« Après quatre années de défaillances persistantes concernant l’enquête menée dans cette affaire, cette décision représente une avancée importante pour la recherche de la vérité et pour garantir la justice et des réparations pour les 43 étudiants soumis à une disparition forcée dans la nuit du 26 septembre 2014, a déclaré Erika Guevara-Rosas, directrice du programme Amériques d’Amnesty International.
La décision du premier tribunal collégial du 19e district de l’État du Tamaulipas, rendu publique le 4 juin, reconnaît qu’au Mexique il n’y a pas de parquet indépendant, et que l’enquête sur la disparition forcée des 43 étudiants a été marquée par de graves défaillances et n’a pas tenu compte des axes pertinents à suivre pour les investigations.
En ce qui concerne les dysfonctionnements du bureau du procureur fédéral, le tribunal a souligné que des allégations concordantes et répétées font état d’actes de torture, que les accusations reposent presque exclusivement sur des aveux faits par les mis en cause, ainsi que l’absence d’investigations sur des faits et des autorités liés à cette affaire, notamment des membres de la police fédérale, de l’armée et de la marine.
Le tribunal a donc jugé nécessaire la création d’une commission d’enquête spéciale, mécanisme parfois utilisé pour garantir une enquête adéquate sur des crimes de droit international quand des agents de l’État sont soupçonnés d’en être les auteurs, ou quand les services d’enquête traditionnels se sont révélés incapables de remplir correctement leurs fonctions.
Le tribunal a basé une partie de sa décision sur le Protocole type pour les enquêtes judiciaires concernant les exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires (Protocole de Minnesota), la jurisprudence de la Cour interaméricaine des droits de l’homme et la Constitution du Mexique.
« Il a apparemment été prouvé que la théorie du bureau du procureur général, selon laquelle les étudiants auraient été tués et leurs corps brûlés dans une décharge à Cocula, est peu crédible et qu’elle ne tient qu’avec une altération des preuves et si l’on oublie les faits, a déclaré Erika Guevara-Rosas.
« La première réaction du bureau du procureur général, qui a été de contester publiquement cette décision au lieu d’établir une feuille de route claire pour garantir son application, incite à penser que le gouvernement mexicain n’a pas compris ses responsabilités en ce qui concerne l’enquête et les sanctions à infliger pour les graves violations des droits humains commises dans cette affaire. »
La Commission d’enquête pour la vérité et la justice sera composée de représentants des victimes, du parquet et de la Commission nationale des droits humains (CNDH). D’autres organisations nationales et internationales de défense des droits humains pourront également y participer. Le tribunal a ordonné que les décisions concernant les pistes à suivre pour l’enquête et les examens à pratiquer soient prises par les représentants des victimes et de la CNDH, et indiqué que leur présence était nécessaire pour valider toute mesure d’enquête dans cette affaire.
Cette décision est conforme aux conclusions du Groupe interdisciplinaire d’experts indépendants mandaté par la Commission interaméricaine des droits de l’homme, et elle tient compte de ces conclusions, et elle s’appuie également sur les rapports du Haut-Commissariat aux droits de l’homme concernant cette affaire.
Outre la création d’une commission d’enquête, le tribunal a ordonné d’autres mesures visant à garantir les droits des accusés et des victimes. Elle a notamment ordonné qu’une enquête impartiale soit menée dans les meilleurs délais sur les allégations de torture, que les aveux soient correctement évalués, que la légalité des détentions ainsi que les délais injustifiés concernant la comparution des détenus devant une autorité compétente soient examinés, et que le respect du droit à une assistance juridique efficace soit vérifié.
« Cette décision juridique établit à juste titre que les victimes sont des acteurs essentiels du processus devant aboutir à la vérité, à la justice et à des réparations, et que leur participation continue étoffe et facilite l’enquête sur ces cas ainsi que l’accès à la justice. Il est impératif que l’État se conforme de bonne foi à la décision du tribunal », a ajouté Erika Guevara-Rosas.