Une analyse du projet de loi, publiée par l’organisation le 16 mai 2019, décrit en détail comment, si elle était adoptée, cette modification permettrait au ministère public de priver immédiatement des personnes arrêtées sur la base d’accusations graves, notamment en relation avec la « sécurité nationale », de la possibilité de s’entretenir avec un avocat pendant une période de 20 jours, susceptible d’être prolongée afin de couvrir l’intégralité de l’enquête. En Iran, les personnes inculpées d’infractions en relation avec la « sécurité nationale » incluent des défenseur·e·s des droits humains, des journalistes et des dissident·e·s politiques uniquement pris pour cible en raison de leur exercice pourtant pacifique de leurs droits fondamentaux.
« Ce projet de loi représente une régression. Dans les faits, il supprimerait le droit à un avocat dans un grand nombre d’enquêtes et bafouerait les obligations qui sont celles de l’Iran au titre du droit international. S’il était adopté par le Parlement, il s’agirait d’un coup sévère pour un appareil judiciaire iranien déjà caractérisé par de profondes failles, et pourrait entériner le recours déjà bien établi à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements contre des détenus dans le but de leur arracher des aveux lors d’interrogatoires », a déclaré Philip Luther, directeur du travail de recherche et de plaidoyer pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnesty International.
« Refuser de laisser un détenu contacter un avocat dans les meilleurs délais est une grave violation du droit à un procès équitable dans toutes les circonstances, mais cela devient particulièrement choquant lorsque les personnes concernées encourent de lourdes peines ou des châtiments irréversibles tels que l’exécution, l’amputation ou la réclusion à perpétuité. »
Cela fait des décennies que les autorités iraniennes manquent à leur devoir de faire respecter le droit de s’entretenir avec un avocat, en particulier durant la phase d’enquête.
La modification proposée a pour objectif de remplacer une disposition présentant déjà des problèmes dans la note relative à l’article 48 du Code de procédure pénale. Aux termes de cette disposition, les personnes accusées d’infractions en relation avec la « sécurité nationale » et de certaines formes de criminalité organisée doivent choisir leur avocat sur une liste de noms approuvés par le responsable du pouvoir judiciaire.
Des législateurs iraniens siégeant au sein de la commission juridique et judiciaire du Parlement avaient annoncé en juin 2018 qu’ils réfléchiraient à une réforme de cette loi qui permettrait aux détenus de contacter un avocat de leur choix, mais ont au lieu de cela fait un grand pas en arrière.
« Les législateurs iraniens devraient s’attacher à introduire des réformes juridiques visant à renforcer plutôt qu’à compromettre le droit à un procès équitable. Le Parlement iranien doit revoir de toute urgence la modification proposée, afin de la mettre en conformité avec les obligations de l’Iran en vertu du droit international relatif aux droits humains, et garantir le droit de tous les détenus à un avocat de leur choix, à compter du moment de leur arrestation, et à toutes les étapes de la procédure judiciaire, notamment lors de la détention provisoire, de l’interrogatoire et de l’enquête », a déclaré Philip Luther.
Complément d’information
La commission juridique et judiciaire du Parlement iranien a annoncé le 6 mai 2019 qu’elle avait préparé un projet de modification de la Note relative à l’article 48 du Code de procédure pénale, entré en vigueur dans sa forme actuelle en 2015. La modification envisagée doit être soumise à un vote au Parlement iranien dans les semaines à venir.