Thaïlande, Il faut relâcher les opposants pacifiques et apaiser les tensions

Thaïlande manifestations
  • Près d’un an après le décret relatif à l’état d’urgence, plus de 380 manifestant·e·s, dont 13 mineur·e·s, font l’objet de poursuites pénales, tandis que certains responsables présumés du mouvement de protestation sont maintenus en détention.
  • 61 personnes sont poursuivies pour propos diffamatoires à l’égard de la monarchie.
  • De nouvelles manifestations de grande ampleur sont prévues.

Alors que les actions de protestation en Thaïlande reprennent de l’élan, les autorités doivent de toute urgence tempérer leur réaction, actuellement très sévère, et cesser de piétiner les droits fondamentaux de manifestant·e·s pacifiques, a déclaré Amnesty International samedi 6 mars.

Des centaines de manifestant·e·s pacifiques, parmi lesquels des mineur·e·s, font l’objet de poursuites pénales, et plusieurs sont maintenus en détention depuis des semaines, tandis que de nouvelles manifestations devaient avoir lieu samedi 6 mars.

Les manifestations de masse ont repris le 28 février 2021 et se sont heurtées à un recours excessif à la force de la part des autorités, qui ont notamment employé des armes à létalité réduite telles que des balles en caoutchouc, des matraques, du gaz lacrymogène et des canons à eau aspergeant la foule d’une solution contenant des produits chimiques irritants.

« Les autorités thaïlandaises ont mené tout au long de l’année écoulée une campagne systématique visant à sanctionner des personnes qui souhaitaient simplement exprimer leurs opinions de manière pacifique »

« Le recours persistant et fréquent des autorités thaïlandaises à des manœuvres d’intimidation est une atteinte flagrante aux droits des personnes de faire état de leurs opinions et de manifester pacifiquement. Près d’un an après que le gouvernement thaïlandais a décrété l’état d’urgence en réaction au mécontentement croissant mais pacifique à travers le pays, le tableau est sombre : 383 personnes, notamment 13 mineur·e·s, sont visées par des accusations forgées de toutes pièces, pour s’être simplement rassemblées et exprimées », a déclaré Emerlynne Gil, directrice régionale adjointe pour la recherche à Amnesty International.

« Les autorités thaïlandaises ont mené tout au long de l’année écoulée une campagne systématique visant à sanctionner des personnes qui souhaitaient simplement exprimer leurs opinions de manière pacifique. Nous continuons à exhorter les autorités à repenser leur approche et à résoudre plutôt la situation en respectant véritablement les droits humains.

« Il est par ailleurs choquant que les autorités refusent systématiquement d’accorder une libération sous caution à des manifestant·e·s pacifiques connus, qui sont incarcérés depuis le 9 février 2021 et sont accusés de diverses infractions pénales pour avoir partagé leur opinion.

« Les autorités doivent immédiatement abandonner les poursuites ouvertes pour des motifs politiques contre des manifestant·e·s pacifiques, parmi lesquels figurent des mineur·e·s. Elles doivent relâcher tous les manifestant·e·s et dirigeant·e·s non violents se trouvant encore en détention, mener de véritables enquêtes sur les cas répétés de recours à une force injustifiée et excessive, et garantir que les opérations de maintien de l’ordre durant ces manifestations soient conformes aux normes internationales », a déclaré Emerlynne Gil.

Réaction brutale aux manifestations récentes

Dimanche 28 février, des canons à eau, des matraques, du gaz lacrymogène et des balles en caoutchouc ont été utilisés contre des centaines de manifestant·e·s qui se dirigeaient vers la résidence actuelle de Prayut Chan-o-Cha, le Premier ministre, à Bangkok. Le centre médical Erawan a déclaré [1] avoir recensé 33 personnes qui avaient été blessées durant la manifestation (23 représentants des forces de l’ordre et 10 manifestant·e·s), tandis que plus de 100 manifestant·e·s ont signalé avoir été blessés.

En tout, 23 personnes ont semble-t-il été arrêtées ; quatre mineurs âgés de 15 et 16 ans, et quatre autres jeunes gens âgés de 18 ans figureraient parmi elles. Certains ont été placés en détention au siège de la police des frontières de la région 1, dans la province de Pathum Thani.

Selon Thai Lawyers for Human Rights, au moins 130 personnes ont été placées en détention dans cet établissement entre le 13 octobre 2020 et le 1er mars 2021, sans avoir été inculpées et sans qu’une autorité judiciaire n’ait été notifiée.

Pas de libération sous caution pour les responsables présumés du mouvement, tandis que les charges s’accumulent

Depuis que l’État d’urgence a été décrété le 26 mars 2020, des centaines de manifestant·e·s ont été accusés d’infractions pénales forgées de toutes pièces, du fait de leur participation à des manifestations politiques qui ont gagné en ampleur ces 12 derniers mois.

Plus de 380 personnes arrêtées ont été inculpées sur la base de dispositions généralement invoquées afin d’ériger en infraction les manifestations pacifiques - notamment des dispositions sur la sédition et sur les rassemblements présentant un risque de violences (sections 116 et 215 du Code pénal, respectivement), et sur la violation de l’interdiction des rassemblements publics, en vertu du décret sur l’état d’urgence et de la Loi sur les rassemblements publics.

D’après Thai Lawyers for Human Rights, depuis novembre 2020, quand les autorités ont annoncé qu’elles rétablissaient le crime de lèse-majesté - ou diffamation royale - dans la section 112 du Code pénal, 61 personnes ont été inculpées. Elles encourent jusqu’à 15 ans de prison pour diffamation.

Arnon Nampa, Parit Chiwarak, Patiwat Saraiyaem et Somyot Prueksakasemsuk se trouvent toujours en détention et doivent répondre d’accusations de lèse-majesté pour avoir participé à deux manifestations en 2020. Leurs demandes de remise en liberté sous caution ont été rejetées depuis leur arrestation le 9 février.

Complément d’information

En vertu du droit international relatif aux droits humains et des normes en matière de maintien de l’ordre, les responsables de l’application des lois doivent autant que possible intercepter et isoler les personnes commettant des actes violents, mais ils ne doivent pas gêner celles qui souhaitent continuer à manifester pacifiquement. Les policiers peuvent employer la force, mais seulement lorsque cela est absolument nécessaire, et dans les limites requises par l’exercice de leurs fonctions. Le recours a la force doit uniquement avoir pour objectif l’arrêt des violences, et doit être exercé avec la plus grande retenue afin de limiter le risque de blessures et de préserver le droit à la vie.

Depuis l’imposition de l’état d’urgence le 26 mars 2020, les autorités continuent à arrêter et à poursuivre des personnes ayant pris part à des manifestations et à d’autres activités non violentes. Des manifestant·e·s ont signalé de nombreux actes de harcèlement et d’intimidation de la part de policiers, au seul motif de leur implication dans des actions de protestation pacifiques, notamment les rassemblements étudiants non violents en faveur d’une nouvelle Constitution, de la démission du gouvernement, de réformes monarchiques, et de la fin du harcèlement à l’égard de l’opposition.

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