« L’exécution de Nagaenthran Dharmalingam est un acte honteux du gouvernement de Singapour, qui a procédé à sa pendaison malgré les nombreuses manifestations à Singapour et en Malaisie et le tollé suscité à travers le monde.
« La pendaison de Nagaenthran Dharmalingam met en lumière les profondes failles du système de la peine de mort à Singapour et l’horreur de son maintien. Il a été exécuté après avoir été condamné à la peine de mort de manière obligatoire pour trafic de stupéfiants, alors que sa santé mentale était préoccupante et malgré un diagnostic de déficience intellectuelle, en violation du droit international et des normes internationales.
« Après avoir procédé à deux exécutions en l’espace d’un mois et alors qu’un autre homme doit être pendu vendredi 29 avril, le gouvernement de Singapour s’engage sur une voie cruelle qui va totalement à l’encontre de la tendance mondiale vers l’abolition de la peine de mort.
« Aucun élément de preuve ne vient étayer l’affirmation du gouvernement selon lequel ce châtiment permettra de résoudre les problèmes liés à la drogue dans le pays. Les autorités de Singapour doivent immédiatement endiguer la vague actuelle d’exécutions et revoir sans délai la législation sur l’application de la peine de mort, en vue de son abolition, à la lumière de cette affaire choquante », a déclaré Erwin van der Borght, directeur régional pour l’Asie et le Pacifique à Amnesty International.
Complément d’information
Nagaenthran K. Dharmalingam a été automatiquement condamné à la peine de mort le 22 novembre 2010, après avoir été déclaré coupable d’avoir importé à Singapour 42,72 grammes de diamorphine (héroïne) en avril 2009. Sa déclaration de culpabilité et sa condamnation à mort ont été confirmées en juillet 2011. Le droit international et les normes internationales interdisent d’imposer des peines de mort automatiques, car elles privent les juges de la possibilité de prendre en considération d’éventuelles circonstances atténuantes relatives à l’affaire. En outre, aux termes du droit international et des normes associées, le recours à la peine de mort doit être limité aux « crimes les plus graves » impliquant un homicide volontaire.
Les experts médicaux ayant examiné Nagaenthran K. Dharmalingam en 2013, 2016 et 2017 ont déterminé qu’il présentait un fonctionnement intellectuel à la limite du retard mental et des déficiences cognitives, qui « ont pu contribuer à ce qu’il accorde sa loyauté de manière inconsidérée et à ce qu’il n’évalue pas correctement les risques liés aux actes qui lui sont reprochés ». La Cour d’appel n’a pas pris ces préoccupations en considération, affirmant que « [s]a déficience présumée en matière d’évaluation des risques a pu le rendre plus susceptible d’adopter un comportement dangereux ; cela ne diminue cependant en rien sa culpabilité ». Les organes chargés de veiller à l’application de la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, à laquelle Singapour est partie, interdisent de prononcer la peine de mort contre des personnes dont les troubles mentaux et déficiences intellectuelles compromettent l’efficacité de leur défense. Les autres motions et recours de Nagaenthran K. Dharmalingam ont par la suite été rejetés, dont une requête de dernière minute déposée au pénal par sa mère le 26 avril, en l’absence d’un avocat.
« Il a été exécuté après avoir été condamné à la peine de mort de manière obligatoire pour trafic de stupéfiants, malgré un diagnostic de déficience intellectuelle, en violation du droit international et des normes internationales »
Le cas de Nagaenthran K. Dharmalingam a donné lieu à des manifestations sans précédent en Malaisie et à Singapour quelques jours avant son exécution. Le 25 avril, des centaines de manifestant·e·s se sont réunis dans le seul lieu à Singapour dédié aux rassemblements publics, Hong Lim Park, pour une veillée de trois heures. Le 26 avril, une manifestation devant la Haute commission de Singapour à Kuala Lumpur a également attiré un très grand nombre de personnes avant d’être dispersée par la police. Dans le monde entier, son cas a suscité une grande attention, notamment de la part du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme et d’autres experts des Nations Unies.
Le Malaisien Datchinamurthy Kataiah doit être exécuté le 29 avril pour des infractions liées aux stupéfiants, malgré une action judiciaire en cours devant un tribunal de Singapour, pour laquelle une audience aura lieu en mai. Les garanties internationales pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort indiquent clairement qu’aucune exécution ne doit être menée tant que des procédures d’appel ou tout autre recours sont en cours.
Singapour cite fréquemment la peine de mort comme un moyen de dissuader les gens de commettre des crimes et comme un moyen de résoudre les problèmes liés à la drogue. Or, cet argument s’est trouvé discrédité à maintes reprises et il n’a jamais été prouvé que la peine de mort soit plus dissuasive que la réclusion à perpétuité. Il a été démontré que les politiques punitives en matière de lutte contre les stupéfiants imposant des peines sévères nuisent plus qu’elles ne protègent les gens face aux problèmes causés par les stupéfiants.
Amnesty International est opposée en toutes circonstances à la peine de mort, qui constitue le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit, ainsi qu’une violation du droit à la vie.