« Le procès et la condamnation d’Ebrahim Sharif ne représentent que le dernier épisode en date de la répression systématique exercée par les autorités bahreïnites contre la population du pays. Les Bahreïnites doivent payer le prix fort quand ils ne font pourtant qu’exprimer leurs opinions, a déclaré Lynn Maalouf, directrice des recherches pour le Moyen-Orient à Amnesty International.
« Il est sidérant qu’une personne soit déférée à la justice et jugée, voire condamnée, uniquement parce qu’elle a exprimé ses opinions sur Twitter.
« Les autorités Bahreïnites doivent annuler les déclarations de culpabilité et les peines prononcées contre Ebrahim Sharif et contre les autres détracteurs pacifiques. Les autorités doivent respecter les droits dont disposent tous les Bahreïnites, notamment les défenseur·e·s des droits humains et les militant·e·s, d’exprimer librement leurs opinions.
« Le silence observé par les principaux alliés de Bahreïn, à savoir les États-Unis et le Royaume-Uni, contribue de manière non négligeable à cette répression effrénée. La communauté internationale doit user de son influence pour faire clairement comprendre aux autorités bahreïnites que de telles pratiques sont intolérables. »
Complément d’information
Ebrahim Sharif a été condamné à une peine d’emprisonnement au titre de l’article 215 du Code pénal bahreïnite, qui prévoit une peine allant jusqu’à deux ans de prison pour toute personne qui « insulte publiquement un pays étranger [...] ou ses dirigeants. » Les poursuites engagées au titre de ce texte doivent être directement approuvées par le ministre de la Justice, qui est un membre de la famille royale. En plus des six mois d’emprisonnement, il a été condamné à une amende de 500 dinars (environ 1 300 dollars des États-Unis). Il a l’intention de faire appel de ce jugement et de payer la caution pour rester en liberté dans l’attente du jugement d’appel.
Les poursuites judiciaires ont été engagées en raison d’un Tweet publié le 25 décembre 2018 présentant une photo d’Omar el Béchir accompagnée du texte suivant : « Casse-toi. Il y a 30 ans, Omar el Béchir est arrivé dans un tank en proclamant qu’il venait "sauver" le pays. Sous son règne, les guerres civiles se sont succédé, le Sud a fait sécession, et il a plongé dans la pauvreté, la famine et la dégradation le noble et bon peuple soudanais. Le temps de la liberté est venu pour les Soudanais, et celui du départ pour le président dictatorial. #Cities_of_Sudan_Are_Rising_Up [Les villes du Soudan se soulèvent]. » En 2009 et en 2010, Omar el Béchir a été mis en accusation par la Cour pénale internationale pour plusieurs chefs d’accusation de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre.
Ebrahim Sharif, qui est un ancien prisonnier d’opinion, est membre du Comité central de Waad (Société nationale pour l’action démocratique), une association politique non sectaire (la législation Bahreïnite n’autorise pas les partis politiques traditionnels). La justice bahreïnite a prononcé la dissolution de Waad en 2017, et cette décision a été confirmée par la Cour de cassation, la plus haute juridiction d’appel du pays, le 21 janvier 2019.
Depuis le Printemps arabe, Amnesty International a réuni des informations sur de très nombreux cas de poursuites engagées contre des personnes ayant exprimé leurs opinions dans les pays du Conseil de coopération du Golfe. Bahreïn et les pays voisins ont tous emprisonné, à un rythme croissant depuis 2011, des détracteurs pacifiques du gouvernement qui n’avaient fait qu’exprimer leurs opinions.