Au cours de la réunion des représentants de haut niveau des pays donateurs au siège de l’ONU à Genève, lundi 23, il est nécessaire que soient faites de nouvelles promesses de dons, y compris de pays de la région, pour soutenir le nombre croissant de Rohingyas qui se réfugient au Bangladesh, dans le district de Cox’s Bazar.
L’afflux récent de réfugiés, estimés à près de 600 000 personnes, a porté à plus de 800 000 le nombre total de réfugiés rohingyas dans ce district.
« Il s’agit d’une crise sans précédent, qui requiert une réponse immédiate et durable de la communauté internationale. Cela signifie qu’un plus grand nombre de pays, en particulier ceux de la région, doivent s’investir bien davantage et partager le fardeau de la responsabilité. Le Bangladesh, un pays pauvre qui a fait preuve d’une générosité extraordinaire, ne peut être laissé seul face à cette situation », a déclaré Omar Waraich, directeur adjoint pour l’Asie du Sud à Amnesty International.
« Ces réfugiés profondément traumatisés survivent dans des conditions extrêmement difficiles, sans perspective de retour dans un avenir prévisible. La communauté internationale doit élaborer une réponse à même de satisfaire leurs besoins, tant immédiats qu’à long terme. »
Cette semaine, une délégation d’Amnesty International s’est rendue dans les camps de réfugiés du district de Cox’s Bazar, au Bangladesh, où près de 600 000 nouveaux arrivants sont entassés dans des camps surpeuplés, sous des tentes de fortune faites de bambous et de bâches, avec un accès très limité à l’aide d’urgence, aux soins médicaux, à des zones sûres pour les femmes, ainsi qu’à une scolarisation pour les mineurs, ces derniers représentant plus de 61% des réfugiés.
Les agences humanitaires ont noté des niveaux élevés de malnutrition aiguë sévère, en particulier chez les mineurs, ainsi que des risques de maladies, comme le choléra, en raison de l’accès limité à l’eau potable et à des structures sanitaires.
Il existe aussi des besoins évidents en matière d’assistance psychosociale ou de programmes de soutien pour une population profondément traumatisée, qui aura besoin d’aide à court, moyen et long terme pour que son rétablissement physique, mental et émotionnel puisse être pleinement assuré.
Des besoins urgents
La communauté internationale doit répondre à toute une série de besoins urgents des réfugiés rohingyas, du transport vers les camps jusqu’à une assistance médicale et de première nécessité à chaque étape.
Les réfugiés interrogés par Amnesty International ont évoqué les trajets épuisants depuis leurs villages, où ils ont été attaqués, jusqu’aux camps au Bangladesh. Beaucoup disent avoir dû payer des sommes exorbitantes en contrepartie du transport en bateau jusqu’au Bangladesh. Ceux qui n’avaient pas d’argent ont indiqué à Amnesty International qu’ils avaient été obligés de se séparer de bijoux et d’autres biens de valeur pour payer la traversée.
« Des réfugiés rohingyas qui ont marché pendant des jours – souvent pieds nus, affamés et blessés, épuisant toutes leurs réserves – sont victimes d’extorsion à la dernière étape de leur voyage », a déclaré Charmain Mohamed, responsable des droits des réfugiés et des migrants à Amnesty International.
« Quand ils atteignent enfin le Bangladesh, certains des réfugiés doivent encore marcher pendant des kilomètres pour atteindre les camps. Leur périple ne doit pas être rendu plus difficile encore qu’il ne l’est déjà. Ils doivent être soutenus à chaque étape de leur quête de sécurité. »
Aider les Rohingya à aller de l’avant
Étant donné l’impunité qui règne au Myanmar en ce qui concerne les violations des droits humains commises contre les Rohingyas, y compris les crimes contre l’humanité, de nombreux réfugiés rohingyas ont confié à Amnesty International qu’ils craignaient de retourner dans ce pays tant que les conditions ne seraient pas réunies pour qu’ils puissent le faire en toute sécurité et dans la dignité.
Au-delà des besoins immédiats, la communauté internationale doit aider le Bangladesh à faire face aux suites de la crise humanitaire. Elle doit notamment demander que des comptes soient rendus pour les crimes contre l’humanité, et appeler au démantèlement du système de discrimination bien établi que les Rohingyas subissent depuis longtemps au Myanmar.
Les donateurs doivent penser au long terme en ce qui concerne les réfugiés rohingyas au Bangladesh, en commençant par les étapes suivantes :
– Pour aider les réfugiés à développer leur résilience et leur indépendance à moyen et long terme, les donateurs doivent en premier lieu renforcer les programmes d’aide en espèces, afin que les réfugiés puissent accéder à d’autres biens de première nécessité et commencer à retrouver leur dignité.
- Les donateurs doivent immédiatement financer des programmes d’éducation pour les réfugiés mineurs, qui représentent au moins 61% des réfugiés récemment arrivés.
- Ils doivent apporter un soutien psychosocial spécialisé pour prendre en charge une population profondément traumatisée.
- Ils doivent apporter une réponse à la malnutrition aiguë sévère, en particulier chez les mineurs vulnérables.
- Ils doivent adopter une approche globale, prévoyant notamment l’apport d’un soutien aux communautés hôtes.
– Ils doivent associer à la fois les communautés locales et les réfugiés lors de l’élaboration et de la mise en œuvre des programmes, afin de veiller à ce que les intéressés reçoivent l’aide la plus appropriée à leurs besoins.
– Les camps actuellement surpeuplés, qui s’étendent sur des terrains accidentés sur un site unique, doivent être remplacés par des terrains et des infrastructures adaptés , le site devant être aménagé de façon à améliorer l’accès humanitaire et à réduire les risques de conflits et autres problèmes.
« Les donateurs doivent penser au long terme quand il s’agit des réfugiés rohingyas. L’ampleur de cette crise humanitaire est telle que la communauté internationale ne parvient pas à anticiper la réaction nécessaire. Les autorités bangladaises et les groupes humanitaires se démènent désespérément pour amplifier leurs opérations. Il faut les aider non seulement au cours des prochains mois, mais aussi tant que les réfugiés ne pourront pas rentrer chez eux sur une base volontaire, en toute sécurité et dans la dignité », a déclaré Charmain Mohamed.
Une situation humanitaire dramatique dans l’Arakan
Si la conférence des donateurs de lundi est axée sur les besoins humanitaires au Bangladesh, la communauté internationale ne doit pas oublier la crise humanitaire qui se déroule au Myanmar.
« La communauté humanitaire doit bénéficier d’un accès complet et sans entrave aux zones de l’État d’Arakan qui sont touchées par le conflit, afin de pouvoir évaluer les besoins en matière d’hébergement, de nourriture, de soins médicaux et de protection, et subvenir à ces besoins », a conclu Charmain Mohamed.