S’ils sont reconnus coupables, ces supporters, qui sont membres de l’association des supporters du club de football d’Al Safa, encourent jusqu’à cinq ans de prison. Ils comptent parmi plus de 150 personnes convoquées et interrogées au cours de la première semaine de février, quelques jours après le match.
Selon des militant·e·s interrogés par Amnesty International, les personnes convoquées pour interrogatoire ont été contraintes par des responsables des services de sécurité, sous la menace d’être placées en détention, de signer des documents dans lesquels elles avouaient avoir « scandé des propos sectaires ».
« L’Arabie saoudite est actuellement la seule candidate à l’organisation de la Coupe du monde de football en 2034 et cette affaire met en lumière les graves risques qu’encourent les supporters, qui peuvent être poursuivis pénalement en vertu de lois vagues et abusives uniquement pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression. »
« À l’heure où les autorités saoudiennes dépensent des milliards pour blanchir leur image et financer des campagnes de " sportswashing " (qui consiste à blanchir leur réputation en utilisant le prestige du sport) dans le monde entier, l’arrestation de ces supporters de football illustre une nouvelle fois la répression massive qu’elles exercent contre la liberté d’expression. Dans ce cas précis, un groupe religieux minoritaire exerçait son droit d’exprimer son folklore religieux, a déclaré Heba Morayef, directrice du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient à Amnesty International.
« Les autorités doivent libérer de suite les 12 supporters et abandonner les accusations infondées retenues contre eux. L’Arabie saoudite est actuellement la seule candidate à l’organisation de la Coupe du monde de football en 2034 et cette affaire met en lumière les graves risques qu’encourent les supporters, qui peuvent être poursuivis pénalement en vertu de lois vagues et abusives uniquement pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression. Les fans de foot du monde entier devraient se montrer très attentifs quant au dénouement de cette affaire. »
Dans une déclaration conjointe publiée le 27 mars, Amnesty International et huit organisations de la société civile condamnent l’arrestation et les poursuites intentées contre les 12 supporters.
Selon des documents judiciaires examinés par Amnesty International, ils sont inculpés en vertu de la loi relative à la lutte contre la cybercriminalité du Royaume, qui interdit les faits de « production, préparation, transmission ou stockage d’informations affectant l’ordre public, les valeurs religieuses, la moralité publique et la vie privée via les canaux d’information ou les ordinateurs ».
Outre les accusations portées contre ces 12 supporters, la Fédération d’Arabie saoudite de football a annoncé des mesures disciplinaires à l’encontre du club d’Al Safa, déclarant que ses supporters avaient enfreint le règlement en « scandant des propos et des chants contraires aux dispositions du règlement disciplinaire et éthique ». Le club a été condamné à verser une amende de 200 000 riyals saoudiens (environ 50 000 euros) et doit désormais jouer les cinq prochains matches dans sa ville d’origine sans la présence de supporters.
« Les autorités saoudiennes doivent permettre aux citoyens de s’exprimer librement et sans crainte de répression ni de représailles. Des dizaines de personnes détenues sous couvert de lutte contre le terrorisme croupissent actuellement dans les prisons saoudiennes uniquement pour avoir exprimé leur soutien aux droits des femmes sur les réseaux sociaux », a déclaré Heba Morayef.
Complément d’information
En Arabie saoudite, la communauté musulmane chiite, qui représente environ 15 % de la population du pays, constitue la plus importante minorité religieuse. Les membres de la minorité chiite qui manifestent pour réclamer l’égalité des droits sont régulièrement poursuivis et condamnés. Les tribunaux prononcent de lourdes peines d’emprisonnement et des condamnations à mort, utilisées comme arme politique contre la population chiite afin d’écraser la dissidence.
Dans son dernier rapport, Amnesty International analyse le projet de Code pénal du pays, qui a été divulgué : il ne garantit pas la liberté de religion ou de conscience, mais érige en infractions plusieurs actes protégés par le droit international, notamment le blasphème et l’apostasie.
D’après les informations recueillies par Amnesty International, les autorités saoudiennes invoquent régulièrement la loi contre la cybercriminalité et d’autres textes de loi pour réprimer les droits à la liberté d’expression et de pensée, de conscience et de religion. Elles recourent fréquemment à des lois abusives et formulées en termes vagues, et citent à titre de preuves de l’existence de menaces pour la sécurité nationale, afin de légitimer leurs violations des droits humains, des tweets qui expriment des opinions sur toute une série de questions de société et soutiennent les droits des femmes, ainsi que d’autres formes d’expression et d’association protégées.