Des manifestations de masse

Des manifestations de masse ont eu lieu dans tout le pays peu après l’annonce par le gouvernement de nouvelles taxes, le 17 octobre. Fait sans précédent, des dizaines de milliers de manifestants pacifiques de différentes religions et couches sociales se sont rassemblés dans les villes à travers le pays pour protester contre la corruption de la classe politique, et demander des réformes sociales et économiques.

Brandissant le drapeau libanais, la foule a réclamé la « chute du régime », de nombreuses personnes scandant le slogan « Tous, c’est-à-dire tous », qui fait référence à des représentants de premier plan de diverses sectes religieuses qui dominent la scène politique libanaise depuis plusieurs décennies.

Le mécontentement à l’égard du gouvernement et de l’élite politique couvait et grandissait depuis plusieurs années. La colère de la population a pris de l’ampleur ces dernières années en raison des coupures d’eau et d’électricité, et de l’incapacité du gouvernement à gérer les ordures et les crises économiques dans le pays.

Le gouvernement a tenté de calmer les manifestants en annonçant des réformes, mais les manifestations ont continué à Beyrouth, Tripoli, Zouk, Jal el Dib, Saïda, Nabatiyé, Sour et Zahlé. Le 13e jour des manifestations, le Premier ministre Saad Hariri a annoncé sa démission.

Les manifestant-es font entendre leur voix de façon pacifique. Les autorités ont l’obligation de protéger ce droit.

Lynn Maalouf, d’Amnesty International

Des barrages routiers légitimes

Dans tout le Liban, des manifestants ont bloqué de grands axes routiers dans le cadre de leurs rassemblements pacifiques. Le droit dont disposent les manifestants pacifiques de protester sur les routes et de bloquer des axes routiers a systématiquement été protégé par les organes internationaux de défense des droits humains, qui considèrent l’espace urbain comme un lieu où l’on peut légitimement manifester. Le rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association a déclaré qu’« il ne faut pas privilégier automatiquement la circulation à la liberté de réunion pacifique ».

Violations commises par les autorités libanaises

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Violations commises par les autorités

Les manifestants pacifiques ne sont pas protégés

Amnesty International a rassemblé des informations montrant que les forces de sécurité libanaises se sont abstenues à plusieurs reprises d’intervenir de façon efficace pour protéger des manifestants attaqués par des partisans du mouvement Amal et du Hezbollah, au pouvoir.

Des témoins ont dit que le 18 octobre, à Sour, dans le sud du pays, des membres de l’armée ont visiblement permis à des partisans armés du mouvement Amal d’agresser des manifestants pacifiques. Et le 23 octobre, à Nabatiyé, dans le sud du pays, plusieurs dizaines d’hommes armés de bâtons et de matraques ont attaqué les participants à un sit-in, frappant et dispersant ces manifestants.

Quelques jours plus tard, le 29 octobre, les forces de sécurité libanaises ne sont pas intervenues de façon adéquate quand des partisans du Amal et du Hezbollah ont frappé et chassé des manifestants et mis le feu à leurs tentes, sur l’autoroute périphérique de Beyrouth.

Les membres des forces armées ont l’obligation de veiller au respect des droits des manifestants pacifiques, ce qui comprend l’obligation de protéger les manifestants pacifiques contre les attaques de protestataires rivaux.

Ils ont commencé à frapper les manifestants avec leurs bâtons et à nous pousser, ils ont essayé de me frapper [...] Les forces de sécurité étaient présentes, mais elles sont restées à l’écart.

Fatima, enseignante à Nabatiyé

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© MAHMOUD ZAYYAT/AFP via Getty Images

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© AFP via Getty Images

Recours excessif à la force

Les manifestations au Liban ont été globalement pacifiques et la réaction de l’armée et des forces de sécurité a été largement refrénée. Cependant, Amnesty International a rassemblé des informations sur des cas de recours excessif à la force, notamment sur un cas de tirs à balles réelles sur des manifestants pacifiques.

Le 18 octobre, dans le centre-ville de Beyrouth, peu après le discours du Premier ministre Saad Hariri, les forces de sécurité ont utilisé une force excessive pour disperser des manifestants, tirant d’énormes quantités de gaz lacrymogènes sur la foule et pourchassant les protestataires dans les rues et ruelles en les mettant en joue et en les frappant.

Le 23 octobre, des membres de l’armée et du service du renseignement libanais ont utilisé une force excessive pour disperser des manifestants qui avaient bloqué la principale autoroute qui mène à Saïda, dans le sud du pays. Des fonctionnaires équipés de boucliers antiémeutes ont commencé à déloger par la force les manifestants qui étaient assis par terre avec les bras levés en l’air en signe d’intentions pacifiques, les emmenant et les menottant. Ils ont aussi frappé des manifestants à coups de pied et de matraque.

J’ai vu qu’il me visait alors que je lançais des pierres, et j’ai crié ne tirez pas ! Je ne lancerai plus de pierres […] mais il a tiré sur moi quatre fois, à l’estomac.

Mohammed al Abdallah, un manifestant touché à l’abdomen, à Beddawi

La plus violente démonstration de force enregistrée depuis le début des manifestations a eu lieu le 26 octobre dans le secteur de Beddawi, près de Tripoli, dans le nord du Liban : l’armée a ouvert le feu sur plusieurs dizaines de manifestants participant à un sit-in. Des soldats qui essayaient de dégager la route ont commencé à frapper les manifestants, qui ont réagi en lançant des pierres sur eux. Les soldats ont alors ouvert le feu à balles réelles, blessant grièvement deux manifestants au moins. Quatre personnes ont été illégalement détenues pendant six jours par l’armée avant d’être relâchées. Personne ne savait où elles se trouvaient, et elles ont été privées de la possibilité de communiquer avec un avocat et avec leurs proches, et de ce fait il pourrait s’agir d’une disparition forcée au regard du droit international.

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LES PRINCIPALES DEMANDES D’AMNESTY

 L’armée et les forces de sécurité doivent cesser de recourir à une force excessive contre les manifestants pacifiques

 La justice doit ordonner une enquête indépendante et impartiale sur l’utilisation illégale de la force

 Les forces de sécurité doivent protéger les manifestants pacifiques contre les actes d’intimidation et les violentes attaques

 Les autorités doivent mettre fin aux arrestations illégales et respecter les droits des personnes reconnus par la législation

© JOSEPH EID/AFP via Getty Images

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