Yémen, Le Conseil de transition du Sud doit libérer un avocat défenseur des droits humains

Sami Yassin Kaid Marsh

Les autorités de facto du Conseil de transition du Sud (CTS) doivent libérer immédiatement et sans condition l’avocat spécialiste des droits humains Sami Yassin Kaid Marsh, détenu arbitrairement sans inculpation depuis quatre mois simplement en raison de son travail en faveur de l’obligation de rendre des comptes et de la justice pour les violations des droits humains commises au Yémen, a déclaré Amnesty International le 20 mars 2024.

Le 16 novembre 2023, les forces de sécurité du Conseil de transition du Sud (CTS) ont agressé physiquement et placé en détention arbitraire Sami Yassin alors qu’il quittait son travail au Conseil supérieur de la magistrature et à l’Inspection judiciaire, à Khormaksar, dans le gouvernorat d’Aden. Il a alors été détenu pendant près de quatre mois au camp militaire d’al Nasr, un centre de détention non officiel placé sous le commandement des forces du Cordon de sécurité. Selon des lettres de Sami Yassin qui ont été divulguées, il a été torturé et placé à l’isolement pendant sa détention. Le 6 mars, il a été transféré à la prison de Bir Ahmad à Aden, où il se trouve encore à ce jour ; les craintes sont vives quant à son état de sa santé depuis qu’une photo diffusée début mars le montrait allongé sur un lit d’hôpital.

Tout au long de sa détention, il a été détenu au secret et s’est vu refuser le droit de contacter et de rencontrer sa famille ou un représentant légal.

« Il est honteux que Sami Yassin soit puni pour avoir fait son travail en défendant des victimes de violations des droits humains. Sa détention arbitraire, la torture et son maintien prolongé à l’isolement illustrent jusqu’où les autorités de facto du Conseil de transition du Sud (CTS) sont prêtes à aller pour faire taire les défenseur·e·s des droits humains, a déclaré Grazia Careccia, directrice régionale adjointe d’Amnesty International pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.

« Le CTS doit libérer immédiatement et sans condition Sami Yassin. Dans l’attente de sa libération, il doit être protégé contre la torture et les mauvais traitements, bénéficier sans délai de soins médicaux adaptés et être autorisé à s’entretenir régulièrement avec sa famille et son avocat. »

Détenu au secret et placé à l’isolement

Son frère, qui est également l’un de ses avocats, a indiqué à Amnesty International qu’avant sa détention, Sami Yassin a reçu plusieurs menaces de responsables des autorités judiciaires et de sécurité affiliées au CTS en raison de son travail, notamment pour avoir suivi le dossier d’un détenu mort en détention en juin 2023 et le cas d’Ahmad Maher, journaliste arbitrairement incarcéré.

La famille a appris de sources non officielles à l’intérieur du camp militaire d’al Nasr, puis par des lettres de Sami Yassin qui ont fuité, que pendant sa détention dans ce camp, il avait été placé à l’isolement et soumis à la torture et aux mauvais traitements – notamment roué de coups et interrogé pendant des périodes prolongées la nuit.

La détention à l’isolement prolongée ou pour une durée indéterminée s’apparente à la torture ou à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants au titre des règles Nelson Mandela, et ne doit être imposée sous aucun prétexte.

Selon sa famille, le 14 décembre 2023, les forces militaires ont effectué une descente au domicile et au bureau de Sami Yassin sans mandat et ont confisqué ses dossiers et des documents personnels.

Le 29 novembre 2023, l’avocat de Sami Yassin a déposé une plainte auprès du parquet d’Aden sud pour enquêter sur son agression et sa détention arbitraire au camp d’al Nasr. Un rapport d’enquête du parquet d’Aden sud examiné par Amnesty International précise qu’un membre du parquet a tenté de rencontrer Sami Yassin lors d’une visite au camp d’al Nasr le 3 décembre, mais des militaires l’en ont empêché sous prétexte que l’interrogatoire était toujours en cours et que son dossier avait été transféré au parquet pénal. Toutefois, il n’a toujours pas été inculpé.

Selon sa famille, le 14 décembre 2023, les forces militaires ont effectué une descente au domicile et au bureau de Sami Yassin sans mandat et ont confisqué ses dossiers et des documents personnels. Deux jours plus tard, son épouse a été convoquée par le parquet pénal spécial, à Aden. Au cours de l’interrogatoire, elle a été questionnée sur le travail de son mari, a subi des actes d’intimidation et a été menacée d’arrestation et de nouvelles représailles contre son mari si elle ne coopérait pas avec le parquet pénal ou si elle parlait de l’affaire aux médias.

L’état de santé de Sami Yassin se détériore

Début mars, la famille de Sami Yassin a reçu une photo divulguée sur laquelle il apparaissait affaibli, allongé sur un lit d’hôpital. La source a indiqué à la famille qu’il vomissait constamment et souffrait.

Le 10 mars, son avocat a déposé une demande auprès du bureau du procureur général afin que Sami Yassin soit examiné par un comité médical ou transféré dans un hôpital, et qu’un rapport médical établissant un diagnostic clair sur son état de santé et la cause de sa détérioration soit présenté à l’accusation. À ce jour, cela n’a pas été fait.

« L’arrestation et la détention arbitraires de Sami Yassin constituent une attaque contre les professions juridiques au Yémen et en particulier contre les avocats qui continuent de défendre avec courage les droits humains, a déclaré Grazia Careccia.

« Les autorités de facto du Conseil de transition du Sud (CTS) doivent veiller à ce que les avocats puissent exercer librement leur profession, sans subir de harcèlement, de menaces ni de représailles. »

Complément d’information

Amnesty International a examiné des documents juridiques, notamment une plainte déposée par l’avocat de Sami Yassin auprès du procureur général, une action en justice intentée par son avocat contre le chef du parquet pénal spécial d’Aden, et une action en justice contre le procureur pénal adjoint. Elle a également examiné une lettre de la branche de Taizz de l’Association du barreau yéménite adressée au procureur général, ainsi qu’un rapport d’enquête du parquet d’Aden sud. Enfin, elle a écouté les menaces proférées à l’encontre de Sami Yassin dans des messages vocaux enregistrés sur son téléphone et a examiné des lettres divulguées qu’il a écrites à sa famille, qui n’ont pas pu être vérifiées de manière indépendante.

La détention arbitraire constitue une violation du Code de procédure pénale du Yémen et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel le Yémen est partie.

Toutes les parties au conflit, y compris les autorités de facto du CTS, le gouvernement reconnu par la communauté internationale et les autorités houthies de facto, se livrent à des détentions arbitraires, des disparitions forcées, des actes de harcèlement, des actes de torture et d’autres mauvais traitements, ainsi qu’à des procès iniques.

Dans un rapport publié en 2018, Amnesty International expose les cas de 51 hommes détenus dans un réseau de prisons secrètes par les Émirats arabes unis et par les forces de sécurité yéménites soutenues par les Émirats arabes unis dans le sud du Yémen, qui opèrent en dehors du commandement du gouvernement du pays. Dans la grande majorité des cas, il s’agissait de disparitions forcées.

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