Égypte, Le manifestant contre la torture Mahmoud Hussein doit être libéré immédiatement

Mahmoud Hussein

Les autorités égyptiennes doivent libérer immédiatement et sans condition Mahmoud Hussein, qui encourt jusqu’à 25 années d’emprisonnement pour avoir simplement porté un T-shirt dénonçant la torture, ont déclaré 15 organisations égyptiennes et internationales de défense des droits humains le 28 mars 2024.

Mahmoud Hussein est détenu arbitrairement depuis août 2023. Sa santé mentale et physique s’est considérablement détériorée depuis le début de sa détention. C’est la deuxième fois qu’il est injustement détenu depuis 2014.

En 2014, Mahmoud Hussein avait été arrêté après des manifestations pacifiques marquant le troisième anniversaire de la révolution du 25 janvier 2011, pour avoir porté un T-shirt arborant le slogan « Nation sans torture » et une écharpe avec le logo de la « Révolution du 25 janvier ». Il avait passé deux ans en détention provisoire arbitraire avant d’être libéré sous caution en 2016, à la suite d’une campagne mondiale demandant sa libération. Cependant, en 2018, il a été déclaré coupable et condamné par contumace à la réclusion à perpétuité.

Le 30 août 2023, les forces de sécurité ont arrêté Mahmoud Hussein à un poste de contrôle, puis l’ont soumis à une disparition forcée dans différents lieux de détention contrôlés par l’Agence de sécurité nationale pendant cinq jours, au cours desquels il a été interrogé, les yeux bandés, en l’absence de son avocat. Il a ensuite été conduit à la prison de Badr 1, tristement célèbre pour ses conditions de détention inhumaines et pour la privation de soins médicaux adaptés dont sont victimes les détenus. Il est maintenu en détention provisoire depuis. Les autorités pénitentiaires le privent des médicaments qui lui ont été prescrits pour un syndrome de stress post-traumatique lié à sa première détention en 2014.

« Il est scandaleux que Mahmoud Hussein soit encore une fois jugé pour avoir simplement porté un T-shirt dénonçant la torture. »

Sa précédente condamnation ayant été prononcée par contumace, Mahmoud Hussein fait maintenant l’objet d’un nouveau procès pour des accusations forgées de toutes pièces d’appartenance à un groupe « terroriste » et d’implication dans des violences ; des accusations liées à l’exercice de ses droits aux libertés d’expression et de réunion pacifique, qui avaient mené à sa première arrestation en janvier 2014.

« Il est scandaleux que Mahmoud Hussein soit encore une fois jugé pour avoir simplement porté un T-shirt dénonçant la torture. S’il est déclaré coupable, il encourt 25 ans d’emprisonnement ; une condamnation qui serait d’une injustice flagrante et qui démontrerait jusqu’où les autorités égyptiennes sont prêtes à aller pour réprimer toute tentative de dissidence », a déclaré Philip Luther, directeur des recherches et des actions de plaidoyer du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International.

Le nouveau procès de Mahmoud Hussein se tient cette fois encore devant une cour de sûreté de l’État. Les procès qui se déroulent devant les cours de sûreté de l’État sont foncièrement iniques, notamment car les décisions rendues ne sont pas susceptibles d’appel et doivent seulement être ratifiées par le président. La prochaine audience est prévue pour le 23 avril.

TORTURE ET RÊVES BRISÉS

Lorsque Mahmoud Hussein avait été arrêté pour la première fois à l’âge de 18 ans, en 2014, des agents de l’Agence de sécurité nationale l’avaient soumis à des actes de torture et d’autres mauvais traitements en détention, et l’avaient notamment frappé et lui avaient infligé des décharges électriques au niveau des mains, du dos et des testicules, en vue de le forcer à signer des « aveux ». Ces violences ont entrainé des problèmes de santé chroniques en raison desquels il a dû subir des opérations chirurgicales de pose de prothèse de hanche et a eu besoin de béquilles pour marcher.

« Le retour de Mahmoud en prison est un cauchemar pour la famille. Il a été renvoyé dans le lieu où les rêves sont brisés, alors qu’il essayait de survivre aux conséquences de son premier emprisonnement et de se tourner vers l’avenir. »

En novembre 2023, il a été opéré pour une fistule anale dans la clinique de la prison et sa famille craint qu’il ne reçoive pas les soins de suite dont il a besoin.

