Les services essentiels, notamment la nourriture, l’eau et les soins médicaux, doivent être remis en place pour les plus de 600 réfugiés et hommes vulnérables se trouvant actuellement dans le centre de détention de Lombrum, sur l’île de Manus, avant qu’un drame ne se produise, a déclaré Amnesty International lorsque des chercheurs sont revenus de l’île de Manus le 7 novembre.
Les réfugiés et les hommes vulnérables ne doivent pas être réinstallés de force tant que leur dignité et leur sécurité ne seront pas garanties.
« Aujourd’hui, la Cour suprême de Papouasie-Nouvelle-Guinée a rejeté une dernière tentative des réfugiés de faire remettre en place ces services essentiels et de faire en sorte que leurs droits soient protégés. La décision est une attaque abjecte contre le droit à la vie », a déclaré Kate Schuetze, chercheuse sur le Pacifique à Amnesty International.
« Si les autorités ne prennent pas immédiatement des mesures, la situation risque réellement de se détériorer de manière catastrophique. La vie de ces hommes, qui ne demandent que le respect de leurs droits à la dignité et à la sécurité, est gravement menacée. »
« En 2013, lorsque je me suis rendue pour la première fois au centre de détention sur l’île de Manus, plusieurs réfugiés avaient assimilé les conditions de détention à une "guerre psychologique" destinée à briser les réfugiés mentalement. Quatre ans plus tard, ces pratiques cruelles sont toujours utilisées pour pousser les réfugiés à s’installer ailleurs ou à s’installer en PNG. La situation s’est dégradée à un point atteignant le désespoir. »
Les chercheurs d’Amnesty International ont vu une catastrophe se profiler lorsqu’ils se sont rendus en Papouasie-Nouvelle-Guinée du 27 octobre au 7 novembre. La situation dans laquelle se trouvent ces hommes sur l’île de Manus s’apparente à un traitement cruel, inhumain et dégradant et bafoue la Convention des Nations unies contre la torture.
« C’est la troisième fois que je me rends sur l’île de Manus, mais ce que nous avons vu au cours de cette semaine m’a profondément choquée. La situation est désespérée et proche de la catastrophe », a déclaré Kate Schuetze.
« Il est abominable, cruel et honteux que les autorités d’Australie et de PNG aient créé cette crise et placé les réfugiés qui espéraient trouver une protection en Australie dans une situation aussi désespérée. »
« Cette crise doit être résolue immédiatement. Les services doivent être remis en place et les réfugiés doivent bénéficier d’une aide au centre jusqu’à ce qu’ils puissent se rendre dans un lieu sûr où leur dignité sera assurée. »
Les hommes ont refusé de se rendre dans d’autres centres en raison des violentes attaques dont des réfugiés ont été victimes et que les autorités n’ont pas empêchées. Environ 600 réfugiés et hommes vulnérables se trouvent toujours au centre de détention et ont un accès limité à de la nourriture, de l’eau et des soins médicaux depuis que les services ont été retirés le 31 octobre. Les tentatives d’apporter de la nourriture au centre ont été empêchées par les autorités de PNG.
« Forcer ces hommes à choisir entre être privés de nourriture, d’eau et de soins médicaux ou se rendre dans un lieu où ils craignent légitimement d’être victimes de violences et d’autres attaques s’apparente à un traitement cruel, inhumain et dégradant », a déclaré Kate Schuetze.
« La Papouasie-Nouvelle-Guinée n’est pas un endroit adapté pour installer des personnes en danger qui ont fui les persécutions et sont venues en Australie en espérant trouver sécurité et protection. Aucun système permettant à ces réfugiés de vivre dans la sécurité et la dignité n’est en place dans le pays et les habitants ont clairement fait savoir qu’ils voulaient que ces hommes aillent en Australie. »
Amnesty International demande depuis longtemps au gouvernement australien de mettre fin au traitement hors de ses frontières des demandes d’asile, de conduire ces hommes en Australie et de se conformer à ses obligations au titre du droit international de traiter leurs demandes d’asile. Cela relève toujours de la responsabilité de l’Australie.
