4.3. LES DEFENSEURS DES DROITS HUMAINS/LE RAPPORT AU POUVOIR

Il n’existe pas de définition spécifique du
terme « défenseur des droits humains ». La
Déclaration sur les défenseurs des droits de
l’homme2 de 1998 se réfère aux « individus,
groupes et associations [qui contribuent
pacifiquement] à l’élimination effective de
toutes les violations des droits de l’homme
et des libertés fondamentales des peuples
ou personnes ».

Concrètement, ce sont ces femmes et ces
hommes qui, sur les cinq continents, seuls
ou en associations, s’engagent pour que les
idéaux de la Déclaration Universelle des
Droits de l’Homme (DUDH) deviennent,
pour tous, une réalité.

Ce sont celles et ceux qui dénoncent les
enlèvements, les assassinats par des agents
de l’État, des groupes d’opposition armés
ou des escadrons de la mort.

Ce sont celles et ceux qui luttent pour
obtenir des informations sur des violations
des droits humains et qui disent non à
l’impunité.

Ce sont les enseignants qui participent à la
promotion des idéaux et des droits
contenus dans la DUDH.

Ce sont les avocats qui acceptent de
défendre des opposants politiques ou des
victimes d’injustices par respect des droits
de la défense. Ils dénoncent les procès
injustes, ils prennent la défense des plus
faibles, de ceux qui ne parviennent pas à
faire entendre leur voix.

Ce sont les médecins qui acceptent de
soigner les victimes de torture.

Ce sont les journalistes, les syndicalistes et
bien d’autres encore, connus ou anonymes,
travaillant, au quotidien, sur le terrain.
Pour en savoir plus, voir le dossier
Papiers Libres 2006 d’Amnesty International
sur les défenseurs des droits
humains.

RECHERCHE

Cherchez des exemples de défenseurs des
droits humains en Chine, en parcourant les
différents chapitres du dossier. Essayez de
les classer dans les catégories définies plus
haut (journalistes, syndicalistes, avocats…).
Lorsque l’on parle de la Chine, on entend
souvent l’expression « dissident chinois ».
Quelle est la signification de cette expression
 ?

DROITS HUMAINS ET POUVOIR

L’idée de défendre les droits humains
suppose, surtout dans un pays comme la
Chine, une opposition à un pouvoir
injuste, arbitraire, tout puissant. Mais la
nature même du pouvoir et la relation
d’autorité entre un chef (qu’il soit Empeureur,
Roi ou Président) et son peuple a
toujours soulevé beaucoup de débats
passionnés. En voici quelques exemples qui
peuvent vous aider à élargir votre point de
vue sur la question.

Citations

Michel Foucault : Inutile de se
soulever ?

« Le mouvement par lequel un homme seul, un
groupe, une minorité ou un peuple tout entier
dit : “Je n’obéis plus ”, et jette à la face d’un
pouvoir qu’il estime injuste le risque de sa vie –
ce mouvement me paraît irréductible. Parce
qu’aucun pouvoir n’est capable de le rendre absolument
impossible : Varsovie aura toujours son
ghetto révolté et ses égouts peuplés d’insurgés. Et
parce que l’homme qui se lève est finalement sans
explication ; il faut un arrachement qui interrompt
le fil de l’histoire, et ses longues chaînes de
raisons, pour qu’un homme puisse, « réellement »,
préférer le risque de la mort à la certitude d’avoir
à obéir. Toutes les formes de liberté acquises ou
réclamées, tous les droits qu’on fait valoir, même
à propos des choses apparemment les moins
importantes, ont sans doute là un point dernier
d’ancrage, plus solide et plus proche que les
« droits naturels ». Si les sociétés tiennent et vivent,
c’est-à-dire si les pouvoirs n’y sont pas « absolument
absolus », c’est que, derrière toutes les acceptations
et les coercitions, au-delà des menaces, des
violences et des persuasions, il y a la possiblité de
ce moment où la vie ne s’échange plus, où les
pouvoirs ne peuvent plus rien et où, devant les
gibets et les mitrailleuses, les hommes se soulèvent.
 »

Michel Foucault : « Inutile de se
soulever ? » (Le Monde, 11-12 mai 1979)

Si le pouvoir est fragile par nature, il serait
aussi le résultat d’un consentement, tacite
ou non, de la population, même lorsque le
pouvoir est absolu. C’est le constat qu’a fait
(au XVIe siècle !) Etienne de La Boétie (1530-
1563), qui écrit à l’âge de 17 ans un livre
majeur, « Discours sur la servitude volontaire
 ». Dans cet ouvrage, il propose une
théorie de l’essence du pouvoir : son existence
procède exclusivement du consentement
de ceux sur lesquels il s’exerce. Ne
plus vouloir servir, voilà les conditions de
la liberté, selon de La Boétie.


