Officiellement, Damas continue d’affirmer qu’« aucun cas de coronavirus n’a été détecté en Syrie ». Toutefois, cette information provient d’un régime connu pour ses mensonges. Si ces neuf années de crise et de répression en Syrie nous ont appris quelque chose, c’est bien que les autorités, ainsi que la Russie et d’autres forces alliées, ont systématiquement transmis de fausses informations au monde, y compris aux Nations unies, sur la situation humanitaire dans le pays. Nous devons donc faire preuve du plus grand scepticisme face aux affirmations faisant état de l’absence de cas de coronavirus en Syrie. La capacité du régime à détecter les cas dans l’ensemble du pays et à les traiter se trouve extrêmement limitée au vu du manque critique de personnel formé et de matériel.
Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies, au moins 70 % des professionnels de santé ont quitté le pays et dans toute la Syrie, seulement 64 % des hôpitaux et 52 % des centres de santé primaire étaient complètement opérationnels à la fin de l’année dernière. Une situation catastrophique en soi, qui empire encore aujourd’hui.
Après des années de conflit, au cours desquelles les hôpitaux et les cliniques ont été impitoyablement pris pour cible par les forces du gouvernement syrien et de la Russie, le pays se trouve désormais en situation de vulnérabilité extrême face à une épidémie mortelle de coronavirus.
En Syrie, face à la pandémie, nous devons nous préparer au pire.
En prenant la métaphore de l’être humain et en imaginant que la Syrie soit une personne, cette dernière entrerait dans la catégorie des plus vulnérables face au coronavirus. Le pays, si l’on peut dire, a été « vieilli » par le conflit et il présente des pathologies sous-jacentes graves. Si le coronavirus devait apparaître dans les camps surpeuplés et insalubres du nord-ouest de la Syrie, ce serait terrible. Ce serait pire encore s’il venait à se propager dans les établissements pénitentiaires.
Inhumaines, lieux de tortures, les prisons syriennes pourraient devenir le cercueil des détenus
Les prisons de Bachar al Assad sont déjà tristement célèbres en raison de leur inhumanité, qui se traduit par une surpopulation chronique dans des conditions innommables et par un manque de nourriture et de soins médicaux. D’anciens détenus de la prison de Saydnaya ont évoqué auprès des chercheurs d’Amnesty International des « conditions barbares » avec des cellules de trois mètres carrés accueillant parfois plus de 50 personnes.
Les détenus sont déjà affaiblis par la torture et autres mauvais traitements subis, le manque de soins et la peur qui les tenaille concernant leur sort. Une épidémie de coronavirus serait catastrophique. Il est fortement à craindre que les détenus se trouvent abandonnés à leur sort face à la maladie et en meurent.
La situation est critique. De nombreux défenseurs des droits humains, journalistes, avocats, médecins et travailleurs humanitaires croupissent dans les prisons du régime syrien. Les Nations unies doivent exiger la libération immédiate de toute personne à risque face au coronavirus détenue dans les geôles syriennes, ainsi que la libération sans conditions de toutes les personnes détenues uniquement pour avoir exprimé pacifiquement une opinion.
Il faut forcer le régime à sortir rapidement de sa logique de propagande vouée à montrer l’image d’un Bachar al Assad infaillible et à faire passer, pour une fois, la santé de la population syrienne en priorité. Toute autre approche serait incroyablement irresponsable et dangereuse.
On ne le répétera pas assez, ce n’est pas le moment pour le gouvernement syrien de faire preuve de son manque de transparence, de sa cruauté et de son incompétence habituels. Il y a neuf ans, le régime a commis une erreur monumentale en ordonnant à ses forces d’ouvrir le feu sur des manifestants pacifiques. Il ne doit surtout pas en commettre une nouvelle dans sa gestion du coronavirus. Des millions de Syriens ont déjà vu leurs vies détruites par des années de bombardements, d’attaques aux armes chimiques, d’emprisonnement, de torture et de meurtres.
Nous ne devons pas permettre que celles et ceux qui croupissent dans les camps sordides de Syrie ou dans les ignobles prisons de Bachar al Assad soient condamnés à mourir du coronavirus.