Au Togo, le taux de mortalité infantile est de 43 décès pour 1, 000 enfants nés vivants, et le taux de mortalité néonatale, qui concerne les nourrissons morts avant d’avoir atteint l’âge de 28 jours, est de 24 décès pour 1,000 enfants nés vivants, selon l’UNICEF. Le taux de mortalité maternelle est également élevé au Togo, avec 399 décès de mères pour 1 00,000 naissances vivantes.
« Les autorités togolaises ont pris des initiatives pour rendre plus abordables les soins de santé maternelle, mais il est essentiel qu’elles mettent en place de nouvelles mesures pour que les femmes enceintes puissent accoucher de façon digne dans des établissements où elles recevront une aide et des soins appropriés », a déclaré Aimé Adi, directeur d’Amnesty International Togo.
La délégation d’Amnesty International a mené des entretiens avec 21 personnes, dont 13 patientes, quatre sages-femmes et quatre médecins, dans cinq établissements de santé situés à Lomé, la capitale, et à Aného, une ville du sud-est du Togo, en février et mars 2023.
Dans la plupart des établissements de santé, la délégation d’Amnesty International a observé un manque de personnel, des équipements délabrés et une mauvaise qualité des soins.
Le droit à la santé est garanti par l’article 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, l’article 16 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, l’article 14 de son protocole additionnel relatif aux droits des femmes, et l’article 16 de la Constitution togolaise. L’article 97 du Code de la santé du Togo prévoit que « toute femme enceinte a le droit de bénéficier d’un bon suivi de sa grossesse, d’un accouchement sécurisé et de soins postnatals aussi bien pour elle-même que pour son enfant ».
Manque de personnel et équipement médical inadéquat
Les services de maternité qui ont été visités manquaient de personnel, d’équipements adéquats et d’infrastructures sanitaires. En conséquence, les quelques sage-femmes employées par ces services avaient beaucoup de mal à faire face à une charge de travail excessive. Trois sage-femmes ont dit à Amnesty International qu’elles sont parfois de garde pendant plus de 15 heures. Selon le Fonds des Nations unies pour la population, le Togo ne compte que deux sage-femmes pour 10, 000 habitantes.
Une des responsables d’une organisation des praticiens de la santé au Togo a dit à Amnesty International que le manque de sage-femmes résulte de l’absence de concours de recrutement De plus, on constate un nombre très restreint de gynécologues dans les hôpitaux publics.
Une gynécologue a déclaré à Amnesty International : « Les gynécologues sont souvent épuisés. Nous sommes à la fois en consultation, au bloc, sur les accouchements compliqués… Pour cette raison, les gynécologues sont rares dans le public. Ils vont dans le privé pour gagner à hauteur de l’énergie investie. Par exemple, il n’y en a que deux à l’hôpital public de Bè. Dans certains centres, il y a des blocs mais pas de gynécologues. »
Sur les réseaux sociaux, le secrétaire général du Syndicat national des praticiens hospitaliers du Togo a indiqué que sur 127 gynécologues inscrits à l’Ordre national des médecins du Togo, seuls 25 travaillaient dans des hôpitaux publics.
« Les gynécologues sont souvent épuisés. Nous sommes à la fois en consultation, au bloc, sur les accouchements compliqués… Pour cette raison, les gynécologues sont rares dans le public. Ils vont dans le privé pour gagner à hauteur de l’énergie investie. Par exemple, il n’y en a que deux à l’hôpital public de Bè. Dans certains centres, il y a des blocs mais pas de gynécologues. »
Tous les services de maternité visités manquaient également d’équipements de base nécessaires pour recevoir les patientes et assurer les soins. Dans un des centres médico-sociaux (CMS) de Lomé, la délégation d’Amnesty International a constaté que les tables d’examen étaient en piteux état dans la salle de consultation anténatale, et en raison du manque de lampes scialytiques, les sage-femmes devaient utiliser la lampe torche de leur téléphone portable pendant les consultations.