Une personne membre de la famille de Mahmoud Hussein a décrit les conséquences dévastatrices de sa nouvelle détention : « Le retour de Mahmoud en prison est un cauchemar pour la famille. Il a été renvoyé dans le lieu où les rêves sont brisés, alors qu’il essayait de survivre aux conséquences de son premier emprisonnement et de se tourner vers l’avenir. Cette fois, il souffre de problèmes de santé encore plus graves. S’il vous plait, ne l’oubliez pas dans cette prison. »

« La vie de Mahmoud Hussein a été bouleversée à deux reprises, simplement parce qu’il rêvait d’une nation sans torture. Au lieu d’enquêter sur ses allégations de torture et d’autres mauvais traitements et de lui accorder des réparations suffisantes pour les souffrances qui lui ont été infligées pendant sa première détention injuste, les autorités égyptiennes s’enfoncent toujours plus dans cette injustice absurde. Elles doivent le libérer immédiatement et sans condition et abandonner toutes les accusations retenues contre lui, car elles découlent exclusivement de l’exercice de ses droits humains », a déclaré Mohamed Abdel Salam, le directeur de l’Association pour la liberté de pensée et d’expression (AFTE).

Complément d’information

Mahmoud Hussein fait partie des milliers de personnes qui sont toujours détenues arbitrairement en Égypte pour avoir simplement exercé leurs droits humains ou à la suite de procès iniques ou dépourvus de fondement juridique. Parmi ces personnes figurent des défenseur·e·s des droits humains, des militant·e·s politiques, des membres de partis d’opposition, des syndicalistes, des ouvriers et ouvrières, des manifestant·e·s pacifiques, des journalistes, des avocat·e·s, des influenceurs et influenceuses sur les réseaux sociaux, des membres de minorités religieuses et des professionnel·le·s de la santé.

En 2017, le Comité des Nations unies contre la torture est arrivé à la « conclusion inéluctable que la torture est une pratique systématique en Égypte [1] ». Le gouvernement égyptien n’a pas pris [2] de mesures sérieuses pour lutter contre le problème. Plus récemment, dans ses observations finales [3] de 2023, le Comité a souligné les « allégations nombreuses et concordantes selon lesquelles [les autorités égyptiennes] recourent systématiquement à la torture et aux mauvais traitements », soulignant l’absence très préoccupante de reddition de comptes, qui contribue à un climat d’impunité. Le Comité a également souligné le caractère « généralisé » de diverses atteintes aux droits humains en Égypte, notamment des détentions provisoires prolongées.

En octobre 2023, une coalition d’ONG égyptiennes et internationales, à savoir REDRESS, l’Initiative égyptienne pour les droits de la personne (EIPR), la Commission égyptienne des droits et des libertés (ECRF), DIGNITY, le Comité pour la justice (CFJ) et la Commission internationale de juristes, a conclu que le recours à la torture par les autorités égyptiennes est tellement généralisé et systématique qu’il s’apparente à un crime contre l’humanité [4].

En mars 2023, le Comité des droits de l’homme des Nations unies a appelé [5] l’Égypte à « veiller à ce que la durée maximale légale de la détention provisoire soit respectée, notamment en mettant fin à l’ingérence des services de sécurité dans la prise de décision concernant la libération des détenus et à la pratique de la “rotation”, par laquelle des détenus sont inscrits dans de nouveaux dossiers pour des faits similaires. » D’après des organisations de défense des droits humains [6] (l’Institut du Caire pour l’étude des droits de l’homme, le Comité pour la justice, le Centre El Nadeem, le Front égyptien des droits de l’homme, la Sinai Foundation for Human Rights), au moins 251 prévenu·e·s ont été soumis à la pratique de la « rotation » en 2023, et 620 en 2022, ce qui démontre [7] l’implication des autorités judiciaires dans des violations du droit à un procès équitable.

Le Comité des droits de l’homme des Nations unies et des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme des Nations unies ont fait part à plusieurs reprises [8] de préoccupations quant à des violations [9] systématiques du droit à un procès équitable et ont appelé l’Égypte à veiller à ce que les procédures, y compris dans les affaires de terrorisme, soient conformes au droit international et aux normes internationales.

Signataires :

Amnesty International
Association pour la liberté de pensée et d’expression (AFTE)
Institut du Caire pour les études des droits de l’homme (CIHRS)
DIGNITY - Institut danois contre la torture
Front égyptien des droits de l’homme (EFHR)
Forum égyptien des droits humains (EHRF)
EgyptWide for Human Rights
EuroMed Droits
FairSquare
HuMENA for Human Rights and Civic Engagement
Commission internationale de juristes (CIJ)
Service international pour les droits de l’homme (ISHR)
REDRESS
Robert F. Kennedy Human Rights, États-Unis
Sinai Foundation for Human Rights

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