Arabie saoudite : Klaxonner pour les défenseures saoudiennes

Ce vendredi 22 juin, à deux jours de la mise en application de l’autorisation de conduire pour les femmes en Arabie saoudite, des militants d’Amnesty International se sont mobilisés le long de la route jouxtant l’ambassade saoudienne avec des pancartes appelant les automobilistes à klaxonner en soutien à des activistes des droits des femmes emprisonnées, dont Loujain al-Hathloul, Iman al-Nafjan et Aziza al-Yousef.

« Alors que les femmes vont enfin être autorisées à prendre le volant en Arabie saoudite, des militantes qui se sont battues pour cette avancée se trouvent en détention en raison de leurs activités pacifiques de défense des droits humains ; c’est inacceptable. Nous réclamons leur libération immédiate et sans condition », explique Valérie Michaux, directrice des campagnes de la section belge francophone d’Amnesty International.

Ces personnes incarcérées mènent campagne depuis de nombreuses années pour obtenir le droit de conduire et pour qu’il soit mis fin au système répressif de tutelle masculine, qui discrimine gravement et de façon systématique les femmes dans la législation et en pratique.

Certaines d’entre elles sont détenues sans inculpation depuis plus d’un mois, et risquent d’être jugées devant un tribunal antiterroriste et condamnées à des peines allant jusqu’à 20 ans d’emprisonnement en raison de leurs activités militantes.

« La situation de ces femmes prouve une nouvelle fois que toute opinion dissidente fait l’objet d’une féroce répression en Arabie saoudite et que les droits humains y sont violés de façon flagrante et systématique. Il est par ailleurs intolérable que la Wallonie, bafouant son propre droit et ses obligations internationales, continue de vendre massivement des armes à ce pays, responsable notamment de crimes de guerre au Yémen », insiste Valérie Michaux.

Une pétition en faveur de Loujain al-Hathloul, Iman al-Nafjan et Aziza al-Yousef, qui a déjà récolté plus de 12 000 signatures en Belgique francophone, est disponible sur le site d’Amnesty International.

Complément d’information

Depuis 1990, des femmes se mobilisent en Arabie saoudite afin de faire lever l’interdiction de conduire. Cette année-là, une quarantaine de femmes ont conduit leur voiture dans une artère importante de Riyad, la capitale du pays. La police les a interpellées et plusieurs d’entre elles ont été exclues temporairement de leur emploi.

Depuis, ces manifestations se poursuivent. En 2007, des militant-e-s ont adressé une pétition au roi Abdullah, décédé depuis, et l’année suivante, la militante Wajeha al Huwaider s’est filmée en train de conduire et a posté la vidéo sur YouTube à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes. En 2011, des Saoudiennes ont de nouveau utilisé YouTube pour publier des vidéos d’elles-mêmes au volant, afin de protester contre l’interdiction de conduire. Certaines ont été arrêtées et d’autres ont dû signer un engagement de ne plus prendre le volant. L’une d’entre elles, au moins, a été jugée et condamnée à 10 coups de fouet.

En octobre 2013, des défenseur-e-s des droits des femmes ont lancé une initiative similaire, toujours dans le but d’obtenir la suppression de cette interdiction. Peu après, certaines de ces personnes ont reçu des menaces répétées de la part des autorités qui cherchaient à faire pression pour qu’elles stoppent la campagne, et le site de cette campagne a été piraté. Malgré les manœuvres d’intimidation, de nombreuses femmes se sont filmées au volant de leur voiture et ont posté les vidéos en ligne. Certaines ont été interpellées, et la plupart ont été rapidement remises en liberté.

À la suite du décret royal de septembre 2017 levant l’interdiction de conduire, des femmes qui avaient mené campagne contre cette interdiction ont signalé avoir reçu des appels téléphoniques leur enjoignant de ne pas commenter publiquement cette mesure.

La dernière répression en date contre les défenseur-e-s des droits des femmes intervient alors que le prince héritier Mohammed ben Salman se présente comme un « réformateur ». Sa campagne internationale de relations publiques contraste nettement avec la répression qui se durcit contre les voix dissidentes, notamment celles qui font campagne en faveur de l’égalité des droits pour les femmes.

Le 19 mai, les autorités saoudiennes et les médias affiliés au gouvernement ont lancé une campagne de diffamation pour tenter de discréditer cinq éminent-e-s défenseur-e-s des droits des femmes placé-e-s en détention et de les faire passer pour des « traîtres ». Des déclarations officielles relayées dans les médias d’État ont accusé les militant-e-s et d’autres personnes d’avoir formé une « cellule » représentant une menace pour la sécurité nationale en raison de leurs « contacts avec des instances étrangères dans le but de saper la stabilité du pays et son tissu social ».

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