Une sage-femme du CMS a dit que le centre ne disposait que d’une seule table d’accouchement, et que plusieurs appareils et instruments fonctionnaient mal ou étaient défectueux ou en nombre insuffisant, notamment en ce qui concerne les ballons de réanimation, les aspirateurs de mucosités et les ciseaux à épisiotomie.
Au Centre Hospitalier Universitaire Sylvanus Olympio, où Amnesty International s’est également rendu, une sage-femme a déclaré : « On voit des femmes qui accouchent par terre, sur un matelas, et parfois même sur un simple drap quand il n’y a pas de matelas. Il y a des tables d’accouchement neuves, mais il y en a aussi de vieilles qui sont en mauvais état et moisies. »
« On voit des femmes qui accouchent par terre, sur un matelas, et parfois même sur un simple drap quand il n’y a pas de matelas. Il y a des tables d’accouchement neuves, mais il y en a aussi de vieilles qui sont en mauvais état et moisies. »
Des relations tendues entre le personnel et les patientes
Le manque d’équipement et de personnel nuisent également à la qualité des soins dispensés aux patientes pendant les consultations prénatales et l’accouchement.
Une patiente a déclaré à Amnesty International : « En pédiatrie, il n’y a pas toujours de place quand une mère veut y amener son enfant. Nous avons dû acheter une chaise. Parfois, les femmes sont contraintes de rester debout avec leurs enfants. »
Les mauvaises conditions de travail ont aussi un impact négatif sur les relations entre les patientes et le personnel. Plusieurs patientes ont dit à Amnesty International qu’elles avaient été agressées verbalement ou humiliées par le personnel.
Une sage-femme a dit à Amnesty International : « Nous sommes débordées, nous ne pouvons pas donner le meilleur de nous-mêmes, cela se répercute sur les patientes, nous ne les accueillons pas correctement et nous pouvons faire des erreurs dans notre travail. Certaines tâches sont déléguées à des étudiants qui font des erreurs. »
« Nous sommes débordées, nous ne pouvons pas donner le meilleur de nous-mêmes, cela se répercute sur les patientes, nous ne les accueillons pas correctement et nous pouvons faire des erreurs dans notre travail. Certaines tâches sont déléguées à des étudiants qui font des erreurs. »
Des sage-femmes ont également dit à Amnesty International qu’elles subissent fréquemment des agressions verbales et parfois même physiques de la part de patientes ou de leurs proches.
Accès à des soins médicaux abordables
En août 2021, les autorités togolaises ont amélioré l’accès des femmes aux services de santé maternelle avec la création d’un programme national d’accompagnement de la femme enceinte et du nouveau-né baptisé « Wezou » (vie), qui vise à « réduire les taux de mortalité maternelle et néonatale » en permettant aux femmes d’avoir accès aux services de santé maternelle à moindres frais.
Amnesty International a constaté que ce programme avait une grande visibilité dans les services de maternité qu’elle a visités, et plusieurs patientes ont dit en avoir bénéficié.
Cependant, en amont du lancement de Wezou, des sites web officiels avaient annoncé que ce programme allait « rendre les soins de santé gratuits pour les femmes enceintes ». En pratique, seuls certains services sont gratuits, et seulement pour les femmes âgées de plus de 18 ans. Les antibiotiques qui sont souvent prescrits après l’accouchement ne sont pas couverts par le programme Wezou.
Si le programme Wezou représente une importante avancée, des améliorations sont encore nécessaires. Amnesty International appelle les autorités togolaises à respecter, protéger et réaliser le droit à la santé, en veillant à ce qu’un personnel médical qualifié suffisant soit disponible pour les patientes. Elles doivent également veiller à ce que les programmes visant à rendre les soins de santé abordables s’adressent à toutes les personnes, sans discrimination, et à consacrer 15 % du budget de l’État au secteur de la santé, conformément aux dispositions de la Déclaration d’Abuja adoptée par l’Union africaine en 2001.
« Les autorités togolaises doivent s’efforcer d’améliorer l’accès aux soins de santé, en particulier en ce qui concerne la qualité des équipements et des soins dans les centres de santé maternelle », a déclaré Fabien Offner, chercheur au bureau d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et centrale.