Le soutien du G7 aux monopoles de l’industrie pharmaceutique met des millions de vies en jeu

G7 Covid-19 vaccin

L’égoïsme des pays du G7 est le principal obstacle à la fin de la pandémie de COVID-19. À l’approche du sommet des dirigeant·e·s du G7, la People’s Vaccine Alliance [2] a prévenu que les promesses faites par le G7 de vacciner le monde entier d’ici à 2022 seront impossibles à tenir si les gouvernements continuent de bloquer les propositions visant à suspendre les brevets et à partager des technologies qui peuvent sauver des vies.

En octobre 2020, l’Afrique du Sud et l’Inde – également invitées au sommet qui se déroule cette semaine au Royaume-Uni – ont proposé [3] des dérogations aux règles relatives à la propriété intellectuelle pour permettre à d’autres pays de fabriquer des tests, des traitements et des vaccins dans le cadre de la lutte contre la pandémie de COVID-19. Cette proposition est soutenue par plus de 100 États.

Parmi les pays du G7, seuls les États-Unis ont soutenu explicitement la levée des brevets pour les vaccins (mais pas pour les traitements ou les tests) et le Japon a déclaré qu’il ne s’opposerait pas à ces mesures si elles étaient adoptées. L’Allemagne et le Royaume-Uni continuent de s’opposer vigoureusement au projet, malgré son potentiel pour augmenter massivement la production de vaccins et sauver des millions de vies, tandis que le Canada, l’Italie et la France restent indécis.

« Le comté anglais des Cornouailles, où se déroule le sommet du G7, a administré plus de vaccins que 22 pays d’Afrique au total. Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres montrant que l’inaction face aux monopoles des groupes pharmaceutiques a créé des inégalités stupéfiantes dans l’accès aux vaccins. Ce manquement inadmissible de la part des dirigeant·e·s mondiaux doit être rectifié immédiatement, a déclaré Steve Cockburn, directeur du programme Justice économique et sociale d’Amnesty International.

« La voie empruntée actuellement n’est bénéfique pour personne. Il est impossible de retrouver une vie normale, où que ce soit, si seule la population de quelques pays est vaccinée. La fin de la pandémie ne sera envisageable que lorsque les pays riches cesseront de stocker des vaccins et de soutenir le monopole des principaux laboratoires et commenceront à accepter leurs obligations internationales. »

« Les membres du G7 ont un choix à faire cette semaine. Ils peuvent continuer de défendre les monopoles indéfendables des géants de l’industrie pharmaceutique, ou changer de trajectoire et sauver des millions de vies »

« Cette semaine les dirigeant·e·s du G7 vont discuter d’un objectif commun de vacciner le monde entier avant la fin de l’année 2022. Cependant, sans engagement de suspendre certaines règles de la propriété intellectuelle et de partager la technologie des vaccins, cela sera purement et simplement impossible », a déclaré Anna Marriott, responsable de la politique en matière de santé à Oxfam.

« Les membres du G7 ont un choix à faire cette semaine. Ils peuvent continuer de défendre les monopoles indéfendables des géants de l’industrie pharmaceutique, ou changer de trajectoire et sauver des millions de vies. »

La People’s Vaccine Alliance – une coalition d’organisations comprenant notamment Amnesty International, Health Justice Initiative, Oxfam, STOPAIDS et ONUSIDA – a calculé [4] que, si la tendance actuelle se poursuit, il faudra attendre 2078 pour que les pays les plus pauvres puissent vacciner leur population. Dans le même temps, les pays du G7 devraient avoir vacciné leur population d’ici à janvier 2022. À la fin du mois de mai 2021, 42 % des habitants des pays du G7 avaient reçu au moins une dose de vaccin, contre moins de 1 % dans les pays à revenu faible.

Sur le total des vaccins anti-COVID-19 livrés à la fin mai, 28 % l’avaient été dans les pays du G7, qui ne représentent que 10 % de la population mondiale. Le Royaume-Uni a administré à lui seul presque deux fois plus de doses que tout le continent africain, alors que sa population est vingt fois moindre.

L’augmentation de la production de vaccins bloquée par les nations les plus riches

Lors du sommet, les dirigeant·e·s du G7 devraient annoncer le projet de partager une partie de leur surplus de doses avec les pays plus pauvres, mais cette mesure est loin de couvrir les besoins.

Malheureusement, les pays du G7, où sont implantés la plupart des principaux fabricants de vaccins, se sont opposés aux propositions de dérogation aux règles de la propriété intellectuelle pour les vaccins anti-COVID-19, les tests diagnostiques et les traitements contre cette maladie. Depuis l’annonce historique du président Joe Biden en mai, les États-Unis sont le seul membre du G7 qui soutient une levée des brevets pour les vaccins. L’Allemagne et le Royaume-Uni y restent profondément opposés – tout comme l’Union européenne en tant que bloc – tandis que le Canada, l’Italie et la France hésitent encore. Le Japon ne s’opposera pas aux mesures si elles sont adoptées.

Il faut également de toute urgence que les entreprises pharmaceutiques partagent leur technologie et leur savoir-faire pour les vaccins-anti-COVID-19, afin de favoriser l’augmentation massive de la production. Les laboratoires qui travaillent à l’élaboration de vaccins ont reçu 100 milliards de dollars de financements publics. Jusqu’à présent, aucun d’entre eux n’a accepté de participer au Groupement d’accès aux technologies contre la COVID-19 (C-TAP), qui a été créé par l’Organisation mondiale de la santé il y a plus d’un an pour faciliter le partage de propriété intellectuelle et de technologie.

