Dans une déclaration signée à Londres le 20 janvier 2023, ces organisations, dont Amnesty International, réclament un traité qui permette d’interdire la fabrication et le commerce des équipements intrinsèquement abusifs, tels que les matraques à pointes et les équipements corporels à impulsions électriques, et prônent l’instauration de contrôles fondés sur les droits humains pour le commerce d’équipements de maintien de l’ordre plus standards tels que les aérosols de gaz poivre, les balles en caoutchouc et les menottes.
Ces équipements sont souvent utilisés pour commettre des actes de torture ou des mauvais traitements, que le droit international interdit catégoriquement.
« Pendant trop longtemps, les États ont ignoré le commerce des instruments de torture, permettant à des entreprises du monde entier de tirer profit de la douleur et de la misère humaines. Tous ont pourtant la responsabilité d’agir de manière décisive afin de contrôler ce commerce. Cette déclaration est une étape importante vers un traité international », a déclaré Verity Coyle, conseillère juridique et politique d’Amnesty International.
Ces dernières années, dans toutes les régions du globe, des équipements tels que les gaz lacrymogènes, les balles en caoutchouc, les matraques et les moyens de contrainte ont été utilisés pour intimider, réprimer et sanctionner notamment des manifestant·e·s et des défenseur·e·s des droits humains, dans le cadre du maintien de l’ordre lors de manifestations et dans des lieux de détention.
Des milliers de manifestant·e·s ont subi des blessures oculaires du fait de l’usage inconsidéré des balles en caoutchouc, tandis que d’autres ont été touchés par des grenades lacrymogènes, aspergés de quantités excessives de substances chimiques irritantes, frappés à coups de matraque ou maintenus dans des positions douloureuses par des méthodes de contrainte.
Malgré cela, il n’existe aucun contrôle mondial lié aux droits humains sur le commerce des équipements de maintien de l’ordre. Cependant, l’Assemblée générale des Nations unies a aujourd’hui une occasion historique de voter pour entamer des négociations sur un traité.
Simon Adams, président et directeur général du Centre pour les victimes de torture, a déclaré : « Je rencontre des victimes de torture partout dans le monde. Je vois les blessures et les conséquences d’un climat d’impunité qui permet aux marchands de vendre librement des instruments de torture sur le marché mondial. Un traité visant à mettre fin au commerce des outils de torture permettra de prévenir la torture en réglementant et en interdisant la vente de biens utilisés pour infliger des souffrances inimaginables. »
La pression en faveur d’un tel traité fait suite à l’adoption du traité mondial sur le commerce des armes par une écrasante majorité d’États en 2013, qui a converti un patchwork de lois et de réglementations nationales et régionales en contrôles mondiaux visant à mettre un terme aux transferts favorisant de graves violations du droit international humanitaire et relatif aux droits humains.
Certains signataires de la déclaration ont indiqué qu’ils ont travaillé avec des victimes de torture rendues aveugles par des balles en caoutchouc, ont eu connaissance de cas de femmes enceintes qui avaient fait une fausse couche après avoir été exposées à des gaz lacrymogènes, de personnes défigurées à vie après avoir été frappées à coups de matraque et de victimes traumatisées à vie.
Alex Kigoye, responsable de programme au Centre africain pour le traitement et la réinsertion des victimes de torture, a déclaré : « La torture détruit la dignité et la personnalité des gens. Elle a des effets graves sur les personnes et la société et un traité jouerait un rôle immense en nous permettant de préserver la dignité humaine. »
Selon Michael Crowley, de la Fondation de recherche Omega, la nature internationale de ce commerce appelle une réponse multilatérale.
« Les recherches d’Omega sur le commerce des instruments de torture montrent qu’il est actuellement hors de contrôle. Il s’agit d’un problème mondial, qui requiert une réponse mondiale. Grâce au processus mené par les Nations unies, nous avons aujourd’hui une occasion rare de le maîtriser. »
Selon Fatia Maulidiyanti, coordinatrice de l’organisation panasiatique de défense des droits humains Kontras, il faut de toute urgence imposer des restrictions au commerce des gaz lacrymogènes.
Une enquête a révélé que l’utilisation de gaz lacrymogènes par la police à l’intérieur du stade de football de Kanjuruhan, dans l’est de Java, en Indonésie, en octobre 2022, a été le principal déclencheur de la bousculade dans laquelle 132 personnes ont trouvé la mort – l’une des pires catastrophes sportives au monde.
Lucila Santos, du Réseau international des organisations des libertés civiles (INCLO), a déclaré : « Un traité visant à mettre fin au commerce de biens utilisés pour infliger des tortures permettrait de retirer de la circulation des armes intrinsèquement abusives et contribuerait à prévenir les atteintes aux droits humains commises dans la rue lors de manifestations. Sans de solides contrôles commerciaux internationaux fondés sur les droits humains, les manifestant·e·s d’Amérique latine continueront de subir de graves traumatismes physiques et psychologiques. »