« En l’absence d’informations de la part du système judiciaire, ce que nous savons, c’est qu’Abdul Karim Ali a été arrêté après avoir dénoncé la torture perpétrée et diffusée en ligne par le leader d’une milice progouvernementale dans la région du Sud-Ouest. Si c’est le seul motif de son arrestation, il doit être libéré sur-le-champ et sans condition, car il n’a fait qu’exercer son droit à la liberté d’expression », a déclaré Fabien Offner, chercheur au bureau d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale.
Selon ses avocats, Abdul Karim Ali a été arrêté sans mandat par des gendarmes le 11 août à Bamenda, dans la région du Nord-Ouest, et emmené à la légion de gendarmerie régionale, où il a été enfermé pendant 84 jours, y compris au secret pendant plusieurs jours, en violation des normes internationales et régionales relatives aux droits humains. Lorsqu’il était détenu au secret, il était privé de tout contact avec le monde extérieur et de la possibilité de recevoir des visites de sa famille et de ses avocats. Il a été incarcéré dans une cellule dépourvue de fenêtre, privé de nourriture et d’eau pendant plusieurs jours, et n’avait qu’un seul seau servant à la fois de toilettes et pour se laver.
Abdul Karim Ali, 41 ans, a alors été transféré au Service Central des Recherches Judiciaires (SCRJ) du Secrétariat d’État à la Défense (SED) dans la capitale Yaoundé, où il est actuellement détenu. Il a été conduit au tribunal militaire de Yaoundé le 7 novembre 2022, où il est resté toute la journée enfermé dans une cellule infestée de moustiques avec d’autres personnes. Il a été raccompagné au SED tard dans la soirée sans qu’aucune charge ne soit retenue contre lui et sans qu’il ne comparaisse devant le tribunal.
Deux autres hommes sont actuellement détenus au SED avec Abdul Karim Ali et sont accusés de travailler pour lui comme chauffeurs. Rabio Enuah est un cousin qui aurait été interpellé à Bamenda le 23 août et détenu dans une cellule à la légion de gendarmerie pendant 84 jours avant d’être transféré au SED à Yaoundé. Quant à Sulemanu Yenkong, une connaissance d’Abdul Karim Ali, il aurait été interpellé le 19 novembre à Nkwen, près de Bamenda. Il a été détenu en plusieurs lieux, puis détenu au secret, avant d’être transféré au SED le 28 novembre. Dans ces deux affaires, les avocats ont indiqué que les gendarmes qui ont procédé aux arrestations ont demandé des rançons en échange de leur libération.
Le système judiciaire n’ayant livré aucune information, ces deux hommes devraient également être libérés immédiatement et sans condition.
Amnesty International a appris que l’épouse d’Abdul Karim Ali a reçu des menaces via des appels anonymes, ce qui l’a amenée à fuir sa maison. Ses interlocuteurs l’ont mise en garde contre le fait d’évoquer sa situation auprès de gens à l’extérieur du Cameroun et lui ont demandé d’amener les passeports de son mari et de sa famille aux militaires qui le détenaient.
« La détention d’Abdul Karim Ali s’inscrit dans une période où les autorités camerounaises continuent d’arrêter et de détenir arbitrairement ceux qui critiquent le gouvernement ou dénoncent les violations des droits humains commises dans le contexte des violences armées qui secouent les régions anglophones du pays. Abdul Karim Ali doit être inculpé sans délai d’une accusation prévue par la loi ou être libéré. »
Abdul Karim Ali avait déjà été arrêté le 25 septembre 2019 et conduit au Secrétariat d’État à la Défense. Il avait été incarcéré, initialement sans pouvoir consulter un avocat pendant cinq jours, avant d’être finalement libéré quelques semaines plus tard, le 1er novembre 2019, sans avoir été inculpé.