Cependant, puisque le pays semble déterminé à ignorer et à mépriser le droit, Amnesty International demande maintenant à d’autres pays de réinstaller les hommes actuellement en PNG.
« Cette violation flagrante des responsabilités morales et légales de l’Australie est inacceptable. Le gouvernement semblant déterminé à manquer à toutes ses obligations internationales, nous devons maintenant demander l’aide d’autres pays pour accueillir ces hommes, assurer leur sécurité et leur dignité et leur proposer un avenir », a déclaré Kate Schuetze.
L’Australie doit faciliter, et non pas entraver, la réinstallation dans des pays tiers. La Nouvelle-Zélande a par exemple proposé à plusieurs reprises d’offrir une protection aux réfugiés de l’île de Manus, mais en a été empêchée par l’Australie.
Des vies menacées
La santé des réfugiés est menacée en raison de l’absence d’eau potable et des mauvaises installations sanitaires, et la situation se dégrade de jour en jour. Les hommes sont également privés d’électricité, alors que la chaleur tropicale est étouffante.
Aucune aide médicale n’est proposée aux hommes du centre et on ignore si une aide sera apportée en cas d’urgence médicale.
Ces dix derniers jours, pendant qu’Amnesty International était en Papouasie-Nouvelle-Guinée, des réfugiés ont signalé trois urgences médicales. Un réfugié a fait une crise d’épilepsie et est resté inconscient pendant plusieurs heures. Les réfugiés ont appelé des agents de sécurité et leur ont demandé une aide médicale, mais n’ont reçu aucune réponse. Un autre réfugié s’est automutilé, et bien qu’il soit physiquement stable, il se trouve toujours dans un état psychologique fragile et n’est aidé que par ses amis.
Le 4 novembre au soir, un réfugié souffrant d’une pathologie cardiaque s’est effondré. Les autres réfugiés ont appelé un numéro d’urgence pour demander de l’aide, mais n’ont reçu aucune réponse. La police de PNG, qui a été interpelée dans un véhicule devant le centre, a refusé d’aider l’homme. Après plus de quatre heures, l’homme a été conduit à l’hôpital de Lorengau, mais aucun cardiologue n’était disponible. Il est sorti de l’hôpital plus tard mais risque toujours d’autres problèmes médicaux. La privation de soins médicaux peut, en elle-même, représenter un acte de torture au titre du droit international.
On craint également que la situation devienne encore plus grave lorsque les réfugiés commenceront à manquer de médicaments, et que leur vie soit menacée. De nombreux réfugiés souffrent déjà de problèmes de santé mentale chroniques en raison de leur détention prolongée et de l’incertitude quant à leur avenir.
Des violences d’un centre à celles d’un autre
La situation actuelle est la conséquence de la décision de l’Australie de déplacer les réfugiés d’un centre à un autre, même si cela ne permet absolument pas de régler les problèmes fondamentaux des politiques préjudiciables du pays ou de remédier à leur illégalité.
Aucun projet clair de réinstallation des réfugiés dans un pays sûr n’est en place et l’incertitude prolongée reste la même. Les réfugiés ne peuvent toujours pas travailler ou se déplacer librement et on craint pour leur sécurité. Déplacer les réfugiés vers les nouveaux centres ne fait qu’exacerber les risques auxquels ils sont exposés. Ils vivent dans la peur d’être attaqués par certains habitants de l’île qui ont fait clairement savoir qu’ils ne voulaient pas des réfugiés en PNG.
Les réfugiés craignent d’être en danger s’ils sont forcés à se rendre dans un centre plus proche de la ville, et d’après recherches d’Amnesty International, ces craintes sont fondées. Un réfugié bangladais a déclaré qu’il avait été volé, agressé et attaqué à la machette il y a quatre mois, en pleine journée. Sa blessure a nécessité des points de suture et il a maintenant une longue cicatrice sur le coude qui est toujours enflée et lui fait toujours mal. D’autres cas de vols ou d’attaques contre des réfugiés dans la ville nous ont été signalés, ce qui entretient le sentiment de peur.
