France. Nous n’oublions pas : quatrième anniversaire de la mort d’Hakim Ajimi lors de son arrestation

Aujourd’hui, quatrième anniversaire de la mort d’Hakim Ajimi lors de son arrestation, Amnesty International constate avec une inquiétude persistante que les responsables n’ont pas été réellement contraints de rendre compte de leurs actes, et que les autorités chargées de l’application des lois ne parviennent pas, à ce jour, à énoncer clairement quelles lignes directrices doivent respecter les agents de la force publique en ce qui concerne le recours à des techniques d’immobilisation dangereuses, comme celle qui a entraîné la mort du jeune homme.

Hakim Ajimi est mort lors de son arrestation par deux policiers de la Brigade anti-criminalité (BAC) qui l’ont immobilisé de force à la suite d’une altercation dans une banque dont il était client, à Grasse, le 9 mai 2008. Les deux policiers ont affirmé avoir usé de contrainte envers le jeune homme après qu’il eut résisté violemment à son arrestation. Ils ont continué à exercer une pression au niveau de la poitrine et de la nuque alors qu’il avait été immobilisé et que ses mains et ses chevilles étaient menottées. C’est alors que la mort d’Hakim Ajimi est survenue.

Sept policiers ont finalement été mis en examen pour des faits correspondant à différents degrés d’implication dans la mort du jeune homme. En février 2012, le tribunal correctionnel de Grasse a reconnu coupables d’homicide involontaire deux policiers qui avaient participé à son interpellation ; un de ces deux policiers a également été reconnu coupable de non-assistance à personne en danger ; enfin, un troisième policier a été reconnu coupable de non-assistance à personne en danger. Les trois hommes se sont vu infliger des peines de six à 24 mois d’emprisonnement avec sursis. Ils ont tous trois interjeté appel. Les quatre autres policiers, qui avaient participé au transport d’Hakim Ajimi depuis le lieu de son interpellation jusqu’au commissariat et comparaissaient pour non-assistance à personne en danger, ont été relaxés. Aux yeux d’Amnesty International, ces peines assorties d’un sursis suscitent des interrogations sur leur proportionnalité à la gravité des faits. Quand on prononce ce type de peine, on peut faire passer le message que la justice ne sera pas rendue lorsque des agents de la force publique sont les auteurs des actes sanctionnés, et on met ainsi à mal le principe même de l’état de droit.

À la connaissance d’Amnesty International, les sept policiers qui ont comparu pour leur responsabilité dans la mort d’Hakim Ajimi sont toujours en fonction depuis les faits. Ils n’ont fait l’objet à ce jour d’aucune procédure disciplinaire, malgré des recommandations dans ce sens formulées fermement en avril 2010 par la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), qui constituait alors le mécanisme de surveillance de la police.

Le quatrième anniversaire de la mort d’Hakim Ajimi est également l’occasion de constater avec regret que les autorités françaises n’ont pas encore rendu publiques les instructions sur les limites du recours à la force et aux mesures de contrainte qui sont distribuées aux policiers. En 2008, la Cour européenne des droits de l’homme a pourtant critiqué les autorités françaises pour leur attitude à la suite de la mort de Mohamed Saoud en 1998 (voir Complément d’information), ce cas présentant de grandes similitudes avec l’affaire Hakim Ajimi. Amnesty International a demandé à de nombreuses reprises aux autorités françaises d’interdire totalement le recours à des mesures de contrainte dangereuses, d’élaborer et mettre en œuvre concrètement, au moyen de formations initiales et continues, des protocoles et lignes directrices sur la nécessité, la proportionnalité et les limites de l’usage de la force, en prévoyant des travaux pratiques sur l’utilisation des mesures de contrainte afin de réduire autant que possible les dommages physiques entraînés, et de mettre à la disposition du grand public ces lignes directrices.


Complément d’information

Le cas d’Hakim Ajimi (appelé Abdelhakim Ajimi dans des documents plus anciens d’Amnesty International) est l’un des cinq cas de morts aux mains de la police relatés dans le rapport d’Amnesty International « Notre vie est en suspens. » Les familles des personnes mortes aux mains de la police attendent justice, publié en novembre 2011, qui illustre les défaillances structurelles constatées dans ce type d’affaires, sur le plan des enquêtes comme sur celui de l’obligation de rendre des comptes. Sur l’ensemble de ces cas, c’est le premier qui fait l’objet d’un procès.

