Amnesty s’inquiète de l’opacité entourant les exportations d’armes wallonnes

Suite à la parution dans Le Soir et Knack d’articles détaillant les passages des bateaux de la compagnie saoudienne Bahri dans le port d’Anvers, qui ont chargé des tonnes de cartouches et de munitions et sont suspectés de les avoir acheminées vers l’Arabie saoudite, Amnesty International s’inquiète une nouvelle fois de l’opacité entourant les exportations d’armes wallonnes, particulièrement vers des pays coupables de violations sérieuses des droits humains ou du droit international humanitaire.

« Nous sommes très préoccupés par ces révélations qui, une nouvelle fois, démontrent le manque de transparence qui entoure le commerce des armes wallonnes. Dans un pays comme le nôtre, qui a signé et ratifié le Traité sur le commerce des armes et traduit en droit régional la Position commune de l’Union européenne sur le contrôle des exportations d’armes, il est inacceptable que des journalistes doivent passer par des moyens détournés pour obtenir des informations qui devraient être accessibles à n’importe quel citoyen », explique Philippe Hensmans, directeur de la section belge francophone d’Amnesty International.

Plus de transparence est nécessaire

Si Amnesty International considère comme une avancée la volonté exprimée dans la Déclaration de politique régionale de transmettre de manière quadrimestrielle des rapports concernant l’octroi de licences d’exportation d’armes à la sous-commission armes du Parlement wallon, l’organisation demande la mise à disposition publique de ces rapports et appelle à terme à une publication mensuelle. Amnesty International rappelle par ailleurs que le Rapport annuel au Parlement wallon pour l’année 2018 n’a toujours pas été publié.

L’organisation de défense des droits humains appelle également le nouveau gouvernement wallon à faire toute la lumière sur les exportations d’armes déjà réalisées à destination de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis, notamment celles qui se sont retrouvées au Yémen, ainsi que sur le processus qui a permis ces exportations, à rendre cette information publique et à prendre toutes les mesures pour éviter que des armes ne se retrouvent aux mains de parties au conflit susceptibles de commettre des crimes de guerre.

« Le fait que les exportations d’armes et de munitions wallonnes à destination d’États engagés dans le conflit au Yémen se sont poursuivies au moins jusqu’au 5 mai 2019 est en totale contradiction avec les obligations de la Belgique et de la Région wallonne relatives au Traité sur le commerce des armes, à la Position commune de l’Union européenne sur le contrôle des exportations d’armes et au décret wallon sur les ventes d’armes », indique Philippe Hensmans.

Amnesty International appelle une nouvelle fois le nouveau gouvernement wallon à respecter ses obligations – comme il s’y est lui-même engagé dans la Déclaration de politique régionale –, et donc de mettre fin à ses exportations d’armes et de munitions à destination de tous les États qui commettent de graves violations du droit international humanitaire et des droits humains, comme l’Arabie saoudite.

Un contrôle insuffisant de la Région flamande

En ce qui concerne la Région flamande, il apparaît que le contrôle des autorités sur le transit d’armes en Flandre soit insuffisant. Une licence de transit – c’est-à-dire des armes et des produits liés à la défense provenant d’un pays tiers et à destination d’un autre pays – n’est en effet requise que dans un nombre limité de cas. Dans ceux relevés par Le Soir et Knack, les armes et les produits qui ont transité par le port d’Anvers ne requéraient probablement pas la demande d’une licence, même si l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis étaient les pays destinataires.

« La Région flamande refuse l’octroi de licences d’exportation d’armes vers l’Arabie saoudite, mais, dans le même temps, en raison d’un manque de contrôle, permet au port d’Anvers d’être un lieu de transit pour des armes qui seront livrées à la même Arabie saoudite ; ce n’est pas cohérent », explique encore Philippe Hensmans. « Nous appelons le gouvernement flamand à déclarer un “embargo” sur les livraisons d’armes à destination des parties au conflit au Yémen comme le prévoit le décret flamand. »

Amnesty International demande par ailleurs une nouvelle fois aux autorités que soit modifié le décret flamand sur le commerce des armes de façon à renforcer le contrôle du transit.

Complément d’information

La Bahri, compagnie saoudienne, a conclu un contrat de cinq ans (2014-2019) avec le ministère saoudien de la Défense, devenant ainsi le transporteur logistique exclusif des matériels de guerre achetés par l’Arabie saoudite à l’étranger, ainsi que le transporteur exclusif des forces armées saoudiennes par voies maritime, terrestre et aérienne pendant la durée de ce contrat.

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