L’Europe aide les États-unis avec leurs drones meurtriers

Depuis le début de la « guerre contre le terrorisme », les États-Unis ont mené plusieurs centaines de frappes de drones meurtrières dans au moins sept pays (Afghanistan, Pakistan, Libye, Yémen, Somalie, Irak et Syrie).

Selon le Bureau of Investigative Journalism [1], jusqu’à 1 551 civils ont été tués par des attaques de drones menées par les États-Unis en Afghanistan, au Pakistan, en Somalie et au Yémen depuis 2004. Amnesty International et d’autres organisations ont montré que certaines frappes de drones ont violé le droit international, et qu’elles pourraient constituer des exécutions extrajudiciaires ou des crimes de guerre.

Comme les informations relatives aux attaques de drones sont entourées du plus grand secret, vous ne savez probablement pas que plusieurs États européens fournissent une assistance essentielle pour le programme de drones des États-Unis.

Le fait est que les opérateurs de drones recourent à un vaste réseau de partage d’informations, d’infrastructures de communication et de surveillance qui couvre un territoire allant de la mer du Nord jusqu’à la Corne de l’Afrique. Voici notre guide des points névralgiques de ce système :

ROYAUME-UNI

Les informations fournies par le Royaume-Uni sont essentielles pour les opérations menées avec des drones. Le Royaume-Uni tient à préciser qu’il ne mène des frappes de drones que dans des zones de conflit déterminées, mais les médias et des ONG ont montré que les États-Unis utilisent des renseignements obtenus au moyen des systèmes de surveillance du Royaume-Uni, notamment des communications interceptées, pour choisir les cibles d’attaques de drones dans des secteurs situés en dehors d’une zone de conflit au Yémen [2] et au Pakistan [3].

De plus, le programme de drones des États-Unis utilise les infrastructures de communication et de renseignement de quatre bases militaires au moins au Royaume-Uni, d’une importance cruciale pour ses opérations. L’une de ces bases, la RAF Croughton, dispose d’une liaison de communication par fibre optique avec le Camp Lemonnier, une base militaire américaine située à Djibouti et depuis laquelle sont opérées la plupart des frappes de drones menées au Yémen et en Somalie.

ALLEMAGNE

La base aérienne de Ramstein est une importante base des forces aériennes américaines située dans le sud-ouest de l’Allemagne. Elle joue un rôle crucial dans le programme de drones des États-Unis, car elle est au centre d’un réseau complexe d’installations à travers les États-Unis et dans le monde entier.

La base de Ramstein abrite en outre un système de géolocalisation baptisé GILGAMESH [4] qui, d’après certaines informations, est d’une importance cruciale pour le programme de drones des États-Unis. GILGAMESH permet en effet de transformer un dispositif fixé au fond d’un drone en faux récepteur de téléphone portable, qui force le signal du téléphone portable d’une cible à se connecter à ce dispositif, sans que cette dernière le sache. Cela permet de déterminer exactement le lieu où se trouve une personne.

Selon les documents rendus publics par Edward Snowden, lanceur d’alerte et ancien employé de l’Agence nationale de la sécurité (NSA), les services allemands du renseignement extérieur fournissent régulièrement aux États-Unis « d’énormes quantités de données de connexion ». Ces données comprennent des numéros de téléphone, des adresses de courriel et des adresses IP, qui peuvent tous être utilisés pour localiser les cibles de frappes de drones.

PAYS-BAS

En mars 2014, des articles [5] parus dans les médias ont révélé que les États-Unis utilisaient des données réunies par les Pays-Bas pour cibler des personnes qu’ils soupçonnaient d’être des membres du groupe armé Al Shabaab en Somalie. Ces informations étaient basées sur des documents rendus publics par Edward Snowden et sur le fait que le gouvernement hollandais a par la suite admis [6] avoir fourni aux États-Unis 1,8 million de métadonnées concernant des enregistrements de conversations téléphoniques.

En 2015, des poursuites [7] ont été engagées par deux bergers somaliens contre le gouvernement hollandais pour crimes de guerre. Les bergers affirment que les renseignements fournis par les Pays-Bas ont été utilisés par les États-Unis afin de cibler un dirigeant connu d’Al Shabaab [8] lors d’une attaque de drone en janvier 2014, et que si ce dernier a pu s’échapper indemne (il a cependant été tué par une frappe de drone ultérieurement), deux petites filles de l’un des bergers ont été tuées dans cette attaque.

ITALIE

La base aérienne de Sigonella, en Sicile, est d’une importance stratégique et militaire majeure pour les opérations menées par les États-Unis en Afrique du Nord. En janvier 2016, le gouvernement italien a accordé aux États-Unis l’autorisation [9] de faire décoller des drones armés depuis la base de Sigonella.

L’accord limitait cette autorisation aux frappes « défensives » menées contre le groupe armé se désignant sous le nom d’État islamique (EI) en Libye. Mais les États-Unis utilisent une définition extrêmement large de la notion de légitime défense pour justifier les attaques de drones.

Les gouvernements des États-Unis qui se sont succédé ont fait valoir le droit de considérer le monde entier comme un champ de bataille, élargissant énormément la définition de ce qui constitue une menace et de ce qui constitue un acte de légitime défense.

Aucune information officielle n’a été rendue publique en ce qui concerne les dispositions en vertu desquelles l’Italie autorise les États-Unis à mener des frappes de drones depuis le sol italien.

Au regard du droit international, les États européens qui apportent un soutien significatif au programme de drones pourraient être amenés à rendre des comptes pour avoir prêté leur assistance pour des frappes illégales.

S’il n’est pas possible d’établir des liens clairs entre l’aide de l’Europe et des attaques précises, en partie à cause du secret qui entoure cette assistance, nous savons en revanche qu’il est fort probable que des drones américains aient été utilisés pour des homicides illégaux, et cette probabilité s’est accrue sous le président Trump.

Le président Trump a non seulement considérablement élargi les opérations menées avec des drones, mais aussi fait marche arrière concernant les garanties limitées mises en place sous le président Obama relatives à l’utilisation des drones et de la force meurtrière à l’étranger, et cela entraîne probablement un risque accru d’homicides illégaux et de mise en danger des civils.

Compte tenu de cette menace grandissante, il est urgent que les États européens qui prêtent leur assistance pour le programme de drones fassent preuve d’une plus grande transparence quant à leur implication. Amnesty International demande que des garanties rigoureuses soient mises en place pour empêcher ces États de prêter leur assistance pour des violations des droits humains et des homicides illégaux. Ces États doivent en outre veiller à ce que des enquêtes indépendantes soient menées en cas d’allégations faisant état d’une telle assistance.

Le président Trump étant prêt à donner dans la surenchère, le Royaume-Uni, l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Italie doivent de toute urgence reconsidérer cette assistance meurtrière.

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