Niger : Les reports successifs du procès d’activistes augmentent la pression sur la société civile

Les autorités du Niger doivent faire juger et libérer trois activistes qui auront bientôt passé six mois en détention, ont déclaré 12 organisations de défense des droits humains à la veille de leur procès.

  • Maikoul Zodi, Ibrahim Diori et Karim Tanko enfin jugés lundi à Niamey après plus de 150 jours de détention
  • Les poursuites contre eux doivent être abandonnées immédiatement
  • La répression de ceux qui critiquent les mesures d’austérité doit cesser

Le procès pour « organisation et participation à une manifestation interdite » et « dégradation de biens publics » de Maikoul Zodi, Ibrahim Diori et Karim Tanko s’ouvre lundi 1er octobre dans la capitale Niamey. Le procès a été reporté à deux reprises pour cause de jour férié dans le pays et absence de l’avocat d’une des parties civiles.

«  Ces reports successifs ne font qu’accroître la pression sur des activistes qui n’auraient jamais dû passer un seul jour en prison et qui se retrouvent finalement à avoir passé près de six mois derrière les barreaux pour des motifs fallacieux, » a déclaré Samira Daoud, directrice adjointe d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre.

« Leur procès tant attendu qui s’ouvre ce lundi doit aboutir à la fin des poursuites et à leur libération immédiate. Aucun autre prétexte ne doit être utilisé pour les maintenir un jour de plus en détention. »

Ce lundi, il s’agira, en moins d’un an, du troisième procès, contre des défenseurs de droits humains au Niger. Tous ces procès ont un lien avec la mobilisation de ces dix derniers mois contre la loi des finances 2018. Maikoul Zodi, Ibrahim Diori et Karim Tanko avaient d’ailleurs été arrêtés et inculpés suite à leur projet d’organiser une manifestation le 15 avril 2018 contre cette loi.

Les organisations signataires estiment qu’il y a un risque que de nouvelles manifestations anti-austérité soient réprimées par les autorités alors que la loi de finances 2019 est actuellement examinée par les parlementaires. Le nouveau budget proposé par le gouvernement comporte, comme en 2018, des mesures d’austérité et de nouvelles taxes pour les petits commerçants et les ménages modestes.

Ce lundi, il s’agira, en moins d’un an, du troisième procès, contre des défenseurs de droits humains au Niger. Tous ces procès ont un lien avec la mobilisation de ces dix derniers mois contre la loi des finances 2018.

« Les autorités nigériennes doivent reconnaître que les mesures d’austérité incluses dans la loi sont excessives et vont lourdement porter atteinte aux droits de la population, » a déclaré Ali Idrissa, coordinateur national du Réseau des organisations pour la transparence et l’analyse budgétaire (ROTAB) et de Publiez ce que vous payez-Niger (PCQVP)

«  La répression de ceux qui critiquent les mesures d’austérité n’est pas la solution. Si les autorités nigériennes entendent remplir leurs obligations en matière de droits humains, il faut, d’une part, qu’elles s’abstiennent de tout comportement répressif et, d’autre part, qu’elles prennent des mesures permettant à chaque citoyen de jouir de ses droits humains. »

Maikoul Zodi est le coordonnateur pour le Niger du collectif ‘’Tournons la page’’ ; Ibrahim Diori est membre de l’association Alternative espace citoyen (AEC) et Karim Tanko de l’Union des jeunes pour la protection de la démocratie et les droits de l’homme (UJPDDH). Ibrahim Diori est détenu à la maison d’arrêt de Kolo (est du pays), Maikoul Zodi à la prison civile de Say (sud-ouest) et Karim Tonko à Niamey, la capitale.

La répression des activités des défenseurs de droits humains a atteint des proportions inquiétantes cette année au Niger, notamment dans le cadre de la contestation des nouvelles mesures fiscales.

Dans la ville de Zinder, à 800 km à l’est de Niamey, deux activistes attendent toujours leur procès. Sadat Illiya Dan Malam, coordonnateur régional du Mouvement patriotique pour une citoyenneté responsable, a été arrêté le 18 avril dernier. Il a été inculpé pour « participation à un mouvement insurrectionnel » et « conspiration contre la sécurité de l’État ».

Yahaya Badamassi, coordonnateur régional d’Alternative espaces citoyens, a été arrêté le 25 avril. Il a été inculpé d’abord pour « organisation et participation à une manifestation interdite » et « destruction de biens publics » puis en juin pour « participation à un mouvement insurrectionnel » et « conspiration contre la sécurité de l’État ».

Le 6 mai dernier, Yahaya Badamassi et Sadat Illiya Dan Malam ont été transférés dans les prisons de Magaria et de Matameye, respectivement à 80 et 70 kilomètres de Zinder. Le 28 août dernier, Yahaya Badamassi, a bénéficié d’un non-lieu, mais le procureur a fait appel de la décision. Il demeure en détention.

«  Les arrestations et détentions fragilisent davantage encore les droits humains au Niger. Les autorités doivent mettre fin aux poursuites et libérer sans conditions toutes les personnes arrêtées pour avoir simplement exercé leur droit à la liberté de réunion pacifique, » a déclaré Laurent Duarte, coordinateur international de Tournons la page.

SIGNATAIRES

1. Action chrétienne pour l’abolition de la torture (ACAT France)
2. Agir pour Être Niger
3. Alternative Espaces Citoyens (AEC)
4. Amnesty International
5. Association de défense des droits des consommateurs des technologies de l’information, de la communication et de l’énergie (ACTICE)
6. Fédération Internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH)
7. Front Line Defenders
8. Réseau des organisations pour la transparence et l’analyse budgétaire (ROTAB)
9. Survie
10. Tournons la Page
11. Association des Bloggeurs pour une citoyenneté active Niger
12. Publiez ce que vous payez

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