Brésil : Les femmes font les frais de l’insécurité dans les bidonvilles

Dans un nouveau rapport rendu public ce jeudi 17 avril, Amnesty International dévoile l’histoire dramatique de femmes contraintes de vivre, d’élever leurs enfants et de se battre pour plus de justice dans les bidonvilles soumis à la loi du plus fort au Brésil.

« La réalité pour les femmes des bidonvilles du Brésil est catastrophique, a déclaré Tim Cahill, chargé des recherches sur ce pays au sein d’Amnesty International. Elles sont les victimes cachées de la violence criminelle et policière dont ces populations sont prisonnières depuis des dizaines d’années. »

L’État brésilien est quasiment absent des quartiers marginalisés et, souvent, les seuls contacts de la population avec le gouvernement sont les raids armés de la police.

Le gouvernement fédéral a bien lancé un nouveau projet qui a l’ambition de remédier aux décennies de négligence qui ont conduit à une telle situation, mais bien peu a été fait pour analyser les besoins spécifiques des femmes vivant dans ces quartiers et y répondre.


« Loin de leur fournir une protection, la police inflige souvent aux femmes des fouilles illégales effectuées par des hommes, des propos insultants et discriminatoires et des actes d’intimidation, particulièrement lorsqu’elles tentent d’intervenir pour protéger un proche
 », a expliqué Tim Cahill.

Les femmes qui essaient d’obtenir justice pour leur fils ou leur mari se retrouvent en première ligne et sont confrontées à des menaces et à un harcèlement policier encore plus important.

« En l’absence de l’État, ce sont les barons de la drogue et les chefs de bandes qui font la loi dans la plupart des bidonvilles. Ce sont eux qui appliquent les sanctions et ils utilisent les femmes comme trophées ou monnaie d’échange. »

Utilisées comme « mules » ou comme appâts par les gangs de la drogue, les femmes sont considérées comme quantité négligeable par les criminels comme par les policiers corrompus.

Amnesty International a entendu des récits de femmes tondues pour infidélité ou contraintes à des rapports sexuels imposés pour rembourser des dettes. De plus en plus de femmes échouent dans les prisons surpeuplées du Brésil, où les conditions sanitaires sont déplorables et où elles sont soumises à des violences physiques et psychologiques – et parfois à des viols.

La criminalité et la violence ont des répercussions sur toute la population du fait qu’elles gênent, par exemple, la mise à disposition de services de base comme la santé et l’éducation. Si un dispensaire se trouve sur le territoire d’un gang rival, les femmes peuvent être obligées de faire des kilomètres pour consulter un médecin. Les services de maternité, les crèches et les écoles peuvent être fermés pendant de longues périodes en raison d’opérations de la police ou de la violence criminelle. La peur est telle que les professionnels de la santé et les enseignants sont souvent réticents à aller travailler dans les quartiers à forte criminalité.

Les femmes des quartiers pauvres vivent dans un état de tension inimaginable. Comme l’une d’entre elles l’a expliqué : « Je suis obligée de me droguer. Je prends du diazépam pour dormir. Parce que si je reste lucide, j’ai trop peur de dormir. Une fois que j’ai avalé mon tranquillisant, je prends ma fille, je m’installe par terre pour être à l’abri des tirs et je dors toute la nuit. Si ma fille a perdu sa tétine, elle va crier toute la nuit, parce que passé 20 heures, je ne sors de chez moi sous aucun prétexte. »


« L’État bafoue les droits de ces femmes de trois façons : il apporte son soutien à des méthodes de maintien de l’ordre qui se traduisent par des homicides ; il perpétue un système dans lequel il est extrêmement difficile, si ce n’est impossible, d’obtenir justice, et il les condamne à des conditions de vie extrêmement difficiles
 », a conclu Tim Cahill.

L’État brésilien a eu quelques initiatives positives, comme le renforcement de la protection des femmes contre la violence au foyer à travers l’adoption de la loi Maria da Penha, qui n’a pas encore été pleinement mise en œuvre.

Des mesures de grande envergure et à long terme, qui améliorent réellement la vie des habitantes des quartiers défavorisés, doivent être prises de toute urgence pour faire face à la violence contre les femmes. En premier lieu, Amnesty International appelle le gouvernement fédéral brésilien à intégrer les besoins des femmes dans son nouveau plan de protection des citoyens, le Programme national de sécurité publique et de citoyenneté (PRONASCI).


Complément d’information

Pour ce document, Amnesty International s’est appuyée sur des entretiens réalisés en 2006 et 2007 avec des femmes de six États du Brésil : Bahia, Pernambouc, Rio de Janeiro, Rio Grande do Sul, São Paulo et Sergipe.

Le rapport Picking up the pieces – Women’s experience of urban violence in Brazil sera disponible à partir du 17 avril 2008, à 00h01 TU, sur le site de l’organisation, à l’adresse suivante :
http://www.amnesty.org/en/library/info/AMR19/001/2008/en

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