Côte d’Ivoire. Alors que la tension monte, les forces de sécurité doivent protéger les civils

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

6 décembre 2010

Amnesty International demande aux forces de sécurité de Côte d’Ivoire d’assurer la protection des civils, alors qu’au moins 20 personnes ont été abattues dans le cadre d’une série de violences au lendemain de l’élection présidentielle contestée.

La tension monte en Côte d’Ivoire depuis que les candidats à l’élection présidentielle du 28 novembre se sont déclarés vainqueurs vendredi 3 décembre. Le président sortant Laurent Gbagbo et son rival Alassane Ouattara ont tous deux prêté serment, ce qui a déclenché un regain d’affrontements entre les partisans des deux camps et les forces de sécurité.

L’appel d’Amnesty International intervient à la veille d’une réunion de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), qui doit débattre de la crise mardi 7 décembre au Nigeria.
« La communauté internationale, et plus particulièrement le Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union africaine et la CEDEAO, doivent prendre des mesures afin de prévenir une nouvelle escalade de la violence en Côte d’Ivoire, a déclaré Salvatore Saguès, responsable des recherches sur l’Afrique de l’Ouest au sein d’Amnesty International.

« Il est également essentiel que l’ancien président d’Afrique du Sud, Thabo Mbeki, qui effectue une mission de médiation entre les deux parties, fasse clairement savoir que seule une solution pacifique respectueuse des droits humains peut éviter à la Côte d’Ivoire de sombrer dans une crise qui aurait des répercussions dans toute la région. »

Vendredi 3 décembre, le Conseil constitutionnel ivoirien a rejeté une déclaration de la commission électorale selon laquelle Alassane Ouattara, leader du Rassemblement des républicains (RDR), avait remporté l’élection, et a déclaré le président sortant Laurent Gbagbo vainqueur.

Les partisans de Laurent Gbagbo avaient tenté de bloquer les résultats tant attendus, invoquant les fraudes constatées dans le nord.

Vendredi 3 décembre, l’armée a fermé les frontières et fait suspendre les médias étrangers à la suite de l’annonce du résultat.
Le même jour, les forces de sécurité, dont des membres de l’unité de police de la Brigade anti-émeute (BAE), se sont rendus à Abobo, un quartier d’Abidjan, et ont détruit de nombreuses voitures et tiré à balles réelles, tuant trois personnes – Soumahoro Ladji, Sangaré Djaridja et Diomandé Issouf.

Deux autres personnes ont été tuées par les forces de sécurité samedi 4 décembre à Port-Bouët, quartier d’Abidjan, ont raconté des témoins à Amnesty International.
Bayo Alassane, qui allait acheter des cigarettes, et Kaboré Moumouni, un boucher qui se rendait à son travail, ont tous deux été abattus, selon ces témoins.

« Après la fin du couvre-feu, Bayo Alassane est sorti pour acheter des cigarettes. Tout était calme, il n’y avait quasiment personne dans la rue, mais les forces de sécurité l’ont abattu, tout comme Kaboré Moumouni, alors qu’il se rendait à son travail », a rapporté un témoin, dont l’identité ne peut être divulguée pour des raisons de sécurité.

« Les forces de sécurité en Côte d’Ivoire sont liées par les normes internationales relatives à l’usage de la force et n’ont pas le droit de tirer à balles réelles sur des gens qui ne représentent pas une menace pour leur vie ou la vie d’autrui, a expliqué Salvatore Saguès.

« Dans un contexte où depuis des années les forces de sécurité agissent en toute impunité, le risque est réel que les violences s’intensifient. La communauté internationale et, surtout, les instances régionales et internationales africaines ont un rôle clé à jouer pour éviter l’escalade de la violence. »

Un raid armé mené par la gendarmerie, force paramilitaire, contre le siège du parti d’ Alassane Ouattara le 1er décembre dans la ville d’Abidjan a fait au moins quatre morts et plusieurs blessés.

Des dizaines de personnes ont également été blessées lors d’affrontements qui ont eu lieu le 26 novembre à Abidjan opposant des groupes étudiants qui soutiennent les deux parties.
Le second tour de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire avait été reporté à cinq reprises depuis 2005.
Cette élection avait fait naître pour beaucoup l’espoir de tourner le dos à la crise née de l’insurrection armée de septembre 2002, qui a abouti à la partition du pays.

Dans une déclaration publique datée du 3 décembre, Fatou Bensouda, procureure adjointe de la Cour pénale internationale (CPI), a annoncé : « [T]ous les actes de violence signalés feront l’objet d’un examen approfondi » par la CPI.
Par ailleurs, les Nations unies ont décidé en octobre 2010 de maintenir, pour six mois supplémentaires, l’embargo sur les transferts d’armes et les exportations de diamants. Le Conseil de sécurité a également prorogé les sanctions imposées aux personnes responsables d’incitation à la haine et de graves atteintes aux droits humains.

FIN

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