Ukraine, des armes à sous-munitions tuent notamment un enfant

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Dans le nord-est de l’Ukraine, une école maternelle a été touchée dans la matinée du 25 février par des armes à sous-munitions largement interdites, alors que des civils s’étaient réfugiés à l’intérieur, tuant trois d’entre eux, dont un enfant, et blessant un autre enfant, a déclaré Amnesty International le 27 février 2022. L’attaque semble avoir été menée par les forces russes, qui opéraient dans le secteur, et qui ont des antécédents s’agissant d’utiliser des armes à sous-munitions dans des zones d’habitation.

Amnesty International a confirmé qu’une roquette Ouragan de 220 mm a largué des armes à sous-munitions sur la crèche et l’école maternelle Sonetchko, dans la ville d’Okhtyrka, dans l’oblast de Soumy. Des habitant·e·s s’étaient réfugiés à l’intérieur pour se mettre à l’abri des combats. Cette frappe peut constituer un crime de guerre.

« Rien ne saurait justifier le largage d’armes à sous-munitions dans des zones peuplées, et encore moins à proximité d’une école, a déclaré Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International. Cette attaque porte la marque de fabrique de l’usage par la Russie de ces armes qui, par nature, frappent sans discrimination et sont interdites au niveau international, témoignant d’un mépris flagrant pour la vie des civils. »

En violation de l’interdiction des attaques menées sans discernement, cette frappe a endommagé une école, structure qui a légalement droit à une protection spéciale. En vertu de la Convention de 2008 sur les armes à sous-munitions – un traité soutenu par plus de 100 États, mais auquel l’Ukraine et la Russie n’ont pas adhéré – l’utilisation, le développement, la production, l’acquisition, le stockage et le transfert d’armes à sous-munitions sont interdits en toutes circonstances. Le droit international humanitaire coutumier interdit l’utilisation d’armes non discriminantes par nature telles que les armes à sous-munitions. Lancer des attaques aveugles qui tuent ou blessent des civil·e·s constitue un crime de guerre.

« Le droit international humanitaire coutumier interdit l’utilisation d’armes non discriminantes par nature telles que les armes à sous-munitions »

Des images vidéos [1] du site prises par drone montrent que des armes à sous-munitions ont eu au moins sept impacts, sur le bâtiment ou à proximité : quatre sur le toit et trois dans l’allée juste devant l’école. On peut également voir sur les images deux civils blessés ou morts, ainsi que des mares de sang. Amnesty International s’est procurée 65 photos et vidéos supplémentaires auprès d’une source locale, qui montrent plus de détails de la scène, des victimes et des membres de leur famille, ainsi que des dégâts causés à l’école.

« Alors que je marchais [avec] ma femme, il y a eu des explosions immédiates, a raconté un homme âgé à un contact travaillant avec Amnesty International. Vous voyez, tout le monde est couvert de sang, tout. Regardez ça… [juron], ça me fend le cœur que ce soit une école maternelle. Sur quoi ils tirent ? Sur des objectifs militaires ? Où sont-ils ? »

La roquette Ouragan de 220 mm, une 9M27K ou une 9M27K1, transporte 30 sous-munitions de type 9N210 ou 9N235, qui sont quasi identiques et ne diffèrent que par la durée du délai de leur mécanisme d’autodestruction. Les sept impacts sur l’école et à proximité montrent des dégâts, notamment des débris distinctifs sur le sol, qui correspondent à des dommages causés par des armes à sous-munitions de type 9N210 ou 9N235.

Comme l’a signalé en premier Bellingcat, groupe d’investigation open source, des restes de la coiffe et du compartiment de chargement de la roquette 9M27K ont été découverts à 200 mètres à l’est. Des informations de source ouverte [2] indiquent que des forces russes se trouvaient au moment de l’attaque à l’ouest d’Okhtyrka, point de départ de la roquette d’après la trajectoire de vol. Une aire de stockage logistique située à 300 mètres au nord de l’école pourrait avoir été la cible de l’attaque. Cependant, les systèmes de lance-roquettes multiples (MLRS), comme les roquettes Ouragan de 220 mm utilisées dans cette attaque, sont non guidés et notoirement imprécis, et ne devraient jamais être utilisés dans des zones civiles.