Etienne de La Boétie : « Soyez résolus
de ne servir plus »

Celui qui vous maîtrise tant n’a que deux
yeux, n’a que deux mains, n’a qu’un corps, et
n’a autre chose que ce qu’a le moindre homme
du grand et infini nombre de nos villes, sinon
que l’avantage que vous lui faites pour vous
détruire. D’où a-t-il pris tant d’yeux, dont il
vous épie, si vous ne les lui baillez ? Comment
a-t-il tant de mains pour vous frapper, s’il ne
les prend de vous ? Les pieds dont il foule vos
cités, d’où les a-t-il, si ce ne sont des vôtres ?
[…] Soyez résolus de ne servir plus, et vous
voilà libres. Je ne veux pas que vous le poussiez
ou l’ébranliez, mais seulement ne le
soutenez plus, et vous verrez, comme un grand
colosse à qui on a dérobé sa base, de son poids
même fondre en bas et se rompre.
Discours de la servitude
volontaire, Etienne de La Boétie, 1547.

« Les tyrans ne sont grands que parce que nous
sommes à genoux »

Etienne de La Boétie

Et en Chine ? Comment envisage-t-on le
rapport au pouvoir ?

Le père de la nouvelle littérature chinoise,
le grand écrivain Lu Xun (1881-1936),
partait du même constat qu’Etienne de La
Boétie pour dénoncer le manque d’énergie
de ses compatriotes qui se laissaient
exploiter sans réagir. Dans « La Véridique
Histoire d’Ah Q », il raconte la vie d’un pauvre
hère qui est l’incarnation de la stupidité et
de la résignation.

RECHERCHE

Aujourd’hui, les mouvements de protestation
sont très fréquents en Chine, à la
campagne comme à la ville, malgré la
surveillance de la police et les risques d’arrestation.
Cherchez des exemples dans ce
dossier ou dans d’autres sources.

À PROPOS DE L’UNIVERSALITÉ DES
DROITS HUMAINS

Les valeurs chinoises contre les droits
humains « occidentaux »
La Chine a souvent mis en avant le caractère
occidental des droits humains tels
qu’ils sont énoncés dans la Déclaration
universelle des droits de l’homme (DUDH),
afin de rejeter leur conformité avec la
culture chinoise. Ainsi, Pékin préfèrerait
un système de droits humains où se
côtoient plusieurs visions différentes
respectant les spécificités culturelles de
chaque pays.

Pour étayer son propos, la Chine met en
avant certaines particularités sociales et
culturelles qui prouvent qu’elle ne peut
effectivement pas appliquer des principes
souvent trop éloignés de sa propre vision
de l’homme et du monde. Il s’agit, par
exemple, du rôle central de la famille aux
dépens de l’individu, ou encore du poids de
la morale confucéenne sur la société.
Enfin, pour beaucoup de Chinois, le pays
n’est pas encore prêt économiquement
pour appliquer les droits humains.
Voici la réaction de Wei Jingsheng, un
défenseur des droits humains chinois qui a
passé plus de 18 ans en prison à cause de
ses idées : « Les soi-disant valeurs historiques et
culturelles avancées par les dirigeants chinois
pour contester le caractère universel des droits
humains et la démocratie, et prôner un développement
économique sans liberté, n’ont aucun
sens. L’Histoire même en apporte le démenti : le
peuple français n’avait ni le niveau de vie ni les
moyens d’information des Chinois d’aujourd’hui
quand il a fait la révolution de 1789. L’aspiration
des Chinois n’est pas seulement de s’enrichir ».

Proposez un débat ou une mise en situation avec d’un côté un groupe chargé de défendre le concept d’universalité
des droits humains et de l’autre côté un groupe chargé de remettre en cause ce concept. Vous trouverez un argumentaire
intéressant sur l’universalité des droits humains dans l’article « Universalité des droits humains et relativisme
culturel »
, des Prof. El-Obaid et Dr. Rehman

Vous pouvez préparer l’animation à l’aide des citations suivantes.