« Les autorités de Papouasie-Nouvelle-Guinée et d’Australie doivent veiller à ce que personne n’essaie de déplacer de force les réfugiés, à ce qu’ils aient à nouveau accès à de la nourriture, de l’eau et de l’électricité et à ce que des professionnels de santé puissent les aider. Un projet clair doit être mis en place rapidement pour conduire les réfugiés et les hommes vulnérables dans des pays où ils pourront se réinstaller en toute sécurité et pour veiller à ce que leurs demandes de protection internationale soient étudiées dans le cadre de procédures équitables », a déclaré Kate Schuetze.
Complément d’information
Environ 600 réfugiés se trouvent toujours dans le centre de détention pour réfugiés de la base navale de Lombrum, sur l’île de Manus (Papouasie-Nouvelle-Guinée), bien que les services essentiels aient été retirés le 31 octobre.
Les hommes avaient été transférés de force en PNG par le gouvernement australien lorsqu’ils avaient essayé de demander l’asile en Australie. La plupart d’entre eux sont là depuis quatre ans et demi.
Le 31 octobre, les entreprises gérant le centre de traitement pour les réfugiés pour le gouvernement australien ont quitté le centre et les réfugiés ont reçu l’ordre de se rendre dans d’autres centres sur l’île. Les réfugiés ont indiqué à Amnesty International que les services ont été progressivement supprimés les semaines avant le 31 octobre, ce qui démontre une stratégie de coercition et d’intimidation destinée à les forcer à quitter le centre. La salle de sport a notamment été supprimée, un magasin fonctionnant sur une base de points et permettant d’acheter du crédit d’appel téléphonique et d’autres effets personnels a été fermé, l’électricité a été coupée dans le bâtiment Foxtrot et le nombre de bus permettant de se rendre en ville a été réduit.
De plus, des réfugiés ont déclaré que des préavis indiquant que les forces de défense de la Papouasie-Nouvelle-Guinée prendraient le contrôle du centre de détention le 1er novembre avaient été affichés dans le centre. Les réfugiés ont trouvé ces préavis intimidants car en avril, des militaires avaient ouvert le feu dans le centre, mettant en danger la vie des réfugiés, des fonctionnaires et des employés du centre.
Amnesty International s’est rendue sur tous les sites où se trouvent des centres et a constaté une forte présence d’agents de Paladin, une société de sécurité privée de PNG. Bien qu’une grande partie des 600 hommes soient considérés comme des réfugiés, certains ont vu leur demande d’asile rejetée.
Amnesty International estime que la procédure d’accès aux demandes d’asile n’a pas été assez rigoureuse et tous les hommes, ceux bénéficiant du statut de réfugié et ceux dont la demande a été rejetée, sont menacés. Tous doivent être transférés de PNG vers un endroit où ils seront en sécurité. Les hommes bénéficiant du statut de réfugié doivent être réinstallés, mais ceux dont la demande a été rejetée en PNG doivent avoir accès à des procédures équitables pour contester cette décision et doivent bénéficier d’une protection afin qu’ils ne soient pas renvoyés dans un lieu où ils risquent réellement de subir de graves violations des droits humains.
Les États-Unis sont parvenus à un accord avec le gouvernement australien, au titre duquel certains des réfugiés coincés à Nauru et sur l’île de Manus seront accueillis aux États-Unis. Cependant, il est peu probable que les États-Unis accueillent tous les hommes de l’île de Manus, et d’autres pays qui peuvent proposer une protection aux réfugiés doivent maintenant intervenir.
De plus, la Papouasie-Nouvelle-Guinée a fait part de ses inquiétudes quant au manque de consultation en ce qui concerne la réinstallation proposée et quant au manque d’installations adaptées pour aider les réfugiés dans la communauté isolée de l’île. Les autorités de PNG ont demandé à l’Australie d’assumer ses responsabilités envers les réfugiés que le pays a envoyés de force sur l’île de Manus.