulengues.

Livres / témoignages / essais

• Ancien reporter à Libération, Jean Hatzfeld a quitté
le journalisme pour se pencher sur le génocide rwandais.
Après Dans le nu de la vie, dans lequel il rapportait les récits
des rescapés tutsis, il sort un nouvel ouvrage consacré cette
fois aux tueurs des marais, Une saison de machettes, Jean Hatzfeld
raconte ses entretiens avec les auteurs du massacre.

• Dans Histoire d’un génocide, Emmanuel Goujon écrit
le drame du génocide rwandais. A travers de courtes nouvelles,
l’auteur explore les sensations humaines, rapporte le
récit des victimes et des survivants. Sans manichéisme
aucun, il donne aussi un visage et une histoire à ces hommes
devenus assassins et tombés dans la folie fratricide. Un livre
pour comprendre.

• La bande-dessinée Deo Gratias de Jean-Philippe Stassen
(Dupuis) : L’auteur a séjourné plusieurs mois au Rwanda en
1997 et au Burundi, dans un camp de réfugié, en 1999 . Il en
a tiré Déogratias , une histoire touchante, mais aussi un cri
de colère face l’attitude des Européens par rapport au génocide
rwandais.

Pour en savoir plus

www.amnesty.be

• Sur le site de Résistances :
www.resistances.be/ibuka00.html, vous trouverez un dossier
complet sur le génocide du Rwanda.

• Rapport de Human Rights Watch, Génocide au Rwanda, disponible
sur : <http://www.hrw.org/french/reports/r...>

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