En premier lieu, il doit, en collaboration avec les autorités saoudiennes concernées, libérer les défenseurs des droits humains et les prisonniers d’opinion détenus uniquement pour avoir exercé sans violence leurs droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion.
Le 21 juin, le roi Salmane d’Arabie saoudite a publié un décret royal limogeant son neveu Mohammed bin Naif Al Saoud du rang de prince héritier pour le remplacer à ce poste par son fils, Mohammed bin Salmane, faisant de lui l’héritier direct du trône.
Dans une interview accordée au magazine The Economist en janvier, Mohammed bin Salmane évoquait les valeurs du royaume, affirmant que « la participation aux prises de décision est importante pour nous ; il est important pour nous de préserver la liberté d’expression ; il est important pour nous de jouir des droits fondamentaux ». Pourtant, au cours des six mois qui ont suivi, la répression des autorités saoudiennes contre la dissidence n’a montré aucun signe d’accalmie.
Depuis 2012, le gouvernement mène une répression systématique au cours de laquelle quasiment tous les militants des droits humains indépendants et autres détracteurs ont été réduits au silence, poursuivis en justice et condamnés à de lourdes peines de prison ou contraints à l’exil. Les défenseurs des droits humains sont poursuivis sur la base d’accusations vagues et générales au titre de laloi antiterroriste de 2014, en lien avec leurs activités pacifiques, et condamnés à des peines allant jusqu’à 15 ans de prison, à l’issue de procès manifestement iniques devant le Tribunal pénal spécial, mis sur pied pour juger des infractions liées à la sécurité et au terrorisme.
En outre, on constate une hausse inquiétante du nombre de condamnations à mort prononcées contre les dissidents politiques en Arabie saoudite, notamment contre ceux qui défendent les droits de la minorité musulmane chiite du royaume, ce qui laisse à penser que les autorités se servent de la peine de mortpour éliminer la dissidence et régler des différends politiques. Parmi les condamnés à mort se trouvent des Saoudiens déclarés coupables d’infractions qu’ils auraient commises au cours de manifestations alors qu’ils avaient moins de 18 ans, en violation du droit international.
Dans le décret royal récemment publié, le roi a destitué Mohammed bin Naif de son poste de ministre de l’Intérieur, poste auquel il avait succédé à son père, Naif bin Abdulaziz Al Saoud, en 2012. Selon des militants saoudiens, le ministère de l’Intérieur est « un État dans l’État ». Le pouvoir excessif qu’il exerce, y compris sur le Tribunal pénal spécial et par la gestion de ses propres centres de détention, lui permet de fonctionner comme s’il était au-dessus des lois, sans rendre de comptes, et de maintenir une emprise brutale sur la dissidence dans le pays. Un autre décret publié mi-juin a ôté au ministère de l’Intérieur le pouvoir d’enquêter et d’engager des poursuites pour des crimes et renommé le Bureau des enquêtes et des poursuites judiciaires (BIP) en bureau du procureur, le plaçant sous l’autorité directe du roi, en tant que principal organe chargé des poursuites.
Étant donné le bilan du ministère de l’Intérieur, qui a arrêté de nombreux défenseurs des droits humains et détracteurs indépendants et supervisé les poursuites engagées à leur encontre, cette mesure est accueillie avec prudence par certains militants qui réclament pourtant cette séparation des pouvoirs depuis des années. Toutefois, il est trop tôt pour dire si cette initiative va réellement renforcer le respect envers les droits fondamentaux dans la pratique.
À la lumière du remaniement au sein du gouvernement et des démarches visant à diversifier l’économie et construire une « Arabie saoudite forte, prospère et stable » grâce au plan Vision 2030, Amnesty International demande au prince héritier Mohammed bin Salmane et aux autorités saoudiennes de mettre fin à la répression visant les défenseurs des droits humains, de libérer immédiatement et sans condition tous les prisonniers d’opinion et de veiller à ce que leurs condamnations soient annulées. Il s’agit notamment de Mohammad al Qahtani, Abdullah al Hamid, Fowzan al Harbi, Abdulkareem al Khoder, Abdulrahman al Hamid, Sheikh Suliaman al Rashudi, Saleh al Ashwan, Issa al Nukheifi, Essam Koshak, Raif Badawi, Waleed Abu al Khair, Alaa Brinji, Issa al Nukheifi, Mohammed al Otaibi, Nazeer al Majed, Ashraf Fayadh, Fadhel al Manasif, Sheikh Tawfiq al Amr et Ali Shaaban.
En outre, elle engage les autorités compétentes, dans l’attente de l’abolition totale de la peine de mort, à instaurer un moratoire sur les exécutions en Arabie saoudite, à cesser de recourir à ce châtiment pour des infractions n’entrant pas dans la catégorie des « crimes les plus graves », ce qui recouvre généralement les homicides volontaires, et à s’assurer que la peine de mort ne soit pas utilisée contre des personnes qui auraient commis des infractions alors qu’elles avaient moins de 18 ans.
Par ailleurs, en tant que ministre saoudien de la Défense, Mohammed bin Salmane supervise la coalition militaire internationale qui procède à des frappes aériennes contre le groupe armé des Houthis et ses alliés au Yémen depuis mars 2015.
Amnesty International a pu constater le mépris flagrant de la coalition à l’égard du droit international humanitaire. En effet, la coalition a lancé à maintes reprises des attaques disproportionnées et menées sans discrimination, ainsi que des attaques directes, contre des biens civils dans tout le Yémen, tuant et blessant des civils et détruisant ou endommageant des biens à caractère civil, tels que des hôpitaux, des écoles, des marchés et des mosquées. Malgré ces graves violations et atteintes avérées au Yémen, y compris des crimes de guerre, l’obligation de rendre des comptes n’est toujours pas mise en œuvre à ce jour. Depuis deux années consécutives, les initiatives au Conseil des droits de l’homme de l’ONU visant à mettre sur pied une commission internationale indépendante chargée d’enquêter sur les violations des droits humains commises par toutes les parties au conflit sont bloquées par l’Arabie saoudite et d’autres États arabes.
Amnesty International demande une nouvelle fois à la coalition que dirige l’Arabie saoudite de prendre toutes les précautions possibles pour épargner les civils et les biens civils au Yémen. En outre, elle invite le prince héritier d’Arabie saoudite et le ministre de la Défense à apporter leur soutien à la création d’une commission internationale indépendante chargée d’enquêter sur toutes les allégations d’atteintes aux droits humains, d’exactions et de violations du droit humanitaire imputables à toutes les parties au conflit, dans les meilleurs délais et de manière approfondie, afin que les victimes et leurs familles obtiennent justice et réparations.