Écrire Un militant injustement détenu et torturé

Le militant égyptien Moaz Al Sharqawy risque d’être placé en détention prolongée et inique au seul motif qu’il a exercé sans violence ses droits humains.

Le 11 mai, il a été arrêté chez lui au Caire par les forces de sécurité et soumis à une disparition forcée pendant 23 jours, période durant laquelle il a été frappé alors qu’il avait les yeux bandés et interrogé en l’absence d’un avocat.

Le 3 juin, il a comparu devant le bureau du procureur qui a ordonné sa détention dans l’attente d’investigations sur des accusations forgées de toutes pièces – avoir rejoint et financé un groupe terroriste.

Incarcéré à la tristement célèbre prison Badr 3, où les conditions de détention bafouent l’interdiction absolue de la torture et des mauvais traitements, il est privé du droit de voir régulièrement sa famille et ses avocats.

Militant égyptien, Moaz al Sharqawy est l’ancien vice-président du syndicat des étudiants de l’Université de Tanta, à Tanta, dans le gouvernorat de Gharbeya. Il s’attachait principalement à défendre les droits des étudiant·e·s à la liberté d’expression et de réunion pacifique au sein des universités, faire campagne au nom des étudiant·e·s injustement incarcérés, et réclamer que les forces de sécurité aient à rendre des comptes pour les étudiants tués illégalement lors des manifestations.

D’après des sources bien informées, Moaz Al Sharqawy a tout d’abord été interpellé en septembre 2019 et soumis à une disparition forcée pendant 24 jours aux mains de l’Agence de sécurité nationale, période pendant laquelle il a été soumis à la torture et aux mauvais traitements dans le but de lui arracher des « aveux » et a été interrogé en l’absence d’un avocat. Dans une communication adressée aux autorités égyptiennes en date du 9 août 2022, plusieurs experts indépendants de l’ONU ont fait part de leurs préoccupations quant au fait que l’agent chargé de l’interroger l’a insulté, frappé, lui a attaché les jambes à une chaise métallique et lui a infligé des décharges électriques à plusieurs reprises. Il l’a interrogé au sujet de ses activités militantes en tant que leader d’un syndicat étudiant et de sa participation à des manifestations étudiantes.

Moaz Al Sharqawy a été contraint de se tenir debout, nu, devant un climatiseur et a été menacé de mort. Il a par la suite été transféré à la maison d’arrêt de Tora, où il a été maintenu jusqu’en mars 2020 en détention provisoire, dans l’attente des conclusions des investigations sur de fausses accusations liées au terrorisme.

Après sa libération conditionnelle assortie d’une mise à l’épreuve et dans l’attente des conclusions de l’enquête, Moaz al Sharqawy a continué de défendre les droits des prisonniers détenus pour des motifs politiques et de coopérer avec des organisations de défense des droits humains afin de sensibiliser aux violations de ces droits. En janvier 2021, son nom a été inscrit sur la « liste des terroristes », sur la seule base d’investigations menées en secret par l’Agence de sécurité nationale et en l’absence de procédure régulière. Le 29 mai 2022, une cour de sûreté de l’État a déclaré Moaz Al Sharqawy et 24 coaccusés coupables d’accusations forgées de toutes pièces liées au terrorisme et les a condamnés à des peines de prison allant de 10 à 15 ans.

Ces derniers mois, des dizaines d’opposant·e·s politiques et de détracteurs ont été déclarés coupables de charges infondées à l’issue de procès manifestement iniques devant des cours de sûreté de l’État. Les procédures qui se déroulent devant ces juridictions sont intrinsèquement iniques. Les personnes condamnées se voient refuser le droit de faire appel de la déclaration de culpabilité et de la peine devant une juridiction supérieure. Seul le président égyptien est habilité à confirmer, annuler ou commuer les peines prononcées, ou à ordonner la tenue d’un nouveau procès.

Depuis la mise en service du complexe carcéral de Badr mi-2022, tous les prisonniers sont privés des visites régulières de leur famille, tandis que certains n’ont droit à aucune visite, alors que des informations inquiétantes font état de l’usage punitif du placement à l’isolement prolongé et de violences à l’encontre des détenus, et que leurs conditions de détention violent l’interdiction absolue de la torture et des mauvais traitements. L’administration pénitentiaire interdit également aux prisonniers toute communication par écrit ou par téléphone avec leurs proches, ce qui les soumet de fait à une détention au secret. Des responsables de la prison refusent aussi d’accepter les colis de nourriture, vêtements et autres produits essentiels envoyés par les familles à certains prisonniers, alors qu’il est notoire qu’ils ne reçoivent pas suffisamment de nourriture, d’eau potable, de produits de base pour l’hygiène personnelle, de vêtements adaptés ni de draps.

Depuis 2013, Amnesty International recense des cas où les forces de sécurité soumettent les personnes accusées d’implication dans des actes terroristes à des disparitions forcées pendant des périodes allant de quelques jours à plusieurs mois, notamment pour leur extorquer des « aveux » sous la torture et les mauvais traitements, « aveux » sur lesquels, dans certains cas, le ministère public s’appuie fortement pour formuler des inculpations.

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