- Des zones rurales de l’État de Zamfara sont sous l’emprise de bandits armés
- Au moins 371 personnes tuées depuis janvier et des dizaines de villages pillés
Des milliers de personnes ont été déplacées par un conflit qui a débuté en 2012 à la suite d’affrontements entre des paysans et des bergers.
« C’est le conflit oublié du Nigeria. L’inaction des autorités a laissé les villageois de l’État de Zamfara à la merci de bandits armés, qui ont tué plusieurs centaines de personnes en deux années sanglantes, a déclaré Osai Ojigho, directrice d’Amnesty International Nigeria.
« Lorsque nous nous sommes rendus sur place, des habitants nous ont indiqué qu’ils avaient supplié le gouvernement de les aider après avoir reçu des lettres d’avertissement de la part des bandits avant les attaques mais n’avaient reçu aucune protection. Les autorités nigérianes ont affirmé à plusieurs reprises traiter cette situation, mais le nombre croissant de victimes indique tout autre chose. »
Vendredi 27 juillet, 18 villages des districts de Mashema, Kwashabawa et Birane, qui font partie de la zone de gouvernement local de Zurmi, dans l’État de Zamfara, ont été attaqués. Au moins 42 personnes ont été tuées. Quelque 18 000 habitants des villages concernés qui ont été déplacés au cours du week-end sont maintenant réfugiés dans différents lieux où siègent les autorités locales. Le lendemain, 15 autres personnes ont été enlevées dans la zone de gouvernement local de Maradun.
« Lorsque nous nous sommes rendus sur place, des habitants nous ont indiqué qu’ils avaient supplié le gouvernement de les aider après avoir reçu des lettres d’avertissement de la part des bandits avant les attaques mais n’avaient reçu aucune protection. »
Samedi 28 juillet, le président Muhammadu Buhari a annoncé le déploiement de 1 000 soldats dans l’État de Zamfara. C’est la troisième fois depuis novembre 2017 que les autorités déploient l’armée face aux attaques, mais des habitants ont déclaré à Amnesty International que les villages reculés, particulièrement vulnérables, ne sont pas protégés par ces mesures.
« Les interventions militaires passées n’ont pas mis fin aux homicides, notamment dans les zones rurales de l’État de Zamfara. Au moins 371 personnes y ont été tuées rien que depuis le début de l’année 2018, dont au moins 238 après le déploiement de l’armée de l’air du Nigeria. Les autorités négligent encore les populations les plus vulnérables de cette région », a déclaré Osai Ojigho.
Entre dimanche 7 et jeudi 12 juillet, Amnesty International s’est rendue dans des villages de cinq zones de gouvernement local de l’État de Zamfara – Zurmi, Maradun, Maru, Anka et Tsafe. Même si les forces de sécurité étaient présentes dans la capitale de l’État, Gusau, les chercheurs de l’organisation n’ont vu des soldats et des membres de l’armée de l’air que dans deux des villages visités, Birane et Bagega.
Les villageois ont souligné qu’ils se sentaient désarmés et à cran, constamment sur le qui-vive par crainte d’une attaque. Des hommes ont raconté qu’ils passaient la nuit devant leur maison et dans des arbres pour monter la garde, pendant que les femmes et les enfants dormaient en groupes pour plus de protection.
Selon certains villageois, ils reçoivent généralement avant les attaques des messages d’avertissement, notamment par téléphone, leur ordonnant de payer d’énormes sommes d’argent sous peine d’être tués ou enlevés.
Un habitant du village de Gidan Goga a déclaré : « Avant le ramadan, les bandits ont appelé avec le même numéro que celui avec lequel ils m’ont appelé il y a deux semaines, en me disant que si nous ne leur versions pas 500 000 nairas (environ 1 400 dollars américains), ils viendraient m’enlever ou enlever le chef du village. En ce moment, nous vivons dans la peur. »
Dans plusieurs villages, les habitants ont indiqué avoir peur de s’aventurer à plus de quelques kilomètres dans la brousse, ce qui les empêche de faire leurs travaux agricoles. Ils n’ont pas voulu emmener les chercheurs d’Amnesty International sur les lieux des attaques, par crainte de rencontrer les bandits.
Un ancien du village de Gidan Goga a déclaré à Amnesty International : « Nous ne pouvons pas aller travailler loin de notre village. Il y a deux semaines, j’ai reçu un appel de l’un des bandits, qui a affirmé qu’ils sont propriétaires de la forêt. Il m’a demandé de dire au chef du village d’ordonner à toutes les personnes installées près de la forêt d’évacuer leurs villages et de venir ici, à Gidan Goga. Il a dit que le seul moyen pour qu’ils laissent les villageois rester sur place était que ceux-ci leur versent cinq millions de nairas. »
Dans un village de la zone de gouvernement local de Maru, des habitants ont affirmé que les seuls moments où ils voient des membres des forces de sécurité sont quand ils escortent des ouvriers jusqu’à l’exploitation agricole du gouverneur de l’État.
« Il n’y a aucune sécurité ici et nous vivons dans la peur. Étant donné que nous ne pouvons aller travailler à cause de la peur, il nous est difficile de nourrir nos familles. Pour aller travailler, il faut de la sécurité. La ferme du gouverneur n’est pas très loin d’ici et les forces de sécurité accompagnent ses ouvriers dès qu’ils doivent s’y rendre », a déclaré un homme à Amnesty International.
« Il n’y a aucune sécurité ici et nous vivons dans la peur. Étant donné que nous ne pouvons aller travailler à cause de la peur, il nous est difficile de nourrir nos familles. »
Il a ajouté que les villageois attendaient que les ouvriers du gouverneur soient escortés et se déplaçaient avec eux pour profiter de la présence des forces de sécurité.
Un officier de police de l’État de Zamfara a expliqué à Amnesty International que la police manque de moyens et d’effectifs pour faire face à cette crise.
« La crise dans l’État de Zamfara rend la vie infernale pour les villageois, mais elle est de toute évidence en bas de la liste des priorités du gouvernement. Ces homicides doivent cesser immédiatement, et les personnes soupçonnées de responsabilité pénale doivent être traduites en justice dans le cadre de procès équitables. Les autorités du Nigeria ont le devoir de protéger la vie de tous les habitants du pays, y compris ceux des villages pauvres et ruraux », a déclaré Osai Ojigho.
Complément d’information
L’État de Zamfara, dans le nord-ouest du Nigeria, est en proie à un conflit meurtrier qui a commencé en 2012 à la suite d’affrontements entre des paysans et des bergers. Progressivement, ce conflit s’est transformé en banditisme armé, avec la première attaque majeure commise à Yar Galadima en avril 2014, au cours de laquelle 200 personnes ont été tuées.
Les bandits armés ciblent des villages et enlèvent des personnes pour demander des rançons. Le 22 novembre 2017, le gouvernement a ordonné le déploiement d’un bataillon des forces spéciales dans l’État de Zamfara, après que des hommes armés ont attaqué des villages dans les zones de gouvernement local de Shinkafi et de Maradun.
Le 4 avril 2018, l’armée de l’air du Nigeria a déployé des soldats des forces spéciales dans l’État à la suite d’attaques à Bawan Daji, un village de la zone de gouvernement local d’Anka.
Le 6 juin 2018, à l’issue d’une réunion du Conseil national de sécurité organisée entre les responsables des forces de sécurité et le président, l’Inspecteur général de la police a annoncé que 2 000 membres des unités spéciales de sécurité de l’armée, de la police et de la défense civile seraient déployés dans l’État de Zamfara.