« Le gouvernement de Daniel Ortega met en place une nouvelle stratégie visant à bâillonner celles et ceux qui font entendre leur voix. En faisant disparaître les opposant·e·s, les militant·e·s et les journalistes, Daniel Ortega montre qu’il craint les critiques et les plaintes, a déclaré Erika Guevara Rosas, directrice pour les Amériques à Amnesty International.
« Les 10 cas que nous avons documentés illustrent une nouvelle pratique qui consiste à faire suivre la détention d’une disparition forcée, et ils ressemblent énormément à plusieurs dizaines d’autres cas de personnes se trouvant peut-être dans la même situation. Nous demandons au gouvernement de Daniel Ortega de libérer immédiatement toutes les personnes détenues uniquement parce qu’elles ont exercé leurs droits. »
Depuis le début de la crise des droits humains en Nicaragua, qui a débuté en avril 2018, des informations font état de façon incessante du harcèlement de personnes considérées comme des opposant·e·s au gouvernement, de défenseur·e·s des droits humains, de journalistes, de victimes de violations des droits humains et de leurs proches.
La nouvelle phase de la stratégie répressive du gouvernement du président Daniel Ortega, qui consiste à placer en détention un nouveau groupe de personnes considérées comme des opposants au gouvernement, a commencé le 28 mai 2021. Entre le 28 mai et le 2 août, plus de 30 personnes ont été privées de leur liberté, qui s’ajoutent aux plus de 100 personnes qui se trouvaient déjà en prison uniquement parce qu’elles avaient exercé leurs droits humains.
« Nous demandons au gouvernement de Daniel Ortega de libérer immédiatement toutes les personnes détenues uniquement parce qu’elles ont exercé leurs droits »
Après avoir examiné les cas de ces 10 personnes, Amnesty International est parvenue à la conclusion que leur détention suivie de la dissimulation du lieu où elles se trouvent, constitue un crime de disparition forcée, au regard des obligations internationales qui incombent à l’État nicaraguayen en matière de droits humains. Les cas documentés sont ceux de Daysi Tamara Dávila, Miguel Mendoza, José Pallais, Suyen Barahona, Víctor Hugo Tinoco, Félix Maradiaga, Ana Margarita Vijil, Violeta Granera, Jorge Hugo Torres et Dora María Téllez.
Les 10 cas documentés ne sont pas des cas isolés, et ils sont survenus dans un contexte où d’autres situations très similaires sont signalées de façon récurrente ; ces cas pourraient ne représenter qu’une fraction d’une liste beaucoup plus longue de victimes.
Dans tous les cas documentés, relevés jusqu’au 2 août (date de clôture de l’enquête), les autorités n’avaient pas révélé de façon officielle l’endroit exact où se trouvaient les personnes détenues, contrairement à ce qu’exige le droit international. Dans la majorité de ces cas, la seule information qui a été reçue concernant le lieu où pouvaient se trouver les personnes en question, a été obtenue grâce à l’insistance des familles, et fournie de façon orale par des fonctionnaires de police qui se trouvaient à l’accueil de la Direction de l’assistance judiciaire du Complexe de la police Evaristo Vásquez (DAJ), communément appelé « Nuevo Chipote ». Cependant, les simples dires de fonctionnaires de police postés à l’entrée d’un centre de détention ne constituent pas une preuve suffisante, officielle et crédible concernant le lieu et les conditions de détention de personnes qui ont été arrêtées.
« Les familles sont en droit de savoir si leurs proches sont toujours en vie et où ils sont détenus. L’angoisse qu’elles ressentent est un châtiment supplémentaire infligé dans le cadre de la politique de répression exercée par le gouvernement de Daniel Ortega »
Le ministère public et la police nationale ont l’un et l’autre fait des déclarations publiques reconnaissant ces détentions. Or, il n’est fait état du lieu de réclusion dans aucun de ces communiqués. De plus, les familles n’ont pas pu rendre visite aux personnes détenues, les avocat·e·s n’ont pas eu accès à ces dernières pour des entrevues, et les autorités judiciaires n’ont pas répondu aux demandes qui leur ont été faites d’autoriser l’accès des familles et des avocat·e·s aux détenu·e·s.
Les informations dont dispose Amnesty International montrent que les familles et les représentant·e·s juridiques des 10 personnes détenues ont soumis plus de 40 requêtes, pétitions et recours aux différentes autorités, demandant l’accès aux dossiers, des examens médicaux pour les détenu·e·s, et que ces derniers puissent avoir des entretiens avec leurs avocat·e·s, recevoir la visite de leur famille, et être immédiatement remis en liberté, entre autres. Malheureusement, ces recours n’ont donné aucun résultat et, dans la majorité des cas, les autorités n’y ont pas répondu.
La disparition forcée est un crime de droit international et elle constitue l’une des plus graves violations des droits humains, car elle implique la violation d’un ensemble de droits fondamentaux. Elle est définie comme étant la privation légale ou illégale de liberté d’une personne par des agents de l’État ou par d’autres acteurs dont les agissements sont approuvés ou tolérés par l’État, qui ne reconnaissant pas a posteriori que cette détention a eu lieu, ou, s’ils la reconnaissent, qui refusent de donner des informations concernant le sort de la personne privée de liberté et le lieu où elle se trouve.
« Cette semaine, cela fera 90 jours que les détentions les plus récentes ont débuté, mais les autorités continuent de refuser de donner des informations officielles sur le lieu et les conditions de détention de ces personnes, a déclaré Erika Guevara Rosas. Les familles sont en droit de savoir si leurs proches sont toujours en vie et où ils sont détenus. L’angoisse qu’elles ressentent est un châtiment supplémentaire infligé dans le cadre de la politique de répression exercée par le gouvernement de Daniel Ortega. »