« En vertu du droit international humanitaire, les établissements d’enseignement ont droit à des protections renforcées »

En outre, parce qu’elles dispersent des munitions sur une vaste zone et ont un taux de ratés extrêmement élevé pouvant atteindre 20 % – et en raison de la menace qui en résulte pour les civil·e·s – les bombes à sous-munitions sont des armes non discriminantes par nature qui sont interdites au niveau international en vertu d’un traité soutenu par plus de 100 États [3]. L’utilisation de ces armes viole l’interdiction des attaques aveugles.

Attaques contre des écoles

Il s’agit de la quatrième attaque dans le cadre de ce conflit frappant une école qu’Amnesty International a été en mesure de vérifier.

Le 17 février, lors d’une intensification des pilonnages le long de la ligne de contrôle, les forces soutenues par la Russie ont frappé une école maternelle dans la localité de Stanytsia Louhanska, blessant trois civils. Dans la soirée du 25 février, un missile a endommagé l’école n° 48 à Marioupol, soufflant les fenêtres et grêlant les murs de fragments de métal. Enfin, le 26 février, une arme explosive, sans doute un obus d’artillerie, a frappé le deuxième étage d’une école maternelle à Tchernihiv, déclenchant un incendie qui a probablement été détecté par des capteurs VIIRS à bord de satellites environnementaux.

La photographie infrarouge fausses couleurs met en évidence l’incendie visible sur les images prises le 26 février 2022 à 8h49 TU. Les capteurs environnementaux à bord des satellites NASA/NOAA ont également détecté à deux reprises des points chauds à Tchernihiv le 26 février 2022. L’un d’entre eux se trouve à proximité de l’école géolocalisée.

En vertu du droit international humanitaire, les établissements d’enseignement ont droit à des protections renforcées tant qu’ils ne sont pas utilisés à des fins militaires (aucune des écoles touchées lors des frappes recensées par Amnesty International ne semble avoir été utilisée à de telles fins). Les parties à un conflit sont tenues de prendre des précautions particulières afin d’éviter de les détruire ou de les endommager, une exigence que les forces russes ne semblent pas respecter, à en juger par le nombre croissant d’attaques.

En 2019, l’Ukraine a approuvé la Déclaration sur la sécurité dans les écoles [4], qui englobe des engagements visant à renforcer la protection des écoles pendant les conflits armés et à restreindre leur utilisation à des fins militaires. Toutes les parties au conflit actuel doivent respecter cette Déclaration et ses Lignes directrices [5].

« Cette attaque doit faire l’objet d’une enquête en tant que crime de guerre »

« C’est totalement révoltant de voir une attaque menée sans discrimination contre une crèche et une école maternelle où des civil·e·s s’étaient réfugiés. Purement et simplement, cette attaque doit faire l’objet d’une enquête en tant que crime de guerre, a déclaré Agnès Callamard.

« Tandis que cette tragédie humaine se déroule en Ukraine, toute personne qui commet des crimes de guerre doit être tenue individuellement responsable devant la Cour pénale internationale (CPI) ou un autre système de justice pénale internationale, au niveau national ou international. Il est impératif que les États membres de l’ONU et la CPI examinent de toute urgence comment assurer la collecte et la conservation rapides et efficaces des éléments attestant de crimes de droit international commis en Ukraine. »

Bien que la Russie et l’Ukraine ne soient pas parties à la CPI, l’Ukraine a accepté en 2015 la compétence de la Cour sur les crimes qui auraient été commis sur son territoire depuis le 20 février 2014.

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