« Si la mobilisation des organisations syndicales, environnementales, de droits humains a permis de faire reculer il y a quelques semaines le gouvernement sur l’interdiction judiciaire de manifester, et a aussi permis de réveiller les consciences quant aux menaces sérieuses que faisait peser cette mesure sur les libertés fondamentales, elle n’a semble-t-il pas permis de calmer l’appétit de certain·es à rogner cet espace de liberté essentiel à la mobilisation de la société civile », expliquent les organisations.
Les organisations pointent en effet le danger que représente le champ d’application potentiellement très large de cette infraction d’atteinte méchante à l’autorité de l’État. Ce danger n’est par ailleurs nullement écarté par l’introduction d’une exigence portant sur la nécessité d’une menace grave et réelle pour la sécurité nationale, la santé publique ou la moralité, insistent-elles. En effet, ces termes sont vagues et peuvent prêter à de multiples interprétations.
« Il y a un risque réel que cet article puisse être utilisé afin de limiter la liberté d’expression et la liberté de protester des citoyen·nes, des militant·es, des organisations syndicales et des organisations de la société civile qui organisent régulièrement des actions pacifiques de protestation ou de désobéissance civile. »
L’utilisation de la sanction pénale est particulièrement problématique au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui estime qu’une telle sanction ne pourrait être utilisée qu’en vue de poursuivre l’expression d’opinions incitant à la violence, à la haine ou à l’intolérance. Or, des sanctions pénales sont déjà prévues à l’égard de tels discours violents.
« Il y a un risque réel que cet article puisse être utilisé afin de limiter la liberté d’expression et la liberté de protester des citoyen·nes, des militant·es, des organisations syndicales et des organisations de la société civile qui organisent régulièrement des actions pacifiques de protestation ou de désobéissance civile. Des organisations de jeunesse appelant régulièrement les élèves à méconnaître l’obligation scolaire afin de protester contre le manque d’ambition climatique de nos autorités pourront-elles à l’avenir être poursuivies sur base de cette nouvelle disposition ? Nous le craignons fortement. Le ministre de la Justice a soutenu que ce genre d’actions pacifiques ne seraient pas visées sans néanmoins préciser ce que vise concrètement cette disposition. Dès lors, nous ne sommes pas totalement rassuré·es », indiquent les organisations.
Face à cette nouvelle menace que font peser les autorités belges sur le droit à la liberté d’expression et le droit de protester, les organisations rappellent avec force que ces derniers constituent l’une des pierres angulaires d’une société respectueuse des droits humains. Par ailleurs, toute restriction qui leur serait imposée se doit de répondre à un besoin social impérieux, lequel n’est absolument pas rencontré ici.
Signataires :
Amnesty International Belgique, Belgisch Netwerk Armoedebestrijding (BAPN), Bond Beter Leefmilieu (BBL), Centre d’éducation populaire André Genot (CEPAG), CIRÉ, CGSLB-ACLVB, CNCD-11.11.11, Coalition climat, CSC-ACV, FGTB-ABVV, FOS, Greenpeace, Ligue des droits humains, Liga Voor Mensenrechten, Mouvement d’éducation populaire Agir par la culture (PAC), Progress lawyer network (PLN), MOC, Solidaris, Soralia, Vluchtelingenwerk Vlaanderen.