L’élection, programmée pour le 7 novembre, aura lieu alors que le pays est plongé dans une grave crise des droits humains qui a commencé en avril 2018 et qui s’est intensifiée au cours des derniers mois.
« La candidature de Daniel Ortega est annoncée alors que des milliers de victimes de violations des droits humains attendent toujours que justice soit rendue pour les crimes commis par les autorités nicaraguayennes sous sa présidence, a déclaré Erika Guevara Rosas, directrice pour les Amériques à Amnesty International.
« Le maintien des structures qui ont assuré l’impunité ne peut pas servir de fondement à la construction de l’avenir du pays. Pour que le pays puisse sortir de cette crise, il faut que cessent les violations des droits humains, que les personnes présumées responsables de ces actes fassent l’objet d’enquêtes impartiales dans les meilleurs délais, et que les victimes obtiennent justice, vérité et réparation. »
Pendant cette crise des droits humains, le gouvernement de Daniel Ortega, qui en est actuellement à son troisième mandat présidentiel consécutif, a utilisé les organes judiciaire et législatif pour appliquer des stratégies répressives. Cela, en partie, a permis de bâtir un système qui garantit l’impunité et permet aux individus accusés de crimes de droit international d’échapper à des poursuites judiciaires et de briguer des positions de pouvoir.
« Il faut que cessent les violations des droits humains, que les personnes présumées responsables de ces actes fassent l’objet d’enquêtes impartiales dans les meilleurs délais, et que les victimes obtiennent justice, vérité et réparation »
En 2018, le rapport du Groupe interdisciplinaire d’experts indépendants pour le Nicaragua [1] a établi que les autorités nicaraguayennes ont commis des crimes contre l’humanité. De plus, il a indiqué qu’il existe des éléments qui incitent à penser que les crimes perpétrés ont été tolérés, encouragés ou ordonnés par les plus hautes autorités, y compris par le président du pays, ce dernier occupant en outre le poste de Chef suprême de la Police nationale, qui se situe au rang le plus élevé du commandement institutionnel. Le rapport a également précisé que ces actes ont été commis dans le contexte d’un plan défini au niveau des plus hautes sphères gouvernementales.
Aux termes des normes internationales relatives aux droits humains [2], en cas de soupçons fondés de participation d’agent·e·s de l’État – en particulier ceux qui appartiennent aux secteurs militaire, de la sécurité, de la police, du renseignement et judiciaire – à des crimes de droit international ou à des violations graves des droits humains, ces personnes doivent alors être écartées des institutions publiques jusqu’à ce que les conclusions d’une enquête à leur sujet aient été rendues.
« Actuellement, aucune personne accusée de crimes de droit international ne fait l’objet d’une enquête. Au contraire, Daniel Ortega, qui a récemment annoncé sa candidature au poste de président, échappera à toutes poursuites s’il est reconduit dans ces fonctions, a déclaré Erika Guevara Rosas.
« Tout État qui a sur son territoire une personne accusée de tels agissements doit la déférer à la justice. La communauté internationale ne peut rester les bras croisés si un individu soupçonné de tels crimes se trouve sur son territoire. »
La période précédant les élections au Nicaragua s’est caractérisée par la commission de violations des droits humains, notamment de violations du droit à la liberté d’expression et d’association, et par des obstacles répétés à l’exercice des droits politiques. Le Comité des droits de l’homme de l’ONU [3] a souligné que les libertés d’expression, de réunion et d’association sont des conditions essentielles pour l’exercice effectif du droit de vote, et qu’elles doivent donc être pleinement protégées. Or, au Nicaragua, l’exercice de ces droits relève d’un idéal inatteignable.
« Tout État qui a sur son territoire une personne accusée de tels agissements doit la déférer à la justice. La communauté internationale ne peut rester les bras croisés si un individu soupçonné de tels crimes se trouve sur son territoire »
Ces derniers mois, le gouvernement de Daniel Ortega a arrêté une vingtaine de personnes, notamment six candidat·e·s à la présidence, des dirigeant·e·s étudiants, des militant·e·s politiques, des représentant·e·s des petits paysans et des personnalités politiques, qui s’ajoutent aux plus de 100 personnes arrêtées dans le cadre des manifestations qui ont débuté en avril 2018, et toujours détenues.
Ces agissements montrent clairement que le chemin qui conduit à l’élection présidentielle va être marqué par des mesures répressives mises en œuvre pour que la population ne puisse pas exercer ses droits politiques sans crainte de représailles. L’arrestation de candidat·e·s à l’élection présidentielle pourrait également faire obstacle à l’exercice par la population des ses droits politiques.
En outre, des agents de l’État continuent de harceler les défenseur·e·s des droits humains, les journalistes et les médias. En conséquence, des organisations locales ont signalé qu’un nombre grandissant de défenseur·e·s des droits humains et de professionnel·le·s des médias ont été contraints de fuir le pays pour préserver leur liberté et leur sécurité, s’ajoutant aux plus de 100 000 personnes qui ont déjà dû quitter le pays pour protéger leur vie.
L’élection à venir représente une chance de faire face à l’impunité et de lancer un processus qui permettra au peuple nicaraguayen d’avoir accès à la justice, à la vérité et à la réparation. Cependant, cela sera fortement compromis si ceux qui dirigeront le nouveau gouvernement constituent le principal obstacle à la reconstruction d’un pays où les droits humains seront une réalité.