« Les dirigeant·e·s du G7 ont l’occasion de se placer aux côtés des millions de personnes qui ont désespérément besoin de vaccins »

En revanche, des entreprises comme Moderna et Pfizer dégagent des bénéfices colossaux et neuf nouvelles personnes sont devenues milliardaires grâce aux vaccins [5].

« Les dirigeant·e·s du G7 s’organisent actuellement pour commencer à vacciner les adolescents. Pendant ce temps-là, la vaccination n’est même pas en vue pour de nombreuses catégories de population à risque dans les pays en développement, notamment les professionnel·le·s de la santé qui continuent de risquer leur vie chaque jour », a déclaré Dinah Fuentesfina, chargée de campagne pour l’Asie à ActionAid.

« Les dirigeant·e·s du G7 ont l’occasion de se placer aux côtés des millions de personnes qui ont désespérément besoin de vaccins. Nous appelons les pays les plus riches du monde à faire passer la santé de toutes les personnes avant les profits des grands groupes pharmaceutiques. »

COVAX en crise

Parallèlement, l’initiative COVAX, annoncée à grand renfort de publicité, est en crise. COVAX avait distribué 77 millions de doses [6] à la fin du mois de mai, soit seulement un tiers de son objectif pour cette date. Au rythme actuel, COVAX n’aura distribué que 250 millions de doses à la fin de l’année, l’équivalent d’à peine 10 % de la population des pays pauvres participants. En conséquence, les pays qui comptaient sur ce dispositif se retrouvent rapidement à court de vaccin et de nombreuses personnes ayant reçu une première injection ne savent pas quand ou même si elles en recevront une deuxième.

Cette pénurie est liée d’une part au fait que COVAX n’a pas tiré parti de son immense influence pour contester les monopoles des grands groupes pharmaceutiques, et d’autre part à sa dépendance excessive vis-à-vis des vaccins AstraZeneca fournis par l’Inde, qui sont désormais destinés en priorité à une utilisation dans ce pays. Le principal fournisseur de COVAX a récemment annoncé qu’il ne serait plus en mesure de livrer d’autres vaccins pendant plusieurs mois.

« Nous avons le pouvoir de mettre fin à cette pandémie [...] Les seuls obstacles entre nous et la fin de la pandémie de COVID-19 sont les politiques des États, les intérêts acquis et les profits issus des brevets. »

Les dons des pays riches doivent arriver de toute urgence pour tenter de sauver COVAX, mais ils ne suffiront pas. Le besoin de dons est révélateur d’un système défaillant, dans lequel les vaccins ont été rendus artificiellement rares et très chers.

« Toute déclaration laissant entendre que le G7 continuera de compter sur le volontariat des grands groupes pharmaceutiques pour faire ce qu’il faut doit être considérée comme une déférence naïve aux entreprises qui ne sont pas élues et qui ne font pas primer les droits humains et les vies sur leurs profits », a déclaré Fatima Hassan, fondatrice et directrice de Health Justice Initiative en Afrique du Sud.

« Nous avons le pouvoir de mettre fin à cette pandémie ; nous avons de multiples vaccins très efficaces et des mécanismes internationaux en place pour les livrer. Les seuls obstacles entre nous et la fin de la pandémie de COVID-19 sont les politiques des États, les intérêts acquis et les profits issus des brevets. »

Une véritable solution

La People’s Vaccine Alliance demande la suspension immédiate de la propriété intellectuelle, le partage de technologie et le financement de la production à travers le monde. Ses membres ont réalisé une analyse [7] technique détaillée qui montre que 8 milliards de doses peuvent être produites en un an pour seulement 25 milliards de dollars.

Les dirigeant·e·s du G7 doivent :

  1. se fixer l’objectif d’avoir vacciné 60 % de la population mondiale à la fin de l’année 2021, et la totalité d’ici 12 mois ;
  2. soutenir la suspension immédiate des règles relatives à la propriété intellectuelle et imposer le transfert des technologies vaccinales à destination de tous les fabricants qualifiés dans le monde ;
  3. payer leur part de la somme nécessaire pour produire des milliards de doses le plus vite possible, et soutenir les systèmes de santé, en particulier les professionnel·le·s de la santé, afin qu’ils puissent atteindre toutes les personnes, gratuitement.

Photos des manifestations et autres actions de People’s Vaccine au sommet du G7 [8]
Rapport de la People’s Vaccine Alliance : Vaccine Hypocrisy [9]

Complément d’information

La People’s Vaccine Alliance est un mouvement mondial composé d’ONG internationales et nationales et de militant·e·s unis par un but commun de militer en faveur d’un « vaccin pour le peuple » accessible à toutes les personnes, partout et gratuitement.

Cette campagne est soutenue par des dirigeant·e·s de pays, des lauréat·e·s de prix Nobel, des scientifiques et des responsables religieux, dont le pape et le dalaï-lama. Quelque 2,7 millions de personnes ont apporté leur soutien à ses objectifs et des sondages d’opinion ont montré que 70 % de la population des pays riches est favorable à la fin des monopoles des grands groupes pharmaceutiques.

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