POUR L’UNIVERSALITÉ DES DROITS HUMAINS

 « Ce ne sont jamais les populations qui se plaignent que les droits de
l’homme sont une notion imposée par l’Occident ou le Nord, c’est plus
souvent que jamais les dirigeants. Mais la démocratie progresse dans le
monde et ces dirigeants ne pourront pas toujours agir à leur guise. (…) Il
n’est pas nécessaire d’expliquer ce que signifient les droits de l’homme à une
mère asiatique ou à un père africain dont le fils ou la fille a été torturé ou
assassiné. Ils le savent malheureusement beaucoup mieux que nous. Ce dont
ils ont besoin, et ce que nous devons leur offrir, c’est une conception des
droits de l’homme qui ne soit étrangère à personne et innée à tous. Dans
chaque culture, qu’elle soit africaine, asiatique ou autre, il existe des traditions
de tolérance et ce sont elles qui, à mon avis, constituent le fondement
des droits de l’homme. »

Koffi Annan, ancien secrétaire général de l’ONU

 « Tous les êtres humains, quelle que soit leur culture ou leur histoire, souffrent
lorsqu’ils sont victimes de manoeuvres d’intimidations, emprisonnés ou
torturés (…). Nous devons donc parvenir à un consensus général, non seulement
sur la nécessité de respecter les droits humains dans le monde entier,
mais aussi sur la définition de ces droits (…) car tous les êtres humains, par
leur nature même, aspirent à la liberté, à l’égalité et à la dignité, et tous ont
le même droit d’en bénéficier… »

Dalaï-Lama,
déclaration à New York, avril 1994.

 « La Terre est notre planète, à nous, ses six milliards d’habitants. Les
ressources et le savoir-faire sont notre patrimoine commun, mais qu’un seul
d’entre nous soit privé d’un de ses droits fondamentaux, et c’est l’ensemble
de l’humanité qui est en danger. Faisons-nous l’écho du Mahatma Gandhi :
Sois toi-même le changement que tu veux voir dans le monde. »

Pierre Sané, ancien secrétaire général d’Amnesty International

 « Nous ne devons pas être plus indulgents envers nous-mêmes que nous ne le
sommes envers les autres, mais nous ne devons pas non plus être plus tolérants
envers les autres que nous ne le sommes envers nous-même. Quand
Montaigne critiquait sévèrement les crimes commis par les Européens
pendant la conquête du Nouveau Monde, il le faisait au nom d’un principe
universel auquel, à ses yeux, les Indiens eux-mêmes avaient droit. »

Jean-François Revel, journaliste, écrivain, philosophe.

CONTRE L’UNIVERSALITÉ DES DROITS HUMAINS

 « Ce que l’avenir nous réserve, ce n’est pas une civilisation universelle, mais
un monde formé de civilisations différentes dont chacune devra apprendre à
coexister avec les autres ».

 « Les valeurs les plus importantes en Occident sont les moins importantes
dans le reste du monde ».

Samuel Hutington, auteur du Choc des civilisations.

 « Les grandes déclarations des droits de l’homme ont, elles aussi, cette force et
cette faiblesse d’énoncer un idéal trop souvent oublieux du fait que l’homme
ne réalise pas sa nature dans une humanité abstraite, mais dans les
cultures traditionnelles où les changements les plus révolutionnaires laissent
subsister des pans entiers et s’expliquent eux-mêmes en fonction d’une situation
strictement définie dans le temps et l’espace. »

C. Levi Strauss, Race et histoire

 « Le seul universalisme aujourd’hui est celui de l’Occident, le marché, la
liberté et la démocratie. Seulement l’Occident joue un double jeu et utilise
cet universalisme pour défendre ses intérêts égoïstes. La Chine est à la
recherche d’une nouvelle idéologie pour retrouver sa place dans le monde,
mais elle ne l’a pas encore trouvée. Dans l’attente, c’est le nationalisme qui
en fera office. Il ne s’agit cependant que d’un phénomène transitoire. »

Yang Ping, directeur de la revue conservatrice « Stratégie et
gestion », proche de l’armée.

INTERNET

Gao Zhisheng, avocat et défenseur
des droits de l’homme, a vu
les activités de son cabinet
suspendues en novembre 2005.
Arrêté en août 2006, cet homme
connu pour son franc-parler a été détenu
au secret dans un lieu inconnu jusqu’à
l’ouverture de son procès, en décembre
2006. Son arrestation a été officialisée en
octobre et il a été inculpé d’incitation à la
subversion. Au mois de décembre, Gao
Zhisheng a été condamné à une peine de
trois ans d’emprisonnement assortie d’un
sursis de cinq ans.

Cherchez plus d’information sur son cas, et
créez un blog, en trouvant des manières
originales pour attirer l’attention. Vous
pouvez aussi chercher d’autres cas afin
d’illustrer les différentes formes de violations
des droits humains en Chine.

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