Un militant brésilien fait appel d’une peine d’emprisonnement « motivée par des considérations politiques »

Un tribunal brésilien doit examiner en début de semaine prochaine un recours formé par un éminent avocat spécialiste des droits humains, alors que des violences visent actuellement les militants en faveur de la réforme agraire.

José Batista Gonçalves Afonso, avocat et militant dans l’État du Pará (nord du Brésil), pourrait être emprisonné pendant plus de deux ans en raison du rôle mineur qu’il a joué dans des événements survenus lors d’une manifestation d’ouvriers agricoles sans terre il y a plus de dix ans.

Au moment où il fait appel de cette condamnation, cinq militants des droits fonciers ont été abattus dans des circonstances suspectes en Amazonie brésilienne au cours du dernier mois écoulé.


« Tout porte à croire que le procès de José Batista est motivé par des considérations politiques et que son incarcération pourrait avoir des conséquences désastreuses sur les défenseurs des droits humains au Brésil,
a déclaré Patrick Wilcken, spécialiste du Brésil au sein d’Amnesty International.

« La peine proposée est extrêmement sévère, étant donné les circonstances. Ce n’est pas une coïncidence si José Batista est un défenseur des droits humains renommé dans un État réputé pour la violence et l’impunité. »

En mars et avril 1999, quelque 10 000 ouvriers agricoles sans terre ont organisé une manifestation en faveur de la réforme agraire devant les locaux de l’organisme fédéral chargé de celle-ci à Marabá, dans l’État du Pará. Après 20 jours de protestation, certains sont entrés dans le bâtiment et ont empêché les employés d’en sortir pendant une nuit.

José Batista, étudiant en droit à l’époque, se trouvait à l’intérieur avec une équipe de négociateurs représentant les ouvriers agricoles. Lui et d’autres personnes ont été inculpés de « séquestration » des employés de l’organisme.

Le droit brésilien prévoit des peines de substitution dans ce type de cas, et José Batista a dans un premier temps été condamné à une peine moins sévère qui ne comportait pas de période d’emprisonnement. Cependant, un juge fédéral de Marabá a annulé ce jugement en 2008 et l’a condamné à deux ans et cinq mois de prison – peine dont il fait aujourd’hui appel.

En tant qu’avocat de la Commission pastorale de la terre (CPT), une ONG nationale, José Batista a souvent représenté des paysans sans terre et des militants ruraux contre de gros propriétaires terriens.

Il a travaillé sur des affaires très médiatisées, notamment le massacre de 19 paysans sans terre à Eldorado dos Carajás en 1997, le meurtre de la religieuse américaine Dorothy Stang en 2005 et les récents homicides de deux militants écologistes, José Cláudio Ribeiro da Silva et son épouse Maria do Espírito Santo.

Il a été menacé de mort à maintes reprises en raison de son travail.

D’après la CPT, les litiges fonciers au Brésil ont été à l’origine de plus de 1 000 meurtres depuis les années 1970, dont très peu ont donné lieu à des poursuites concluantes. Il n’est pas rare que de gros propriétaires terriens engagent des hommes de main pour intimider et tuer des militants des droits fonciers.

« Aujourd’hui au Brésil, des dizaines de défenseurs des droits humains voient leur tête mise à prix, a ajouté Patrick Wilcken.

« Dans de nombreux cas, non seulement les autorités manquent à leur devoir de les protéger et d’enquêter sur les menaces dont ils font l’objet, mais en plus elles utilisent de facto les tribunaux pour les harceler et ériger l’opposition en infraction. »

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