Hakim Ajimi a été interpellé par deux policiers de la BAC après un incident survenu dans une banque grassoise, le 9 mai 2008. Selon les deux policiers, Hakim Ajimi aurait résisté violemment et d’autres policiers seraient venus leur prêter main-forte. Selon des personnes présentes sur les lieux, les policiers ont maintenu Hakim à plat ventre après l’avoir menotté. L’un des fonctionnaires était assis à califourchon sur le dos d’Hakim Ajimi, un autre l’étranglait par une clef de bras et un troisième lui maintenait les jambes au sol. Toujours selon des témoins, le jeune homme avait le visage violet quand il a été traîné jusqu’à une voiture de police, où il a été placé à l’arrière, la tête sur le plancher et les jambes remontant vers la banquette. Sa mort a été constatée peu après l’arrivée au commissariat.

Le tribunal correctionnel de Grasse a estimé que, conformément aux conclusions des rapports d’expertise médicale, la mort d’Hakim Ajimi avait eu pour cause la compression thoracique et la clef de bras au cou pratiquées par les deux policiers de la brigade anti-criminalité (BAC). Le tribunal a rappelé que ces techniques sont autorisées en France et enseignées dans les écoles de police ; par ailleurs, a-t-il souligné, le recours à la force lors de l’interpellation d’Hakim Ajimi était justifié, au vu de la violence dont il avait fait preuve en refusant d’obtempérer. Cependant, les policiers ont commis l’un comme l’autre « une faute d’imprudence et de négligence caractérisée » en prolongeant ces mesures de contrainte alors que le jeune homme était immobilisé et menotté aux mains et aux chevilles, sans vérifier de façon continue que ces techniques dangereuses ne l’empêchaient pas de respirer.

En 2008, la Cour européenne des droits de l’homme a critiqué fermement l’absence de directives précises de la part des autorités françaises à l’intention des responsables de l’application des lois concernant ce type de technique d’immobilisation, à la suite de l’arrêt de la Cour sur l’affaire Mohamed Saoud (arrêt Saoud c. France, Req. n° 9375/02). Mohamed Saoud est mort le 20 novembre 1998 après avoir été maîtrisé de façon violente. L’expertise médicale a établi que Mohamed Saoud était mort d’un arrêt cardio-respiratoire consécutif à une asphyxie lente provoquée par la technique de contrainte utilisée contre lui : ayant plaqué le jeune homme à plat ventre sur le sol, deux policiers le tenaient par les poignets (menottés) et les chevilles, pendant qu’un autre, agenouillé sur lui, appuyait les mains sur ses épaules. Malheureusement, presque dix ans après la mort de Mohamed Saoud, moins d’un an après l’arrêt de la Cour européenne sur cette affaire, Hakim Ajimi est mort d’« asphyxie mécanique » après avoir subi la même technique dangereuse d’immobilisation.

Pour en savoir plus

France. Le Comité européen pour la prévention de la torture demande la "tolérance zéro" pour les mauvais traitements (index AI : EUR 21/005/2012) http://www.amnesty.org/en/library/info/EUR21/005/2012/en
France. Les morts violentes aux mains de la police ne doivent pas rester impunies. Peines de prison avec sursis pour les policiers impliqués dans la mort d’Hakim Ajimi (index AI : EUR 21/004/2012) http://www.amnesty.org/en/library/info/EUR21/004/2012/en

France. Lettre ouverte concernant des personnes mortes aux mains de la police (index AI : EUR 21/004/2011), http://www.amnesty.org/en/library/info/EUR21/004/2011/en

France. « Notre vie est en suspens ». Les familles des personnes mortes aux mains de la police attendent que justice soit faite (index AI : EUR 21/003/2011),
http://amnesty.org/en/library/info/EUR21/003/2011/en.

France. Le Comité contre la torture demande à la France d’enquêter sur les allégations de mauvais traitements commis par des agents de la force publique (index AI : EUR 21/003/2010) http://www.amnesty.org/en/library/info/EUR21/003/2010/en

France : Briefing to the United Nations Committee against Torture (AI Index : EUR 21/002/2010) http://www.amnesty.org/en/library/info/EUR21/002/2010/en

France. Violences policières en France. Hakim Ajimi (index AI : EUR 21/011/2009)
http://www.amnesty.org/en/library/info/EUR21/011/2009/en

France. Des policiers au-dessus des lois (index AI : EUR 21/003/2009),
http://amnesty.org/en/library/info/EUR21/003/2009/en.

France. Pour une véritable justice (index AI : EUR 21/001/2005)
http://amnesty.org/en/library/info/EUR21/001/2005/en.

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