S’ils obtiennent gain de cause, les 27 États membres de l’Union européenne (UE), ainsi que le Royaume-Uni, la Suisse, la Norvège, la Russie et la Turquie, pourraient être légalement tenus de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Amnesty International fait partie des organisations qui ont présenté une contribution écrite à la cour, arguant que les gouvernements sont tenus de protéger les droit humains au niveau mondial à la faveur de leurs politiques climatiques.
Mandi Mudarikwa, responsable des actions en justice stratégiques à Amnesty International, a déclaré :
« Comme dans tant d’autres lieux, les jeunes ouvrent la voie et montrent qu’il existe des moyens légaux par lesquels il est possible de faire avancer la justice climatique. Cette affaire revêt une importance extrême, mais d’autres affaires sont en cours visant à garantir que le droit de chacun·e à un environnement propre, sain et durables soit protégé.
« Cette génération, ainsi que leurs enfants, paiera le prix fort de la catastrophe climatique actuelle »
« Comme tant d’autres personnes dans le monde, les plaignant·e·s sont déjà touchés directement par les effets sur la santé du changement climatique, car l’augmentation des fortes chaleurs restreint leur capacité à passer du temps à l’extérieur, à faire de l’exercice, à dormir et à se concentrer correctement. Certains souffrent d’affections telles que l’asthme, aggravées par la baisse de la qualité de l’air causée par la chaleur extrême, les incendies de forêt et les émissions dues à la combustion de combustibles
fossiles.
« Cette génération, ainsi que leurs enfants, paiera le prix fort de la catastrophe climatique actuelle. Il est vital que les États agissent sans délai pour enrayer cette catastrophe et honorent leurs obligations afin de tenter de maintenir la hausse de la température moyenne au cours de ce siècle au-dessous de 1,5 ° Celsius par rapport aux niveaux préindustriels. Cela suppose d’abandonner progressivement les combustibles fossiles. »
Les plaignant·e·s
Voici les six plaignant·e·s qui ont décidé d’agir après la dévastation causée par les incendies mortels qui ont ravagé plusieurs régions du Portugal en 2017 : Cláudia Agostinho, 24 ans, Martim Agostinho, 20 ans, Mariana Agostinho, 11 ans, Sofia Oliveira, 18 ans, André Oliveira, 15 ans, et Catarina Mota, 23 ans.
Cláudia Agostinho
Cláudia est originaire de Leiria, à environ 120 km au nord de Lisbonne, et vit avec son frère Martim et sa sœur Mariana, également impliqués dans cette affaire. Infirmière dans un hôpital local, elle est donc parfaitement consciente de la menace que représentent les épisodes de chaleur extrême pour la santé humaine.
Martim Agostinho
Martim étudie à l’école des sciences et des technologies à Leiria. Les fumées des mégafeux de 2017 ont causé la fermeture de l’établissement et Martim a été terrifié par l’ampleur des destructions près de chez lui. Il affirme que sa génération doit faire tout ce qu’elle peut pour que les gouvernements préservent leurs droits et leur avenir.
Mariana Agostinho
Plus jeune requérante dans cette affaire, Mariana adore les animaux et passe le plus de temps possible à la ferme de ses grands-parents. Mariana aura 88 ans en 2100 mais d’ici là, si les gouvernements n’agissent pas de toute urgence, la température mondiale pourrait s’élever à 3° C de plus que pendant l’ère préindustrielle – un scénario catastrophique.
Catarina Mota
Catarina vit elle aussi à Leiria et assure que le changement climatique fait de la région un lieu de vie plus hostile. Les chaleurs extrêmes que connaît le Portugal depuis quelques années compromettent fortement sa capacité à faire de l’exercice à l’extérieur et à dormir correctement. Elle s’inquiète pour l’avenir de la famille qu’elle espère avoir un jour.
Sofia Oliveira
Sofia vit avec son frère André et leurs parents à Lisbonne. Elle dit que si un nombre suffisant de personnes réclament une action, les gouvernements devront faire ce qui est nécessaire pour éviter la crise climatique. Elle veut étudier la « chimie verte » afin que les combustibles fossiles restent à leur place : sous terre.
André Oliveira
André, le frère de Sofia, explique que ses amis sont de plus en plus inquiets face au changement climatique et ne comprend pas pourquoi les personnes censées le protéger laissent faire.
Complément d’information
Dans le cadre de l’affaire Duarte Agostinho et autres vs Portugal et 31 autres États, le tribunal va examiner l’argument des plaignant·e·s selon lequel leurs droits au titre des articles de la Convention européenne des droits de l’homme sont violés :
• leur droit à la vie (article 2)
• le droit de ne pas être soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (article 3)
• leur droit à la vie et à la vie de famille (article 8)
• leur droit de vivre libre de toute discrimination fondée sur l’âge (article 14) en lien avec l’article 2 et/ou l’article 8.
Cette décision pourrait prendre quelques mois. Les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme sont contraignants pour les États concernés et peuvent donc avoir une influence sur d’autres affaires portées devant des tribunaux nationaux en Europe, et consolider les futures affaires climatiques portées au niveau national.
Le Réseau mondial d’action juridique (GLAN) soutient les requérant·e·s et gère une campagne internationale de financement [1] afin d’appuyer leurs efforts.
La CEDH a été saisie de deux autres affaires climatiques récemment, et les décisions sont en instance. Il s’agit de l’affaire portée contre la Suisse par l’Association des Aînées pour la Protection du Climat Suisse (Verein KlimaSeniorinnen Schweiz) et quatre de ses membres individuels, et de l’affaire déposée par le député du parti écologiste français Damien Carême : tous deux affirment respectivement que les politiques climatiques de la Suisse et de la France ne protègent pas leurs droits fondamentaux.