La quasi-totalité des 490 détenu·e·s administratifs palestiniens actuellement incarcérés par Israël ont entamé un boycott collectif le 1er janvier 2022, en refusant de participer aux procédures des tribunaux militaires qui ne respectent pas les garanties d’une procédure régulière et ne servent qu’à valider de manière systématique la détention arbitraire. Leur acte de désobéissance met en évidence la complicité de longue date des tribunaux militaires dans l’utilisation de la détention administrative contre les Palestinien·ne·s : des individus sont détenus pendant des mois sans inculpation ni jugement, souvent en fonction des lubies de responsables militaires ou du ministre de la Défense et sur la seule base d’informations secrètes fournies par l’Agence israélienne de sécurité.
« Des défenseur·e·s des droits humains, des journalistes, des universitaires et d’autres Palestinien·ne·s subissent cette pratique cruelle et inhumaine et protestent depuis des décennies, y compris en observant des grèves de la faim. Ce boycott est un nouvel appel collectif pour dire que ça suffit, a déclaré Saleh Higazi, directeur adjoint du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient à Amnesty International.
« Ce boycott courageux met en lumière les sanctions et les traitements inhumains infligés aux Palestinien·ne·s par Israël. La communauté internationale, en particulier les États qui entretiennent des relations proches avec Israël, doit prendre des mesures concrètes et faire pression sur Israël en vue de mettre un terme au recours systématique à la détention arbitraire à titre de jalon vers le démantèlement de l’apartheid. »
Selon l’organisation palestinienne de défense des droits humains Addameer [1], les autorités israéliennes ont émis 5 728 ordres de détention administrative contre des Palestinien·ne·s dans les territoires palestiniens occupés entre 2017 et 2021. En 2021, le nombre d’ordres a augmenté et s’est élevé à 1 695, en raison d’une campagne d’arrestations massives par les autorités israéliennes pendant des semaines de violence en mai et juin.
Depuis des décennies, Israël se sert délibérément de la détention administrative pour enfermer des individus, dont des prisonniers·ères d’opinion détenus uniquement pour avoir exercé leurs droits à la liberté d’expression, de réunion et d’association, afin de les sanctionner pour leurs opinions et leur militantisme.
Salah Hammouri, avocat franco-palestinien, est en détention administrative depuis le 7 mars 2022. Depuis des années, les autorités israéliennes ne cessent de le harceler : elles l’ont soumis à plusieurs périodes de détention administrative et ont pris des mesures en vue d’annuler son statut de résident à Jérusalem-Est.
« Les autorités israéliennes ont accru le recours à la détention administrative, détenant en permanence environ 500 Palestiniens, dont des mineurs »
Ces dernières années, les autorités israéliennes ont accru le recours à la détention administrative, détenant en permanence environ 500 Palestiniens, dont des mineurs. Le 28 mars 2022, un jour après que deux policiers israéliens ont été abattus par deux citoyens palestiniens armés d’Israël, le Premier ministre israélien Naftali Bennett a ordonné aux services de sécurité de placer en détention administrative toute personne soupçonnée d’être impliquée dans l’attaque.
Amal Nakleh, un Palestinien de 18 ans qui s’est joint au boycott, est en détention administrative depuis le 21 janvier 2021. Il souffre d’un trouble neuromusculaire rare qui provoque une faiblesse des muscles du squelette. Il avait 17 ans lorsqu’il a été placé en détention. Depuis, sa détention a été renouvelée à trois reprises, pour la dernière fois le 18 janvier 2022, lorsqu’un tribunal militaire a ordonné [2] une prolongation de quatre mois.
« Amal Nakleh a eu 18 ans après une année passée en détention sans inculpation. Il est déjà assez éprouvant pour une famille de se faire du souci au sujet de la santé de son enfant sans ajouter la cruauté de l’incertitude de la détention administrative. Amal Nakleh doit être libéré immédiatement », a déclaré Saleh Higazi.
Islam al Taweel, candidat à la mairie d’al Bireh, une ville de Cisjordanie, a été arrêté par les forces israéliennes le 21 mars après une perquisition à son domicile à 1h30 du matin. Le 27 mars, il a reçu un ordre de détention administrative pour une période de quatre mois. Il a été appréhendé cinq jours avant les élections municipales, qui ont vu sa liste électorale remporter la majorité des sièges à al Bireh.
« Ces actes s’apparentent à des crimes contre l’humanité d’apartheid, d’emprisonnement et de torture »
Le recours généralisé et systématique d’Israël aux arrestations arbitraires, à la détention administrative et à la torture contre des Palestinien·ne·s s’inscrit dans le cadre de la politique publique de domination et de contrôle infligée à la population palestinienne. Ces actes s’apparentent à des crimes contre l’humanité d’apartheid, d’emprisonnement et de torture.
Complément d’information
Les autorités israéliennes ont recours aux ordres de détention administrative depuis l’occupation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza en 1967.
Les commandants militaires israéliens peuvent émettre des ordres de détention administrative pouvant aller jusqu’à six mois afin de détenir des Palestinien·ne·s s’il existe des « motifs raisonnables » qu’un individu représente un risque pour « la sécurité de la zone » ou la « sécurité publique ».
Le commandant peut prolonger un ordre de détention indéfiniment, mais le détenu doit être traduit devant un juge militaire dans les huit jours suivant la délivrance ou le renouvellement de cet ordre – ou libéré.
Bien que les détenus administratifs aient le droit d’interjeter appel contre tout ordre de détention et de bénéficier de l’assistance d’un avocat de leur choix, ni l’avocat ni le détenu ne sont informés du détail des éléments à charge. Un juge militaire a le pouvoir de confirmer, d’abréger ou d’annuler l’ordre. S’il le confirme, le détenu peut contester cette décision en introduisant une requête devant la Cour suprême d’Israël.
La Cour suprême a noté l’importance des appels et statué que la détention administrative ne devrait être utilisée qu’à titre préventif contre un individu qui représente un danger pour la sécurité qu’aucun autre moyen ne pourra empêcher.
La Cour, cependant, n’a pas encore adopté de règles claires pour l’examen de la détention administrative, remet rarement en question les informations sur lesquelles se fondent les ordres de détention et omet généralement d’examiner les décisions rendues par les juges des tribunaux militaires.