Canada, Amnesty International condamne la décision du tribunal concernant les défenseurs des terres des Wet’suwet’ens

Territoires Wet'suwet'en

Une décision rendue par la Cour suprême de Colombie-Britannique a déclaré des défenseur·e·s des terres des Wet’suwet’ens et d’autres peuples autochtones coupables d’outrage de nature criminelle le 12 janvier.

« Des recherches récentes d’Amnesty International révèlent que les défenseur·e·s des terres Sleydo’ (Molly Wickham), Shaylynn Sampson et Corey (Jayochee) Jocko sont poursuivis pour avoir protégé pacifiquement le territoire des Wet’suwet’ens contre la construction du gazoduc de Coastal GasLink (CGL). Amnesty International est consternée par la décision de la Cour suprême de Colombie-Britannique. Elle a relevé des défaillances dans ces affaires, depuis le jour de leur arrestation arbitraire jusqu’à aujourd’hui. Ces poursuites n’auraient pour ainsi dire jamais dû être intentées, car le fait de défendre pacifiquement des terres ancestrales non cédées ne devrait pas être considéré comme un crime. La Couronne ne doit pas s’opposer aux requêtes concernant les abus de procédure déposées par les défenseur·e·s des terres, a déclaré France-Isabelle Langlois, directrice exécutive d’Amnistie internationale Canada francophone.

« Les recherches d’Amnesty International ont mis en évidence de nombreuses violations des droits des défenseur·e·s des terres des Wet’suwet’ens et de leurs sympathisant·e·s lors de descentes de police, d’arrestations et de détentions à grande échelle, a déclaré Ketty Nivyabandi, secrétaire générale d’Amnesty International Canada (section anglophone).

« Les peuples autochtones sont les gardiens d’écosystèmes naturels qui atténuent les effets du changement climatique. Les poursuivre parce qu’ils protègent ces écosystèmes est destructeur et contreproductif »

« Lors des descentes de police, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a agi de manière disproportionnée, déployant des agents armés de fusils à lunette, des unités cynophiles et des hélicoptères pour arrêter les défenseur·e·s pacifiques. Pendant leur détention, plusieurs défenseur·e·s autochtones wet’suwet’ens ont été traités plus sévèrement que les défenseur·e·s non autochtones ayant également été arrêtés ; ils ont notamment été entravés et contraints de comparaître devant un juge en sous-vêtements. Sleydo’ (Molly Wickham), Shaylynn Sampson et Corey (Jayochee) Jocko sont doublement lésés par les autorités canadiennes : tout d’abord parce qu’elles ont autorisé la construction du gazoduc sans leur consentement libre, préalable et éclairé, ensuite parce qu’elles les poursuivent en justice pour avoir exercé pacifiquement leurs droits à protéger leurs terres. Elles sanctionnent les défenseur·e·s des terres autochtones au lieu de demander des comptes à ceux qui piétinent leurs droits fondamentaux.

« Les peuples autochtones sont les gardiens d’écosystèmes naturels qui atténuent les effets du changement climatique. Les poursuivre parce qu’ils protègent ces écosystèmes est destructeur et contreproductif, a déclaré Ana Piquer, directrice pour les Amériques à Amnesty International. À l’heure où les défenseur·e·s des terres autochtones à travers les Amériques sont confrontés à des dangers sans précédent au motif qu’ils défendent leurs territoires contre des projets d’exploitation du sous-sol, le Canada doit les protéger et non les poursuivre. »

Complément d’information

La Nation Wet’suwet’en n’a pas donné son accord pour la construction du gazoduc de Coastal GasLink (CGL). Les défenseur·e·s des terres wet’suwet’ens et leurs sympathisant·e·s œuvrent pour la protection du territoire ancestral et des cours d’eau de la Nation face aux travaux de construction du gazoduc.

Le 11 décembre 2023, Amnesty International a publié un rapport intitulé Canada. « Chassé·e·s de nos terres pour les avoir défendues » : Criminalisation, Intimidation et Harcèlement des défenseur·e·s du droit à la terre Wet’suwet’en. Il examine les violations des droits humains qu’ont infligé aux membres de la Nation Wet’suwet’en et à leurs sympathisant·e·s les autorités du Canada et de Colombie britannique, CGL Pipeline Ltd. et TC Energy, les entreprises qui construisent le gazoduc, ainsi que Forsythe Security, la société de sécurité privée engagée par CGL Pipeline Ltd.

Selon les recherches d’Amnesty International, le processus de consultation relatif au gazoduc de CGL ne correspondait pas aux critères établis par les normes et le droit international relatifs aux droits humains, bafouant ainsi le droit de consultation collectif de la Nation Wet’suwet’en, nécessaire pour obtenir son consentement préalable, libre et éclairé.

En décembre 2019, la Cour suprême de Colombie-Britannique a accordé à CGL une injonction interlocutoire empêchant les défenseur·e·s des terres wet’suwet’ens et leur sympathisant·e·s de bloquer la route de service Morice River Forest dans le but de faire cesser la construction du gazoduc sur le territoire wet’suwet’en. L’injonction contient des dispositions sur sa mise en application, selon lesquelles les défenseur·e·s des terres wet’suwet’ens peuvent être arrêtés s’ils s’approchent du chantier du gazoduc et bloquent les routes, même si ces sites se trouvent sur les terres non cédées de leur Nation. Dans le cadre de ses recherches, Amnesty International a établi que les termes de l’injonction sont trop généraux en matière de portée et d’impact, et restreignent indûment les droits de la Nation Wet’suwet’en à l’autonomie et au contrôle de ses territoires, ainsi que ses droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique. De plus, elle permet à CGL de poursuivre la construction du gazoduc, sans consultation appropriée et sans avoir obtenu le consentement préalable, libre et éclairé de la Nation Wet’suwet’en.

Amnesty International a relevé que la Gendarmerie royale du Canada (GRC), agissant en vertu de cette injonction, intimide, harcèle, surveille illégalement et arrête des défenseur·e·s wet’suwet’ens et leur sympathisant·e·s. En novembre 2021, dans le cadre de l’exécution d’une injonction, la GRC a procédé à l’arrestation de dizaines de défenseur·e·s du droit à la terre, dont Sleydo’ (Molly Wickham), Shaylynn Sampson et Corey (Jayochee) Jocko. D’après ses recherches, Amnesty International estime que la nature des tactiques utilisées par la GRC durant ces opérations de police de grande ampleur n’était pas proportionnée à la situation, violant ainsi les droits des défenseur·e·s. En outre, les défenseur·e·s du droit à la terre des Wet’suwet’ens et leurs sympathisant·e·s ont été arrêtés arbitrairement pour avoir défendu leur territoire et exercé leurs droits en tant que peuple autochtone et leur droit à la liberté de réunion pacifique.

Sleydo’ (Molly Wickham), Shaylynn Sampson et Corey (Jayochee) Jocko ont été inculpés d’outrage criminel en raison d’une prétendue violation de l’ordonnance d’injonction. Ils ont comparu en justice le 8 janvier 2024. La Cour suprême de Colombie-Britannique les a déclarés coupables d’outrage criminel le 12 janvier. Le procès est en cours, la Cour suprême examine actuellement les requêtes concernant les abus de procédure soumises par ces trois défenseur·e·s du droit à la terre, qui affirment que leurs droits humains ont été bafoués au cours des opérations de descente, d’arrestation et de détention menées par la GRC.

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