Cette résolution renforce la surveillance internationale de la situation des droits humains au Sri Lanka et donne mandat au Conseil des droits de l’homme pour recueillir, regrouper et conserver des éléments en vue de futurs procès, et faire des recommandations à la communauté internationale sur les mesures à prendre pour garantir justice et respect de l’obligation de rendre des comptes.
« C’est une mesure décisive prise par le Conseil des droits de l’homme, qui marque un tournant dans l’approche de la communauté internationale. Les nombreuses années de soutien et d’encouragements au Sri Lanka pour que justice soit rendue au niveau national n’ont abouti à rien. Cette résolution devrait faire clairement comprendre aux auteurs de crimes passés et en cours qu’ils ne peuvent pas continuer d’agir en toute impunité », a déclaré Hilary Power, représentante d’Amnesty International auprès des Nations unies à Genève.
« S’il s’agit d’une première étape importante, l’impact réel du renforcement de la surveillance et de la transmission d’informations dépendra de l’utilisation de la résolution par les autres États membres de l’ONU pour engager des actions concrètes, notamment des enquêtes et des poursuites au titre de la compétence universelle et une saisie possible de la Cour pénale internationale. »
« Cette résolution devrait faire clairement comprendre aux auteurs de crimes passés et en cours qu’ils ne peuvent pas continuer d’agir en toute impunité »
La résolution a été adoptée compte tenu de ce que le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH) a décrit comme des « obstacles insurmontables à l’accès des victimes à la justice » au niveau national et « l’incapacité et le manque de volonté » des autorités à poursuivre et sanctionner les responsables de crimes au regard du droit international.
Elle fait suite aux informations accablantes fournies par le HCDH, Amnesty International et d’autres entités, qui ont à plusieurs reprises dénoncé le refus persistant du Sri Lanka de faire face aux crimes historiques et exprimé leur inquiétude devant la dégradation des perspectives pour les droits humains dans ce pays.
Tandis que la résolution était négociée à Genève, le Sri Lanka a continué de nier en bloc ces accusations et de rejeter les conclusions et la légitimité du rapport des Nations unies. Pourtant, dans le même temps sur place, les autorités ont encore prouvé que les inquiétudes étaient justifiées, en adoptant de nouvelles dispositions qui ciblent des minorités [1] .
« Nous appelons le Sri Lanka à collaborer de façon constructive avec le HCDH, afin de mettre en œuvre les recommandations du rapport et de permettre un accès libre et total au pays. Sans cela, le Conseil des droits de l’homme pourrait prendre des mesures plus radicales, telles que la création d’un mécanisme indépendant pour établir les responsabilités », a déclaré Hilary Power.
Complément d’information
La résolution du 23 mars a été adoptée par un vote, demandé par la Chine et le Pakistan. Elle avait été présentée par l’Allemagne, le Canada, le Malawi, le Monténégro, la Macédoine du Nord et le Royaume-Uni.
En février 2020, le gouvernement sri-lankais a retiré son soutien à la Résolution 30/1 du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, coparrainé par le gouvernement précédent, visant à promouvoir la réconciliation, l’établissement des responsabilités et les droits humains dans le pays.
Amnesty International estime que plus de 60 000 personnes ont disparu au cours de la guerre civile qui a duré près de 30 ans au Sri Lanka. Les investigations menées par les Nations unies ont permis de rassembler des informations fiables faisant état de violations du droit international relatif aux droits humains et du droit humanitaire commises par les deux parties au conflit, en particulier lors de sa phase finale. Pour de plus amples informations, cliquer ici.
La résolution fait suite à un rapport du HCDH [2] publié en janvier 2021, qui soulignait que l’absence persistante de traitement des crimes historiques par les autorités sri-lankaises laissait place à des « signes avant-coureurs évidents » d’une détérioration de la situation des droits humains et à un risque très élevé de nouvelles violations. Le rapport contenait des recommandations concrètes de « mesures préventives » pour le Conseil des droits de l’homme, en l’incitant notamment à « redoubler d’efforts pour surveiller la situation [...] et en rendre compte », ainsi qu’à recueillir et conserver des éléments de preuve. Ces mesures sont prévues dans la résolution.
Avant la session du Conseil des droits de l’homme, Amnesty International a publié une évaluation de la situation au Sri Lanka [3] , fixant des attentes claires vis-à-vis de cet organe. Elle a également publié un rapport en février, intitulé Old ghosts in new garb : Sri Lanka’s return to fear, qui expose la manière dont les autorités tentent de museler la contestation et de gêner le processus de justice pour les crimes commis durant le conflit, ainsi qu’une déclaration publique [4] en mars au sujet de la tendance inquiétante de marginalisation croissante de la population musulmane du Sri Lanka, de plus en plus prise pour cible par le gouvernement.